Montréal,
31 mars 2001 / No 80 |
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ÉDITORIAL
REDISTRIBUER
LA RICHESSE
EST
IMMORAL
par
Martin Masse
Les êtres humains ont une propension très marquée à
faire connaître leurs bonnes oeuvre et à afficher leur vertus.
Il ne s'agit pas nécessairement de narcissisme ou d'orgueil comme
on pourrait le croire, mais d'une stratégie de communication qui
vise à favoriser la coopération sociale. |
Comme l'expliquent les biologistes et anthropologistes qui ont développé
ces théories sur l'évolution des sociétés animales
et humaines, un comportement purement altruiste envers un membre de sa
famille s'explique par l'intérêt inconscient (pas besoin de
le rationaliser, nous le ressentons de façon innée) que chacun
a à propager ses gènes; toutefois, l'intérêt
d'une coopération avec un étranger est moins évident
et un tel échange doit nécessairement s'appuyer sur un avantage
plus concret qu'on en retire.
Mais comment décider si on peut faire confiance ou non à
un étranger? En particulier dans le contexte de sociétés
primitives, où il n'existe pas de système de justice bien
établi pour redresser les torts, le risque est toujours grand de
se faire flouer et de ne rien recevoir en échange du service qu'on
a offert. On sera donc évidemment porté à amorcer
un rapport d'échange, un acte coopératif, un processus d'alliance,
avec ceux dont l'attitude et la réputation nous rassurent, et à
éviter ceux qui semblent trop égoïstes, ceux qui paraissent
vouloir s'enrichir aux dépens des autres, ceux dont on dit qu'ils
profitent de la situation pour frauder chaque fois qu'ils le peuvent.
Faire étalage de ses vertus, c'est donc s'assurer une bonne position
dans les réseaux de coopération sociale essentiels à
la survie et à la prospérité. Il y a bien sûr
ceux qui se font passer pour des âmes pures alors qu'ils ne sont
en réalité que des crapules. Ceux-là réussissent
à duper ceux qui tombent dans leur filet, jusqu'à ce que
leur vrai visage soit mis à nu. En fait, la meilleure façon
de paraître vertueux, c'est de l'être vraiment. Si l'on est
vraiment intègre et qu'on adhère à un code moral stricte,
on n'a pas besoin de faire d'efforts spéciaux pour en faire part
au reste du monde, cela va finir par se savoir. Être vertueux et
agir moralement, c'est bien en soi, c'est bon pour la conscience, bon pour
s'assurer une place au paradis, mais c'est aussi « rentable
».
De
prudence et de responsabilités
Tout ceci m'amène naturellement à parler du premier budget
Marois. Je n'entrerai pas dans les détails, qui se résument
à quelques lignes: quelques baisses d'impôt symboliques, un
petit remboursement de la dette, des centaines de millions de plus aux
deux secteurs étatisés en faillite que sont la santé
et l'éducation, des millions aux parasites régionaux, à
ceux du monde des affaires, de la culture, etc. Rien de bien nouveau ni
pertinent.
Non, ce sur quoi je voudrais m'attarder, c'est une petite phrase proférée
par la nouvelle ministre des Finances Pauline Marois une semaine plus tôt,
lorsqu'elle a annoncé les grands principes de sa démarche
budgétaire: ce sera, a-t-elle dit, un budget « prudent
et responsable », mais encore, un budget «
qui recherchera l'équilibre entre les baisses d'impôts
et la compassion ».
Ainsi donc, l'alternative à nous redonner une partie du revenu qu'on
nous prend, ce qui justifie au premier chef de continuer à augmenter
les dépenses de l'État (3,1% d'augmentation cette année),
ce serait la compassion.
On parle bien sûr ici des dépenses « sociales
», pas de la construction de bouts de routes ou du financement
des PME. Là où la compassion du gouvernement se manifeste,
c'est dans la nouvelle enveloppe de 300 millions $ pour la
lutte « contre la pauvreté et l'exclusion
», les dépenses additionnelles de 200 millions
$ pour la Famille, l'Enfance et la Condition féminine, ou
encore les 42 millions $ alloués à «
l'amélioration des services à domicile et des services
pour les jeunes ». Bref, dans les programmes de redistribution
de la richesse.
