Montréal, 19 juillet 2003  /  No 126  
 
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Christophe Vincent travaille dans l'informatique et vit à Paris. On peut lire ses textes sur Le champ libre. 
 
LE CHAMP LIBRE
 
LE SEUIL DE PAUVRETÉ,
UN INDICATEUR QUI N'INDIQUE RIEN
 
par Christophe Vincent
  
 
          Les plus farouches adversaires du libéralisme ne manquent généralement pas d'évoquer un argument décisif, selon eux du moins: le seuil de pauvreté. 
  
          Ils prétendent que 19% des Américains vivraient en dessous de ce seuil de pauvreté contre seulement 7% en France (ou des chiffres du même acabit). Bref, le système économique libéral américain créerait beaucoup de richesses, certes, mais ce serait au prix de terribles inégalités, d'une effroyable pauvreté (la fameuse exploitation des classes défavorisées par les sales patrons capitalistes sans doute).
 
          Si comme semblent l'indiquer ces chiffres, il y avait vraiment deux à trois fois plus de pauvres aux États-Unis qu'en France, on pourrait alors se demander pourquoi nous ne sommes pas envahis par des hordes de pauvres Américains cherchant refuge dans notre petit paradis socialiste français. 
  
          Mais la réponse est simple. Ces chiffres sont bidon. Ils ne veulent rien dire. En effet, le seuil de pauvreté est un indicateur... qui n'indique rien. 
  
          Le seuil de pauvreté correspond à la moitié du revenu médian des habitants du pays. Le revenu médian est le revenu qui divise la population en deux: la moitié des gens gagnent davantage, l'autre moitié gagnent moins. 
  
          Prenons un exemple simple pour montrer l'incapacité de ce « seuil de pauvreté » à refléter la réalité de la pauvreté d'abord, et à soutenir une comparaison entre deux pays ensuite. 
  
          Supposons qu'aux États-Unis, 30% des habitants aient un revenu compris entre 200 et 300 KF, que 20% aient un revenu compris entre 300 et 600 KF, et que les 50% restants aient un revenu encore supérieur. Le revenu médian pour la population des États-Unis serait alors de 600 KF ( 50% gagnent plus, 50% gagnent moins ). Le « seuil de pauvreté » serait donc de 300 KF (la moitié du revenu médian). Trente pour cent des habitants des États-Unis vivraient en dessous du « seuil de pauvreté »! Mais avec un revenu compris entre 200 et 300 KF, pourrait-on vraiment dire que les États-Unis comptent 30% de pauvres? 
  
     « Ces chiffres sont bidon. Ils ne veulent rien dire. »
 
          Supposons maintenant qu'en France, 50% des habitants aient un revenu compris entre 50 et 100 KF, les autres 50% ayant un revenu supérieur. Le revenu médian français serait donc de 100 KF. Le « seuil de pauvreté » serait de 50 KF. Personne en France ne vivrait donc en dessous de ce fameux « seuil de pauvreté »! Pourrait-on dire pour autant que la France ne comporte que des gens riches? 
  
          Avec ces deux exemples, on voit déjà bien que ce prétendu seuil de pauvreté ne reflète absolument pas la réalité de la pauvreté.  
  
          Mais en plus, il ne permet absolument aucune comparaison entre les différents pays, le « seuil de pauvreté » de chacun n'étant pas le même. Dans notre exemple, pourrait-on sérieusement soutenir que la situation des Français est plus enviable que celle des Américains? 
  
          Ce seuil de pauvreté est donc un très mauvais indicateur. On ne peut en tirer aucune conclusion valable. C'est un indicateur... qui n'indique rien du tout.  
  
          Il ne permet pas de dire si les 19% d'Américains considérés comme pauvres sont réellement pauvres. Il ne permet pas de dire s'il y a trois fois plus de pauvres aux États-Unis qu'en France (ce dont je doute). 
  
          Ce « seuil de pauvreté » n'a en fait qu'un seul intérêt: c'est un bon épouvantail. Les adversaires du libéralisme de mauvaise foi n'ont donc sans doute pas fini de l'agiter. 
  
  
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