Montréal, 21 février 2004  /  No 138  
 
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Gilles Guénette est diplômé en communications et éditeur du QL.
 
 
LIBRE EXPRESSION
  
LES TRANSGENRES VEULENT
LEURS TOILETTES!
 
par Gilles Guénette
 
   «It is moronic ideas like that that raise tuition, ladies, gentlemen and everything in-between. The university has far better things to do with its money than make sure that transgender people have a warm and happy place to go...»
 
– Henry Norwest, «Gender neutral what?», The Peak (Journal étudiant de l'Université Simon Fraser) 26 janvier 2004.
  
 
          Pour plusieurs, l’université est un haut lieu du savoir. À entendre ce qui en sort parfois, c'est aussi un haut lieu de la bêtise. Depuis que ce sont les étudiants qui mènent sur le campus, l’université est devenue un lieu de revendications. Ces grands enfants gâtés y font la pluie et le beau temps. Du syllabus de cours aux modes «acceptables» de financement des universités, ce sont eux qui décident tout. Voilà maintenant que les étudiants transgenres s’en mêlent et réclament leurs propres toilettes sur le campus. À bas la «ségrégation sexuelle»! Vive les toilettes libres!
 
Toilettes PC 
 
          On apprenait la semaine dernière dans le Globe and Mail que les associations étudiantes de deux universités canadiennes, Concordia à Montréal et Simon Fraser à Burnaby, Colombie-Britannique, étaient en négociations avec les dirigeants de leurs administrations respectives dans le but de trouver des endroits sur le campus où des toilettes réservées à la population transgenre qui fréquente ces établissements pourraient être aménagées(1). 
 
          À l’Université McGill, ce serait chose faite: des toilettes «unigenres» (gender-neutral) seront installées au premier étage du nouveau centre étudiant – question de refléter davantage la «réalité» des étudiants. «To many, access is narrowly defined as a wheelchair ramp and a wheelchair-accessible toilet within a gender-segregated washroom. This definition of access simply does not reflect the reality for many students on this campus», de dire Brianna Hersey, vice-président(e) de la Students' Society de l’université montréalaise. 
 
          Finis les petits pictogrammes discriminatoires du Monsieur à pantalon ou de la Madame à jupe sur les portes. À la place, de simples écriteaux sur lesquels on pourra lire le mot «Toilettes» (ou «Washrooms»). Et hop! n’importe qui/quoi pourra y entrer. Un petit pas pour les trans, un grand pas pour l’humanité. Les associations étudiantes disent être de plus en plus sollicitées par les transgenres pour que de telles toilettes soient aménagées. Imaginez. 
 
          «Transgenre» désigne une personne dont le genre ne coïncide pas avec son sexe, c'est-à-dire une personne qui n'est pas «intersexuée» mais qui a l'intime sentiment d'appartenir à un autre genre que celui que son corps laisserait supposer, et pour qui cet intime sentiment est durable et n'est pas la conséquence uniquement de troubles psychiatriques manifestes passagers ou durables(2). Hmm… complexe. Quelques transgenres subissent «la grande opération» pour devenir membres du sexe opposé. Les autres préfèrent s'attriquer de façon ambiguë. 
 
          Y en a-t-il beaucoup de ces trans sur les campus? Suffisamment pour justifier l’existence de la Transgender Alliance and Queer McGill, de souligner Brianna Hersey – elle-même intergenre (gender-variant), ou personne dont le genre n'est pas véritablement défini (ni homme ni femme), ou bien dont le genre varie (un jour femme, un jour homme, un jour…).
 
          À la même question, Louis Julig, transgenre membre de la Simon Fraser Student Society, répond de façon aussi vague: «It doesn't really matter. If there was one student this would be necessary. It's a public service that should be provided to all students.» Le même genre de commentaire bidon qu'utilisent constamment les intervenants sociaux pour vendre leur salade: «Si on réussit à sauver une vie avec tel ou tel programme, ça en vaut la peine!» Quelqu'un pourrait-il rappeler à ces m’sieurs dames que tout a un prix? Et que c'est nous qui en bout de ligne payerons pour leurs lubies. 
 
          Eh oui, on va construire des toilettes unigenres sur tous les campus du pays parce que quelques transgenres se sentent intimidé(e)s lorsqu’ils vont au petit coin en compagnie de gens ordinaires – ces personnes dont le genre coïncide avec le sexe. Les étudiants sortent peut-être de nos universités sans trop savoir comment écrire, ils ne sortent pas sans savoir comment «évoluer» en société! Brainwashés par leurs socialistes de profs et par le climat de rectitude politique qui règne dans ces établissements, ils sont visiblement à l’aise avec le concept de revendication – en tout cas, ceux qui sont impliqués dans le mouvement étudiant ou qui descendent dans la rue à tout bout de champ.
 
