Montréal, 6 juillet 2002  /  No 106  
 
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François Morin est conseiller financier dans la région de Québec.
 
BILLET
 
FISCALITÉ: L'ART DE MAÎTRISER L'INUTILE
 
par François Morin
  
 
          Vous êtes-vous déjà arrêté pour faire le point sur les activités utiles et inutiles de votre quotidien? Je parle ici de votre journée de travail, plutôt, de votre métier. Bien entendu, il nous arrive tous de flâner, de perdre un peu de temps à écrire des e-mails, de regarder dehors, de rêvasser, etc. Ces pertes de temps et de productivité sont contrôlables, il suffit d'un changement d'attitude, d'un peu de bonne volonté et d'un peu plus de concentration.
 
Contourner le fisc 
  
          Ce dont je veux vous entretenir, ce n'est pas de ces petites dérogations à votre horaire chargé, mais des activités inutiles que vous croyiez probablement utiles. Vous savez, ces éléments que vous apprenez à dominer, ces concepts que seuls vous au bureau maîtrisez et dont vos collègues sont jaloux. Vous l'avez compris le système, vous savez comment ça fonctionne, vous avez une longueur d'avance sur vos comparses. Félicitations, vous savez comment ça fonctionne, mais savez-vous pourquoi? Drôle de question, non? Pas tant que ça. Faites l'inventaire de vos connaissances, de l'énergie que vous mettez à perfectionner votre art, quel qu'il soit. Est-ce que tout ce que vous faites dans une journée est utile? J'ai personnellement fait l'inventaire de l'utilité relative de mes connaissances et je constate que je suis le roi du savoir superflu. 
  
          En tant que conseiller, je me dois d'offrir les meilleures solutions qui soient à mes clients. Meilleures solutions n'égalent malheureusement pas toujours meilleurs produits ou meilleurs prix et vous savez pourquoi? L'IMPÔT. Cette invention abominable de l'homme hante mon quotidien professionnel. En utilisant quelques subterfuges, on réussit à épargner une fortune. Il suffit de savoir comment le système fonctionne.  
  
          Quelques fiscalistes, race tout à fait inutile dans le vrai monde, viennent régulièrement au bureau pour nous expliquer le fonctionnement de leurs nouvelles découvertes. Des découvertes provenant d'une distorsion infligée par l'homme aux lois naturelles économiques (lire impôt et autres règlements). Le langage est toujours le même: On crée une fiducie, off shore ou non selon le cas, une compagnie de gestion « holding », on procède à un gel successoral, ou quelque autre technique complexe. Le travail des fiscalistes est simple: trouver des failles dans le fouillis qu'est la loi de l'impôt et exploiter celles-ci pour minimiser l'impôt à payer.  
  
     « Si vous croyez que j'en ai contre ce genre de passe-passe financière par que cela avantage les mieux nantis, vous vous trompez. Je crois que tout ce qui porte entrave à la bonne marche de l'économie est néfaste. »
 
          Naturellement, toutes ces lois sont complexes à mourir et mes clients doivent payer une fortune pour mettre en place le « concept ». Vous croyez que l'assurance c'est pour vous couvrir en cas de décès? Pas en fiscalité 101. L'assurance vie comme protection de la petite famille, c'est pour la classe moyenne. Pour les propriétaires d'entreprises et gens plus fortunés, c'est un abri fiscal et il est souvent bon d'en prendre plus que moins, pour fins d'impôt bien sûr.  
  
Des concepts bidon 
  
          Le fiscaliste touche ainsi une rémunération qui normalement devrait demeurer dans les poches de mon client. Quant à moi, je vends une police d'assurance vie plus importante qu'elle ne devrait l'être. Ah! oui, au passage, une horde de fonctionnaires s'arrachent les cheveux pour tenter de comprendre le nouveau truc que nous avons encore réussi à inventer pour profiter au maximum de leur système. Malgré toutes les sommes engagées dans le concept, mes clients en sortent gagnants. Ils vont payer moins d'impôt et conserver malgré tout plus d'argent dans leurs poches. Au passage, le fiscaliste aura gagné sa croûte, et j'aurai ma commission sur l'abri fiscal.  
  
          Vous croyez que ça crée de l'emploi, que ça fait tourner l'économie, que tout ça a un sens? Pas vraiment... Dans le vrai monde, il n'y a pas de fiscaliste et je n'ai pas vendu une police d'assurance à mon client pour autre chose que ses vrais besoins. Mon client est donc plus riche de quelques milliers de dollar. Comme il était déjà plus aisé que la moyenne, il l'est encore plus. En lui laissant plus d'argent dans ses poches, il aura plus de capitaux à sa disposition pour investir, et l'ensemble de la société profitera du potentiel marginal ainsi libéré.  
  
          Si on éliminait les causes de ces activités inutiles, il y aurait moins de conseillers comme moi qui tirent une partie de leurs revenus de l'aberration humaine qu'est l'impôt, et les fiscalistes et fonctionnaires devraient faire quelque chose de vraiment utile de leurs dix doigts. Imaginez, sur les 4 personnes citées dans ce texte (moi, fiscaliste, client, fonfon le fonctionnaire), 2.5 seraient libérées pour travailler à quelque chose de mieux. Ces nouvelles ressources humaines et financières seraient alors disponibles pour des fins plus utiles pour la société, comme la recherche sur le cancer ou la construction de logements.  
  
          Si vous croyez que j'en ai contre ce genre de passe-passe financière parce que cela avantage les mieux nantis, vous vous trompez. Je crois que tout ce qui porte entrave à la bonne marche de l'économie est néfaste. Lorsqu'une partie de la population ne travaille que pour justifier l'inflation des normes bureaucratiques, la progression générale de la collectivité est ralentie. Les subventions aux entreprises ainsi qu'aux groupes sociaux, l'évitement fiscal, les multiples programmes de redistribution de la « richesse » (garderie à 5$, assurance médicaments, etc.) ne font que brasser l'avoir de façon tout à fait improductive... sans parler de la liberté de choix qui est grandement brimée.  
  
          Je suis désolé d'avoir à vous aviser que si vous êtes fiscaliste, conseiller financier, comptable, professeur, avocat, fonctionnaire, politicien, syndicaliste, policier, etc., une partie, sinon tout ce que vous faites est malheureusement inutile pour la société. Comme la tendance est à une bureaucratisation grandissante, je n'ai pas à craindre pour mon emploi à moyen terme. Pour le moment, ma contribution à l'avancement de la société, c'est de retourner le plus d'argent dans les poches de mes clients en jouant le jeu selon les règles de l'État. 
  
 
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