Du point de vue des socialistes, redistribuer la richesse par de multiples
programmes comme ceux-ci est bien sûr ce à quoi sert l'État.
Et ils ont toujours de beaux mots qui dénotent la vertu et l'altruisme
pour justifier leur position.
Je participais il y a quelques semaines à un débat sur la
pauvreté lors de l'émission Droit de parole à
Télé-Québec. Vivian Labrie, porte-parole du Collectif
pour une loi sur l'élimination de la pauvreté (voir leur
proposition)
a alors offert la définition la plus idéaliste de l'État
qu'il m'ait été donné d'entendre. L'État, a-t-elle
déclaré, « c'est l'instrument de nos solidarités
». Sans blague.
Dans le petit monde de l'establishment politique et médiatique,
personne ne remet jamais en question les prémisses de ce type de
déclaration. Ce que l'opposition libérale, ou les porte-parole
du milieu des affaires, ou les commentateurs « modérés
» expliquent, lorsqu'ils critiquent la propension du gouvernement
à trop dépenser, c'est que nous somme déjà
trop endettés, que les taxes sont trop élevées, que
notre économie n'est pas assez compétitive, et qu'«
il faut d'abord créer la richesse avant de pouvoir la redistribuer
». Tout le monde s'accorde toutefois sur le fait qu'il faut
faire preuve de compassion et de solidarité et que c'est bien le
rôle de l'État de redistribuer la richesse.
Petit
paradoxe moral
Il y a toutefois un petit paradoxe moral dans ces manifestations très
médiatisées de compassion et de solidarité. Qui au
juste fait preuve de ces belles qualités? Qui se sacrifie vraiment
pour les autres dans cet élan de charité collective?
S'agit-il des politiciens qui prennent les décisions? Évidemment
que non, cet argent ne sort pas de leur poche, ils le prennent dans les
nôtres. Forcer les uns à payer pour redonner à d'autres
ne peut logiquement être considéré comme une forme
d'altruisme.
S'agit-il alors des fonctionnaires qui administrent les programmes? Pas
plus, ils sont payés pour le faire et ne font aucun sacrifice.
S'agit-il de l'électorat dans son ensemble qui, dans une démocratie,
décide collectivement des orientations générales du
gouvernement? Outre le fait qu'un simple vote tous les quatre ans peut
difficilement être couplé à un niveau quelconque de
compassion et de solidarité, l'idée d'un électorat
dans son ensemble qui prend des décisions collectives ne tient pas
la rampe. Ce sont des individus qui votent, pas des collectivités.
Si l'on prend ces individus un à un et qu'on analyse leurs motivations,
on ne trouve pas beaucoup d'électeurs dont on peut dire qu'ils font
preuve de compassion et de solidarité.
« Dans une société dominée par les femmelettes
et les moumounes socialistes comme la nôtre, plus on projette une
image de compassion et de solidarité, plus on a de chance de monter
dans l'échelle du pouvoir étatiste. »
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Une bonne partie de l'électorat qui vote en faveur de politiques
redistributionnistes est ainsi composée de ceux qui vont en profiter:
toute la frange des dépendants qui vivent en totalité ou
en partie aux frais de l'État, y inclus les fonctionnaires qui administrent
ces programmes et qui ont intérêt à ce qu'ils grossissent.
Loin de faire preuve de solidarité, ils se servent du système
pour s'accaparer la richesse des autres.
D'un autre côté, il y a les électeurs productifs, qui
créent de la richesse et dont une partie importante du revenu disparaît
en taxes et impôts pour financer cette redistribution. Pas besoin
de faire d'études sociologiques très poussées pour
savoir que ces électeurs en ont ras le bol de se faire siphonner.
S'ils s'opposent à la redistribution de leur richesse, peut-on sérieusement
prétendre qu'ils font preuve de compassion? Certainement pas. Il
n'y a rien de moral à être forcé de partager ce qui
nous appartient.
