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Montréal, 3 février 2001 / No 76 |
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par
Brigitte Pellerin
Si Einstein avait su qu'un jour on utiliserait ses théories pour faire exploser des bombes atomiques, peut-être se serait-il retenu. Ou peut-être pas. Il y a des gens qui disent que le génie échevelé ne pouvait pas ignorer les conséquences de ses découvertes, mais qu'il a continué tout de même, rapport à l'avancement de la science et tout le bazar. |
Entre
fantasme et agression
Peut-être la même chose est-elle arrivée à ceux qui ont pondu la Charte canadienne des droits et libertés. Nos cogiteurs pouvaient-ils savoir que protéger la liberté d'expression mènerait à une discussion, en Cour suprême SVP, sur le droit des individus d'écrire des histoires dans lesquelles des petits enfants s'adonnent à des activités sexuelles? Et si la réponse est oui, cela veut-il dire qu'ils auraient dû se retenir d'inclure la libre expression dans la liste des droits et libertés garantis aux citoyens? Maudite bonne question, qui s'est posée récemment dans l'affaire Sharpe, un homme de 67 ans accusé, entre autres choses, d'avoir écrit et distribué des histoires mettant en scène des mineurs en pleins ébats sexuels. La Cour a jugé raisonnable de limiter la liberté d'expression de Sharpe ( « Une grande victoire pour les enfants du D'abord, les lois qui empêchent la diffusion de matériel pornographique impliquant des enfants n'empêcheront pas nécessairement les pédophiles de continuer à offrir des bonbons aux gamins pour les inciter à monter dans leur voiture. Il y a une marge entre le fantasme et l'agression, que je sache. Punir le crime, oui. Punir les mauvaises pensées, non. Ensuite, la protection des enfants, ça commence à la maison. Apprenez-leur à faire la différence entre ce qui est une manifestation correcte d'affection et un attouchement méprisable. Apprenez-leur à distinguer entre le bien et le mal. Et gardez un oeil vigilant sur vos marmots. Quand ils seront assez grands pour sortir et se balader tout seuls, ils seront également assez grands pour se débrouiller contre les prédateurs, qu'ils soient sexuels ou autres. L'État dans la tête Oui mais voilà, pratiquement tout le monde est tombé dans le panneau. Il faut interdire tout comportement et tout matériel qui puisse, de près ou de loin, contribuer aux fantaisies sexuelles dégueulasses des pédophiles. Protégeons nos enfants, que diable. Et tant pis s'il faut, pour y arriver, réduire en bouillie la liberté d'expression et le droit à la vie privée des gens qui ne font rien d'autre que rêvasser dans leur salon, la main là où c'est péché – note aux législateurs: pensez donc à interdire Playboy, tandis que vous y êtes. Presque tout le monde est tombé dans le panneau, donc, sauf Agnès Gruda, qui y allait ainsi dans La Presse de samedi dernier:
Le danger, quand on commence à dire qu'une liberté est Et puis d'abord, dites-moi qui a besoin d'une loi pour leur rappeler que le monde est plein de dangers et de salauds? Quels parents Comme neige en hiver Franchement, est-ce que vous ne pourriez pas redescendre un peu de vos grands chevaux? Les pédophiles, (tout comme la drogue, la prostitution et les mauvais films) c'est comme la neige en hiver. Il y en a toujours eu, et il y en aura toujours. Aucune loi ne peut empêcher la merde de nous tomber dessus. Ce qu'il faut faire, c'est s'organiser pour être capables de dealer avec sans qu'elle nous gâche l'existence. Si les gens se prenaient en main au lieu de toujours brailler pour que l'État s'occupe de tout (et les protège contre tout) à leur place, peut-être que les choses iraient mieux. Si on réapprenait à se débrouiller, dans la vie, au lieu de n'être qu'un bande de chiffes molles, peut-être qu'on finirait par faire quelque chose de nos dix doigts. C'est Voltaire qui disait que même s'il était en désaccord complet avec ce que ses contemporains pouvaient dire, il se battrait jusqu'à la mort pour leur droit à le dire. Sharpe est tout à fait libre d'écrire les cochonneries qui lui passent par la tête. Et nous sommes tous parfaitement libres de nous lever la nuit pour l'ignorer. Mais le forcer à se taire? Non, jamais. Parce qu'un jour, qui sait, ce sera au tour de mon troisième voisin d'utiliser les cours de justice pour m'imposer le silence. Non mais...
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