Récemment, le réseau anglais de Radio-Canada diffusait cette
publicité pour annoncer son festival de productions gaies et lesbiennes.
À l'affiche, des films comme Love and Human Remains, Hollow
Reed et Boca A Boca, des captations musicales telles k.d.
Lang live in Sydney et des émissions à tendances humoristiques
telles In thru the out door. Le seul critère de diffusion:
l'orientation sexuelle des personnages des productions. Étonnamment,
la télé d'État décidait de clore son festival
avec la production américaine To Wong Foo, Thanks for Everything,
Julie Newmar! Comme s'il n'y avait pas assez de films canadiens qui
traitaient de la chose!
Les bureaucrates de la CBC auraient pu présenter entre autres: Lilies
(des prisonniers séquestrent un prêtre le temps de régler
des comptes concernant un passé homosexuel commun), The Hanging
Garden (retour d'un jeune gay en Nouvelle-Écosse après
une longue absence), I've Heard the Mermaids Singing (chassé-croisé
entre trois femmes dans l'univers des galeries d'art), When night is
Falling (triangle amoureux entre deux femmes et un homme), Being
at home with Claude (un prostitué mâle tue son amant pour
ne pas le perdre), Zero Patience (comédie musicale retraçant
l'arrivée du virus du sida au Canada), Urinal (sept artistes
gays sont ressuscités pour enquêter sur une série d'arrestations
effectuées dans des toilettes publiques de Toronto), The Boys
of St. Vincent (dans un orphelinat, des prêtres abusent sexuellement
de jeunes garçons) ou Beefcake (dans les années 50,
un magazine est mis sur pied pour une clientèle de culturistes gais)
pour ne nommer que ceux-là.
Ou bien, ils auraient pu élargir le thème du festival à
celui de la sexualité en général et présenter
des films aussi « légers » que Kissed
(un homme se tue pour se faire aimer par une nécrophile), Mustard
Bath (un jeune homme entretient une relation amoureuse avec une femme
d'âge mûr hantée par le souvenir d'un avortement fait
à la main), Crash (un triangle amoureux entre des hommes,
des femmes et des voitures – toutes combinaisons confondues), Exotica
(un homme entretient des liens quasi pédérastiques avec
une jeune strip-teaseuse), Léolo (fable scatologique dans
laquelle un jeune garçon découvre les différentes
facettes de la sexualité), et tellement d'autres...
Souvenez-vous par ailleurs de la controverse entourant les films Bubbles
Galore et The Girl who would be King, deux films subventionnés
mettant en vedette dans le premier cas une pornographe lesbienne tentant
de redorer l'image de la femme dans l'industrie du film porno et, dans
le deuxième, une lesbienne du genre « drag
king » à la recherche de ses propres parties
génitales.
Diversifié,
vous dites?
Comme on le voit, ce ne sont pas les films hétéro-, lesbo-
ou homo-érotiques qui manquent dans le répertoire cinématographique
canadien. Si on juge sur la base d'un des mandats originels donnés
aux organismes subventionnaires canadiens, celui de promouvoir la diversité
culturelle au pays, pas de doute que c'est un succès: on ne peut
effectivement pas reprocher un manque de « diversité
» dans les modèles sexuels proposés!
Pour les tenants de l'interventionnisme, la seule façon de promouvoir
la « variété » des produits est
en effet de s'opposer à la tendance soi-disant homogénéisatrice
du marché et de permettre à des voix plus marginales et/ou
excentriques de se faire entendre en les subventionnant. Dans son essai
The Cultural Connexion publié à la fin des années
soixante-dix, l'historien et ex-haut fonctionnaire fédéral
de la culture Bernard Ostry justifiait ainsi cette politique:
The
competition of the free market tends to result in conformity and homogeneity;
products tend to become like their competing products; and this homogeneity
of the material culture is soon reflected in spiritual conformity. The
role of the government is increasingly to correct this tendency by support
to minority interests and preferences, to protect eccentric individuals
and communities from the tyranny of the majority(1).
L'implication de l'État empêcherait l'homogénéisation
de l'offre culturelle. Mais l'interventionnisme gouvernemental est-il réellement
un remède contre l'homogénéisation de la culture ou
l'assurance d'une prolifération de produits culturels homogénéisés?
Histoires
de cul
Dernièrement, on apprenait qu'Ottawa allait financer une étude
sur les effeuilleuses. L'historienne Becki Ross qui enseigne la sociologie
à l'Université de Colombie-Britannique touchera environ 50
000 $ du Conseil de recherche en sciences sociales et humanités
du Canada pour la réalisation d'une recherche sur l'histoire du
strip-tease à Vancouver. La professeure estime que ce secteur d'activité
est « mal connu, trop dénigré »
et que l'histoire de ces femmes elles-mêmes vaut la peine d'être
retracée « pour que nous sachions qu'elles ont
contribué à l'histoire du divertissement à Vancouver.
» (Presse canadienne, 12 juin 2000). Ce qui a fait
dire au porte-parole de la Fédération canadienne des contribuables,
Mark Milke, « Les strip-teaseuses ne se font-elles pas
déjà suffisamment "étudier" comme ça?