On peut imaginer qu'une partie de ces gens aisés qui paient des
taxes élevées sont des socialistes qui ne rechignent pas
à se faire ainsi enlever une partie de leur revenu au profit des
plus démunis. Ce serait, en fin de compte, la seule frange d'électeurs
qui feraient vraiment preuve de compassion et de solidarité. Mais
le fait qu'ils soient de toute façon forcés de le faire et
qu'on ne sache pas comment ils agiraient s'ils avaient vraiment le choix
de payer ou non ces impôts gâche un peu le geste. À
la limite, on pourrait même dire que ces membres de la gauche caviar
sont ou bien des hypocrites, ou bien des imbéciles. S'ils veulent
vraiment se départir de leur richesse, il y a en effet des moyens
bien plus simples et directs de le faire que par un vote tous les quatre
ans: faire un chèque à Centraide ou à un quelconque
organisme de charité par exemple.
Bref, les véritables altruistes ne sont probablement qu'une minorité
insignifiante de l'électorat, et il est absurde de dire que les
programmes de redistribution étatiques sont l'expression d'une solidarité
générale. L'État n'est pas « l'instrument
de nos solidarités », il est simplement l'instrument
de la coercition exercée par la petite clique qui le contrôle
et qui se maintient au pouvoir grâce à toutes sortes de manipulations.
Un
acte immoral
Comment donc se fait-il que les mots compassion et solidarité soient
si souvent utilisés dans le discours politique, si personne ne fait
vraiment preuve de ces vertus? Eh bien, comme je l'expliquais plus haut,
faire étalage de ses vertus, c'est s'assurer une bonne position
dans les réseaux de coopération sociale. Il y en a qui ont
l'air vertueux et qui le sont vraiment, mais il y a aussi ceux qui se font
passer pour des âmes pures alors qu'ils ne sont en réalité
que des crapules...
Les politiciens comme la ministre Pauline Marois, déjà millionnaire,
n'ont aucunement besoin de s'insérer dans un réseau d'échange
comme leurs ancêtres devaient le faire pour survivre et prospérer.
La belle image vertueuse qu'ils projettent sert à un autre type
d'échange: celui du pouvoir. Votez pour moi, je serai gentille
et je vous donnerai la richesse des autres. La ministre au grand coeur,
Louise Harel, est parmi ceux qui sont passés maîtres en la
matière.
Les grandes âmes telles que Vivian Labrie et les membres de sa coalition,
les dirigeants syndicaux, les groupes communautaires et intervenants de
toutes sortes, les journalistes qui lèchent les bottes de tout ce
beau monde, ont tous intérêt eux aussi à faire étalage
de leur vertus. Dans une société dominée par les femmelettes
et les moumounes socialistes comme la nôtre (voir LA
MARCHE DES FEMMELETTES, le QL, no
69), plus on projette une image de compassion et de solidarité,
plus on a de chance de monter dans l'échelle du pouvoir étatiste.
L'évolution biologique semble avoir erré en faisant de la
plupart des gens de grands naïfs qui se laissent duper par ces crapules.
C'est pourquoi si l'on veut mettre fin à cette manipulation, il
faut absolument déconstruire la propagande socialiste bien-pensante
et montrer que le roi est nu, en répétant quelques vérités
fondamentales.
Redistribuer la richesse au moyen de l'appareil coercitif qu'est l'État
est immoral. Personne ne fait preuve de quelque compassion ou solidarité
que ce soit dans un tel contexte. L'acte est entièrement découplé
de la responsabilité.
La compassion et la solidarité véritables ne peuvent s'exprimer
que lorsqu'on donne volontairement, en tant qu'individu responsable
de ses gestes.
La seule façon morale d'aider les pauvres est donc d'abolir notre
système socialiste et de revenir au système de charité
privé qui prévalait jusqu'à il y a encore quelques
décennies.
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Le
Québec libre des nationalo-étatistes |
L'ÉTAT,
NOTRE BERGER?
« Après
avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu,
et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses
bras sur la société tout entière; il en couvre la
surface d'un réseau de petites règles compliquées,
minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus
originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour
pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais
il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais
il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point,
il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne,
il comprime, il énerve, il éteint, il hébète,
et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un
troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le
berger. »
Alexis
de Tocqueville
DE
LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840) |
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