Montréal, 22 novembre 2003  /  No 133  
 
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Carl-Stéphane Huot est gradué en génie mécanique de l'Université Laval à Québec.
 
SCIENCES, INDUSTRIES ET SOCIÉTÉ
  
RÔLE DE L'ÉTAT ET RESPONSABILITÉ DES CITOYENS: UNE RÉFLEXION S'IMPOSE!
 
par Carl-Stéphane Huot
  
   « L'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »
 
– Frédéric Bastiat, L'État
  
  
          Plusieurs choses me mettent vraiment mal à l'aise dans l'actualité ces jours-ci: la hausse des frais de garderie de 5 à 7$ par jour; l'annonce par le gouvernement du Québec d'une réflexion faite sur l'opportunité de taxer les gains de loterie; le nombre croissant de Québécois qui vont acheter leurs boissons alcoolisées en Ontario et finalement, aux États-Unis, la récente élection d'Arnold Schwarzenegger au poste de gouverneur de la Californie. Le lien entre toutes ces histoires: la fuite en avant des citoyens, qui veulent à tout prix recevoir les services des gouvernements, mais en évitant soigneusement de payer la facture.
 
De dépense en dépense 
  
          En Occident, nous nous sommes habitués, ces quarante dernières années, à voir le gouvernement dépenser de l'argent pour toutes sortes de choses, certaines peut-être parfaitement légitimes, mais aussi d'assez folles mesures. D'une année à l'autre, les gens se sont aussi habitués à voir une part grandissante de leurs revenus de travail être confisquée par le gouvernement pour financer ces dépenses. Les gouvernements se sont aussi endettés, souvent au point de frôler dangereusement la faillite, ce qui a comme conséquence aujourd'hui qu'on voit une part assez importante des impôts de Monsieur et Madame Tout-le-monde servir à payer les intérêts sur ces dettes – alors que le capital n'est même pas remboursé. 
  
          Cependant, depuis une dizaine d'années au Canada, certains expriment de plus en plus haut et fort leur mécontentement devant cette confiscation grandissante de leur paye. Ils deviennent alors membres de confréries de travailleurs plus ou moins au noir ou d'acheteurs de produits et services pas de facture pas de taxe et un rabais à part de ça, ou vont acheter leur vodka en Ontario, pour économiser sur les taxes qui y sont moins élevées. Pourtant, ces mêmes gens qui participent à l'évasion fiscale sont ceux qui hurlent contre le mauvais gouvernement quand il leur retire ou leur refuse un programme auquel ils ont supposément « droit », ou qui s'émeuvent devant la rhétorique des spécialistes des communications des lobbies de la gauche, par exemple, sur le nombre de gens qui prétendument « meurent » de faim chez nous(1).
 
          Même ces lobbies de la gauche ne sont guère cohérents. Tout en défendant le principe de gouvernements forts, qui dépensent beaucoup d'argent et qui en ont donc besoin de beaucoup, ils appuient l'assisté social ou le travailleur à faible revenu qui cherche à améliorer son sort avec un petit boulot au noir (bien sûr, dans cette optique tarabiscotée, une entreprise ne peut faire de même: ce n'est pas socialement admissible). 
  
          Mis devant les faits de débordements énormes dans tous les secteurs – par exemple le fameux programme de garderies à 5 $ par jour dont les coûts sont passés dans le temps de le dire du simple au quintuple, mais qui pourraient encore enfler au sextuple voire plus si les syndicats de gardiennes d'enfants montrent les dents –, le gouvernement tente par tous les moyens de trouver de nouveaux revenus (comme la taxation des gains de loterie) et de restreindre les coûts en en refilant une partie aux contribuables (hausse des frais de garderie, de l'assurance médicament, des frais de scolarité post-secondaires, etc.). 
  