» Hmm...
« Après des années d'interventionnisme,
force est de constater que les structures mises en place au nom de la diversité
culturelle ne favorisent en fait qu'un
genre de produits culturels: les histoires douteuses et choquantes qui
ne plaisent qu'à une très petite minorité de marginaux
branchés. »
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Pendant ce temps, le Conseil des arts du Canada débloque 1
500 $ pour le recueil de poésie Where did my ass go?
qui, aux dires de son auteure Molly Morin, est une honnête réflexion
sur une question existentielle qui la hante depuis qu'elle a vaincu sa
dyslexie et appris à écrire (5 ans avant ce projet poétique):
« First Nations people have what we call Bannock
ass, or flat bum. Why we have flat bum is one of the questions I asked
[myself]. »(2)
L'amérindienne de 34 ans dit avoir soumis le titre Where did
my ass go? au comité d'experts du Conseil après que des
amis lui ai recommandé l'utilisation d'un titre accrocheur. «
It worked. They liked the title and they gave me money for that.
»
Parmi les autres subventions très pertinentes du Conseil des arts
du Canada, 16 000 $ sont allés à la réalisation
du vidéo Wankers (ces hommes qui se masturbent), un documentaire
expérimental d'une trentaine de minutes qui examine les motifs qui
poussent les homosexuels à se rencontrer dans des endroits publics
pour échanger des faveurs sexuelles malgré l'acceptation
populaire grandissante dont ils jouissent. Pour leur projet de recherche,
le professeur Ken Anderlini de l'Université Fraser en Colombie-Britannique
et l'expert média de chez Video in Studios à Vancouver, Winston
Xin, vont visiter parcs publics, plages et salons de thé en plus
de se pencher sur le phénomène des « rencontres
» sur internet pour tenter d'élucider le mystère.
Tous
des obsédés?
On le voit, le cinéma n'est pas le seul secteur dans lequel on «
investit » au nom de la diversité culturelle. Mais
comment expliquer cette multiplication des produits à fort contenu
sexuel? Comment expliquer ce goût pour la sexualité marginale
ou déviante? Si au grand écran vous voyez deux femmes s'embrasser
à pleine bouche, des hommes se balader à poil (de face) ou
des personnes s'adonner à des activités sado-masochistes,
il y a de fortes chances que vous soyez en présence d'un produit
canadien et qu'il soit hautement subventionné à même
vos impôts.
Bien sûr il n'y a rien de répréhensible à réaliser
des études sur les danseuses nues à Vancouver, des films
comme Exotica, Crash ou Mustard Bath – qui sont bons
soit dit en passant –, des vidéos sur les joies de la masturbation
en groupe, ou des recueils de poésie sur les grosses fesses d'autochtones.
Ce qui l'est par contre c'est qu'on nous force à financer de tels
produits sous prétexte qu'ils sont notre seule planche de salut.
Notre seule arme contre l'inévitable américanisation. Qu'il
en va de notre survie culturelle. De notre avenir à tous. Et
cetera.
Personne ne consomment ces produits, ils ne doivent pas être si essentiels!
La majorité des Canadiens n'en ont rien à branler des fameuses
« histoires canadiennes » de la ministre
Sheila Copps. Après des années d'interventionnisme, force
est de constater que les structures mises en place au nom de la diversité
culturelle ne favorisent en fait qu'un genre de produits: les histoires
douteuses et choquantes qui ne plaisent qu'à une très petite
minorité de marginaux branchés.
Cette prolifération de produits dont personne ne veut est le résultat
direct d'une offre culturelle décidée de façon centralisée
par d'autres que ceux qui vont la consommer. Plutôt que d'avoir des
millions d'individus qui, à chaque fois qu'ils achètent un
produit culturel, favorisent un genre plutôt qu'un autre, une forme
d'art plutôt qu'une autre, quelques centaines de fonctionnaires seulement
décident entre eux et avec les gens du milieu de ce que sera l'offre
culturelle au pays.
Pourtant, même notre ex-haut fonctionnaire le dit dans son Cultural
Connection: « an assessor is likely to favour
an applicant whose skills or techniques or ideas resemble his own, thus
creating a succession of potential assessors who are likely to perpetuate
a particular school of thought. » Bien sûr,
il rationalisera cette faiblesse du système quelques lignes plus
loin en parlant des mécanismes de protection et blablabla. Mais
après quelques décennies d'interventionnisme, il faut bien
se rendre à l'évidence: la diversité que nous avons
dans la culture canadienne n'est pas celle de produits multiples qui répondent
aux goûts de divers publics, mais plutôt celle de perversités
multiformes qui comblent les fantasmes malsains d'un seul.
1.
Bernard Ostry, The Cultural Connection, McClelland and Stewart Limited,
Canada, 1978, p. 96-97. >> |
2.
Mark Stevenson, « Civil disobedience film, gum and bum
projects win grants », National Post, 16 février
2000, p. A3. >> |
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