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Montréal, 6 janvier 2001 / No 74 |
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par
Gilles Guénette
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L'approche
publique
La Cinémathèque québécoise a été fondée en 1963 par un groupe de cinéastes passionnés et a pour mission de conserver et de documenter le patrimoine cinématographique et télévisuel afin de le diffuser et de le rendre accessible à un public toujours plus large et diversifié. Même si son mandat premier en est un de conservation de films et d'archives télévisuelles, l'organisme collectionne aussi les affiches, les photos, les scénarios et documents de production, et à peu près tout ce qui se publie de par le monde sur le cinéma, la télévision et la vidéo.
Installée dans le quartier Latin de Montréal, la Cinémathèque
québécoise abrite une médiathèque, des salles
de projection et d'exposition, un restaurant, une boutique spécialisée
et les bureaux d'organismes et institutions directement concernés
par le cinéma, la télévision ou les nouveaux médias.
L'approche privée
Ex-Centris est
un complexe de production et de diffusion cinématographique conçu
pour évoluer avec les nouvelles technologies de production numérique.
Installé depuis un an et demi dans la portion branchée du
boulevard St-Laurent à Montréal, l'édifice de cinq
étages abrite plusieurs activités associées au domaine
des arts médiatiques.
Faire
avec le fric des autres
Bien sûr, la dimension du personnel de la Cinémathèque n'est pas à elle seule responsable de ses déboires budgétaires, sauf qu'elle est symptomatique d'une gestion déficiente. Nos bureaucrates de la culture ne sont pas reconnus pour se préoccuper de l'aspect financier des choses quand vient le temps de mettre en branle d'importants projets visant à favoriser le rayonnement de la culture. Alors que leurs décisions sont basées sur la disponibilité des fonds, celles d'entrepreneurs qui investissent leur fric sont basées sur la réalité économique du terrain. La motivation à réussir n'est pas la même lorsque ce sont nos propres économies qui sont en jeu. Faire avec son fric La direction d'Ex-Centris aura attendu de voir s'il y avait une demande pour le produit qu'elle offre et si une augmentation de l'achalandage de son complexe était observée avant d'envisager agrandir ses installations ou faire de nouvelles acquisitions. Son choix s'étant arrêté sur l'acquisition, en l'occurrence, celle du Cinéma du Parc – un cinéma répertoire de trois salles –, la direction demeure tout de même prudente. Selon une porte-parole d'Ex-Centris, il n'est pas question de partir en grande et faire une réplique du complexe du boulevard St-Laurent: 1) l'architecture du centre commercial dans lequel se trouve le cinéma limite grandement les travaux, 2) on ne veut pas perdre la clientèle établie. Le Cinéma du Parc offre des projections à rabais. Si les rénovations coûtent trop cher, il faudra hausser de beaucoup la tarification et peut-être perdre une partie des habitués. Ceci est en plein le genre de réflexe qui fait en sorte qu'un entrepreneur ne se plante pas – ou qu'il ne perd pas sa chemise si les choses ne fonctionnent pas. En plein le genre de réflexe que les gens de la Cinémathèque n'ont pas su développer (quand on réussit à se faire Autre réflexe d'entrepreneur qui stimule le succès: être à l'écoute du public qu'on vise. Si les cinéphiles se bousculent aux portes d'Ex-Centris c'est qu'on a su créer un lieu dynamique où l'on présente des productions qui intéressent. La programmation de la Cinémathèque a toujours été un peu déconnectée. Elle donne souvent l'impression d'avoir été élaborée pour une poignée de cinéphiles aux goûts ultra-spécialisés – consultez le programme de la Cinémathèque, vous tomberez au beau milieu d'une rétrospective de réalisateurs tchèque ou finlandais ou d'un festival de films muets... Ex-Centris vend mieux le documentaire et le cinéma d'auteur que la Cinémathèque (ou l'ONF) parce que sans tomber dans le blockbuster d'action bébête, il sait ratisser suffisamment large pour aller se chercher un public. Après 40 ans d'existence, la Cinémathèque ne réussit toujours pas à se maintenir hors du rouge; l'équipe de Daniel Langlois a mis un peu plus d'un an pour se tailler une place de choix à Montréal. Pour la concentration Les gens du milieu se plaignent toujours qu'il y a un manque criant d'écrans au Québec, qu'on ne peut pas présenter nos propres films chez nous parce que les Américains... enfin, vous connaissez la chanson! Pourquoi ne pas faire de la Cinémathèque un lieu spécialisé dans le cinéma d'ici? Y présenter autant des Boys que des Mouvements du désir. Envie de voir du cinéma made in Quebec? Rendez-vous à la Cinémathèque! Pourquoi ne pas présenter des exclusivités? Ex-Centris présente le film La moitié gauche du frigo de Philippe Falardeau depuis sa sortie. Tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin au cinéma d'auteur l'ont vu. Pourquoi ne pas programmer des films qui risquent de plaire à un plus grand nombre de personnes? – au risque de s'aliéner quelques cinéphiles intellos qui n'en ont que pour les sombres et profondes productions suédoises...
Pourquoi amasser affiches, photos et scénarios de partout à
travers le monde alors qu'on ne peut même pas entretenir un patrimoine
de productions québécoises? Le mandat premier de la Cinémathèque
est de conserver les films et archives télévisuelles. Or,
l'organisme est tellement cassé que depuis quelques années,
il ne fait même plus d'acquisition et n'accepte que les dons – les
producteurs d'ici ont pris l'habitude d'y déposer une copie (pas
toujours en bon état) lorsqu'ils y pensent...
Dans un tout autre ordre d'idée, The Gazette publiait récemment un article sur les effets du projet Une île, une ville du maire Bourque (
Ainsi, de la même façon que certains décident d'investir
plus dans leur fonds de retraite que dans le mobilier de salon, de petites
municipalités dépensaient davantage pour garnir les tablettes
de leurs bibliothèques que d'autres. C'était le cas, par
exemple, de Westmount qui dépensait 74.30$ per capita ou de Dorval
qui en dépensait 41.02$. En joignant la MégaCité du
maire Bourque, ces villes seront systématiquement intégrées
au réseau de bibliothèques de la Ville de Montréal
qui, elle, verse 28.76$ per capita. Même si ce budget est haussé
jusqu'à 30.00$ par personne, les résidants des villes qui
dépensaient davantage pour le livre seront pénalisés.
Comme le souligne Claire Côté, libraire en chef de la bibliothèque
de Pointe-Claire (68.21$ per capita):
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