     « Partout, c'est la même chanson: personne ne semble vouloir payer, tous les lobbies se battent pour que leurs privilèges érigés en droits par une propagande socialiste constante demeurent intacts, voire soient améliorés. »
 
          Mais partout, c'est la même chanson: personne ne semble vouloir payer, tous les lobbies se battent pour que leurs privilèges érigés en droits par une propagande socialiste constante demeurent intacts, voire soient améliorés. Et cette opposition se durcit parfois jusqu'à la violence, comme ce fut le cas lorsque des militants pour le « droit » à l'éducation universitaire gratuite (c'est la gratuité qui est le droit, et non l'éducation en tant que tel) ont vandalisé le Parlement à Québec récemment. 
  
En charge de tout 
 
          Tout se passe comme si l'État, en se mettant entre les biens et services et ceux qui les paient, avait fait perdre le sens de la mesure à tout le monde. En acceptant, au fil des années, de prendre en charge différentes missions sous la pression populaire (et syndicale), et en envoyant le message que l'État est l'ultime ressource pour tous les citoyens, les gouvernements successifs ont perdu le contrôle de la situation. Les citoyens ont pris l'habitude de s'en remettre au gouvernement pour de larges pans de leur vie, se conduisant comme des amibes menés par le courant.  
  
          En créant des attentes, comme chez ces pauvres qui croient que tout leur est dû, chez ces gens de la classe moyenne qui considèrent à juste titre qu'ils doivent recevoir ce pour quoi ils ont payé, ou tous ces lobbies qui vivent par et pour les subventions et autres avantages liés au statut de clochards gouvernementaux, la situation devient de moins en moins gérable pour quelque gouvernement que ce soit. 
  
          Ces citoyens peuvent aussi dérailler, comme en Californie. Après s'être votés de confortables baisses d'impôts et avoir pratiquement empêché le gouvernement de sabrer dans le moindre programme pour équilibrer ses finances, les Californiens ont foutu leur ancien gouverneur dehors et l'ont remplacé par le Terminator quand il s'est révélé incapable de résoudre la quadrature du cercle. C'est ce qui s'appelle être incohérent, mais parfaitement en droite ligne avec les exemples mentionnés ci-haut. 
  
          Il faudra qu'un jour une majorité claire de citoyens s'aperçoive qu'il est impossible de tout demander au gouvernement, l'ensemble des revenus de chacun n'y suffisant pas. Il faudra aussi cesser de percevoir les biens et services payés par le gouvernement comme gratuits: même sans la bureaucratite qui les encombre, ce n'est pas le cas. Et selon moi, le gouvernement devrait cesser de se percevoir comme un sauveur. Il n'a jamais sauvé qui que ce soit, enlisant plutôt les citoyens dans l'immobilisme des intérêts particuliers et s'ensevelissant lui-même sous des montagnes d'obligations tout en se mettant à la merci du chantage éhonté de nombreux groupes de pression. 
  
          Les citoyens devront apprendre à faire des choix pour eux-mêmes et en assumer les conséquences: cela s'appelle la responsabilité. Et cela ne peut pas venir du gouvernement: même si l'on choisit des politiciens avec une grande rigueur et une grande honnêteté, ceux-ci sont élus par des gens qui attendent quantité de choses d'eux, qu'ils ne peuvent pas complètement refuser, sous peine de ne pas être réélus. Nous avons largement dépassé les limites de la démocratie en cherchant à plaire à tous, et nous n'aurons pas le choix de revoir la relation entre les citoyens et l'État.  
  
 
1. Je connais personnellement quelques personnes qui ont des emplois à temps plein (et pas au salaire minimum) et qui s'approvisionnent dans les banques alimentaires (pourquoi payer si on peut avoir la bouffe gratos?) L'absence de coordination entre les banques alimentaires, de même que la concurrence féroce qu'elles se livrent, font en sorte qu'il est facile de se faire donner de la nourriture par plusieurs banques à chaque mois. Il s'agit d'avoir du culot et d'être complètement dénué d'orgueil. Mais, passons...  >>
 
 
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