|
Montréal, 6 janvier 2001 / No 74 |
|
|
par
Brigitte Pellerin
Bou! A-ha! Vous ai-je-tu bien eus? Je l'espère. Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'on switche de millénaire. Vous avez remarqué le nombre effarant de chroniques grandioses qui ont envahi les journaux ces derniers temps? Des chroniques qui ont comme qui dirait un léger arrière-goût apocalyptique – ou quelque chose comme ça. Va-t-on un jour finir par réaliser que la fin d'une année, la fin d'un siècle ou la fin d'un millénaire, ce n'est pas nécessairement la fin du monde? |
En un mot comme en mille, maudit que j'ai hâte qu'on arrive à
se faire à l'idée que rien ne changera; que la vie continuera,
au 21ème siècle, aussi bêtement qu'elle le faisait
il y a à peine six semaines.
Et que personne ne sera moins idiot pour autant. Pour une fois, Le Devoir et moi sommes d'accord. Marquez bien la date sur le calendrier – ce genre de choses n'arrive pas souvent. Ainsi y allait Bernard Descôteaux dans son éditorial du 30 décembre: Heille, c'est tout dire. Remarquez, ça ne fait pas de nous des gens bien différents des autres. Vous vous rappelez le fameux bogue de l'an 2000? Tout le monde, la broue dans le toupet, s'attendait au pire. Et qu'est-il arrivé? Rien pantoute. On est tous allés se coucher, un peu dépités quand même puisqu'on prévoyait quelque chose du genre guerre civile – eh oui, on est bizarre comme ça, les humains. Et on est encore en train de
[Tra-la-lè-rheuuuu] Tout le monde il s'est fait prendre, comme Jean-Simon Gagné nous le rappelait dans Le Soleil il y a deux semaines. Apparemment, l'homme et son voisin ont dépensé 250 milliards pour conquérir la lune. La station internationale Mir, elle, aura coûté 100 milliards. La guerre du Vietnam, 500 milliards. La guerre du Golfe? 60 milliards (z'avez remarqué qu'on dépense toujours plus sur nos conneries que sur nos bonnes idées?) Et vous savez combien on a depensé sur le fameux Détail. Donc, disais-je, rien ne changera. Je vais vous dire tout de suite ce qui se passera cette année.
Vous savez ce que c'est, le problème? C'est que trop de gens attendent de se faire dire quoi faire et quoi penser par des épais qui n'en savent pas plus que n'importe qui d'autre, mais qui le gueulent plus fort que les autres. On s'est fait dire de stocker de l'eau en bouteille et du thon en canne; les sous-sol de la nation en sont encore emplis jusqu'au plafond. On s'est fait dire que le gouvernement allait baisser les taxes; et on est partis en courant s'acheter une nouvelle bébelle chez Future Shop (vous y croyez, vous, à ce que raconte Bernard Landry? Ha! Ha!) On s'est fait dire que la séparation du Québec était pour bientôt; alors on attend. On s'est fait dire que l'économie allait bon train, et on est tout heureux d'être contents. […] Sans blague. Il ne se passe jamais rien, sur cette fichue planète, sans que les gens bien ordinaires ne se mettent à faire quelque chose. Les déclarations pompeuses des politiciens ne créent pas les événements. Les gens créent les événements (pour une raison ou pour une autre); et les politiciens essaient d'en tirer parti en nous faisant croire qu'ils les ont créés. Je sais, c'est mélangeant à la longue. Au lieu de se raconter des peurs et de toujours essayer de construire des événements grandioses à partir d'un courant d'air, on pourrait peut-être se contenter de vivre notre petite vie tranquille en faisant des petites choses bien concrètes, et bien utiles, chaque jour de l'année. Regardez un peu autour de vous, il y a au moins trois cent millions de choses à faire. Choisissez-en donc deux ou trois, pour commencer. Après, on verra. Si on faisait ça, on aurait peut-être quelque chose d'intéressant à célébrer l'an prochain, pour le soi-disant temps des Fêtes.
|
<< retour au sommaire |
|