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Montréal, 31 mars 2001 / No 80 |
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par
Claire Joly
Le questionnaire de l'organisme Impératif français, dont je me moquais il y a trois ans (voir QUAND LE FRANÇAIS DEVIENT UN IMPÉRATIF, le QL, no 13), se trouve encore sur le Web. Il insinue toujours que le citoyen vertueux ne porte pas de casquette avec de l'anglais et que son répondeur téléphonique ne parle surtout pas dans les deux langues. |
Délation
101
Plus malsain, il exhorte à cette charmante pratique qu'est la délation. Pour les concepteurs du questionnaire, c'est évident en le lisant, il n'y a pas de plus noble manifestation de fierté que la plainte pour violation de la Charte de la langue française. Le formulaire de plainte se trouve dans le site, prêt à remplir. La pratique de la délation caractérise les régimes totalitaires, de gauche comme de droite. La mouchardise existe hors des régimes totalitaires, bien sûr. Ce genre de régime ne saurait toutefois se maintenir sans pratique généralisée de la délation, car il s'agit du meilleur moyen de faire respecter des lois autrement impossibles à imposer. On pense à ces lois qui prescrivent aux gens quel Dieu adorer, comment agir, comment penser… ou dans quelle langue le faire en public. La loi 101 a peut-être élevé notre seuil de tolérance à la délation dans d'autres domaines. Nous avions une police de la langue, alors pourquoi pas une police du tabac? Les grandes entreprises ont dû nommer un délateur en chef, mais pour moucharder les propriétaires de petites entreprises, les bons citoyens peuvent utiliser un numéro de téléphone sans frais. Beaucoup de Québécois dont le français est la langue maternelle n'adhèrent pas nécessairement aux discours extrémistes comme celui d'Impératif français, même s'ils partagent leur inquiétude quant à l'avenir de la langue. Si beaucoup n'hésitent pas à dénoncer le harcèlement dont certains commerçants sont victimes, la majorité tolère l'existence d'une loi linguistique répressive. Tenir à ce que les immigrants adoptent le français ou en faire la promotion auprès de ses locuteurs naturels n'a rien de répréhensible. Afficher sa fierté est légitime. Se servir du pouvoir de l'État pour imposer sa hiérarchie de valeurs à tous, voilà qui est différent. Hors Les intégristes du français ne cessent de répéter qu'il n'y a pas de salut pour le français en Amérique du Nord hors des lois linguistiques et hors d'un État pour les appliquer. Ce discours perpétue l'attitude de complexé dont on prétend nous affranchir. Réclamer le maintien de la loi pour régler le problème du français en Amérique est une attitude qui n'a rien de sain ou de courageux. Il s'agit simplement de la manière la plus facile d'imposer des valeurs à tous, à un moindre coût pour les individus ne tolérant pas les préférences d'autrui. Ces pleutres ont peur de la liberté, car ils craignent qu'on ne choisisse pas les valeurs qu'ils privilégient. Sans liberté de choix, il ne saurait pourtant y avoir de solidarité réelle ou de véritable sentiment d'appartenance. Ils se sont donc réfugiés dans les jupes de l'État, derrière son pouvoir et ses ressources: celles des autres. Avec l'argent siphonné, ils subventionnent les bureaucrates et les manifestations culturelles insipides. Les fonctionnaires organisent des Francofêtes durant lesquelles on gave les brebis de la bonne culture jusqu'à ce qu'elles la régurgitent.
Et encore, si ce n'était qu'une question d'argent! Au nom de la langue...
Les politiciens (incluant le Parti pseudo-libéral) se sont arrogés
le droit de parler au nom de tous les habitants de la province sous prétexte
qu'ils partagent une langue et qu'ils habitent un territoire déterminé.
La sauvegarde du français est constamment invoquée pour justifier
un État envahissant et centralisateur. Dans les discours des politiciens
et d'autres indigènes, cette entité, le grand
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