Les trans parmi nous 
 
          Le campus est souvent l’endroit où naissent les nouveaux concepts, souligne Barbara Warren de la Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender Community Center à New York. Alors pour une idée comme celle des toilettes unigenres, «I think it's absolutely fabulous. They're creating a safe place for trans-people.» Safe place from what? Les transgenres sont-ils/elles en danger? De quoi? 
  
     «On imagine mal un colosse poilu, 6 pieds et 4, 250 livres, transgenre! Quoi que, quelques fois, lors de chaudes soirées d’été, on voit des personnes au genre certain, mais qui visiblement ne savent pas comment s’accoutrer, déambuler sur les trottoirs des coins douteux de l’Est de la ville…»
 
          Si les deux trans qui posaient (assis sur un bol de toilette) pour l’article du Globe sont représentatif/ve du look transgenre, il faut manifestement avoir une apparence ambiguë pour faire partie du groupe. Impossible de savoir qui est quoi. On imagine mal un colosse poilu, 6 pieds et 4, 250 livres, transgenre! Quoi que, quelques fois, lors de chaudes soirées d’été, on voit des personnes au genre certain, mais qui visiblement ne savent pas comment s’accoutrer, déambuler sur les trottoirs des coins douteux de l’Est de la ville… 
  
          Si le transgenre mâle qui se sent femme doit aller pisser, il/elle devrait pouvoir aller aux toilettes des filles sans problème. Si il/elle se sent femme, pourquoi ne pas faire comme elles? De la même façon, si le transgenre femelle qui se sent homme doit aller pisser, elle/il devrait pouvoir aller aux toilettes des gars sans problème. Si elle/il se sent homme, pourquoi ne pas faire comme eux? Ceux-ci ne font pas tout debout… Le pire qu’il peut arriver, c’est qu’on les regarde d'un drôle d'air – ne sachant pas trop si ils/elles sont censé(e)s être là! 
 
          Peut-être que je saisis mal la philosophie transgenre. Les transgenres veulent peut-être leurs propres toilettes parce qu’ils/elles refusent d’assumer l’un ou l’autre des genres humains? Peut-être les trouvent-ils trop restrictifs? Peut-être se sentent-ils/elles plus à l’aise dans la zone qui les sépare? Peut-être veulent-ils/elles demeurer indéfiniment trans? 
 
          Personnellement, je ne vois pas une grande différence entre «transgenre» et «travesti(e)». Le transgenre serait une version sophistiquée (et politiquement correcte) du/de la travello qui se déguise parce qu’il/elle n’est pas bien dans sa peau. L’idée derrière cette évolution sémantique est sans doute que socialement le premier terme est bougrement plus vendeur que le second – les universités n’auraient jamais embarqué dans tout ce cirque s’il s’agissait de simples travellos. 
  
Après les toilettes, le monde!  
 
          Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour accommoder les minorités? À quand les toilettes pour gais? Pour lesbiennes? Pour dyslexiques? Pour créationnistes? Pour exhibitionnistes? Pour anorexiques/boulimiques? Pour fumeux de pot? À quand le grand débat de société sur la reconnaissance des couples transgenres? Parce qu’après les toilettes, le monde! 
 
          Nous venons de passer une année entière à «débattre» de la question des mariages gais – à grand coup d’éditoriaux, de reportages et de photos d’hommes et de femmes s’embrassant à pleine bouche – comme si le sort de la nation en dépendait! Sommes-nous prêts à en consacrer une nouvelle à la question des mariages transgenres? Hmm… Comme pour le mariage gai, d'être en faveur du mariage trans deviendra-t-il le critère par excellence pour différencier ceux qui sont «ouverts» et «progressistes» de ceux qui ne le sont pas? Une chose est sûre, en créant de nouveaux «statuts» comme le transgénérisme (Transgenderedness), l’intergénérisme, ou l’altergénérisme (pourquoi pas!?), nous sommes en train d’ouvrir toute grande la porte à un univers de compartimentation et de revendications. Et le cas des toilettes unigenres ne serait que le commencement. 
  
          Bien sûr, si les universités étaient des endroits privés, personne n’aurait rien à redire. Les directions d'établissements pourraient aménager des toilettes pour chacune des facettes du genre humain et ceux ou celles qui n'approuveraient pas n’auraient qu’à aller voir ailleurs. Mais comme les universités sont des endroits publics et que c'est vous et moi qui par le biais de nos impôts payons pour tout ça, vous et moi avons justement le droit de dire que nous n'appuyons pas. 
  
          Je n'ai rien contre le style de vie des trans; ils sont libres de changer de genre, d'orientation sexuelle ou même de sexe à tous les jours si ça leur chante. Ce contre quoi j'en ai, c'est leurs revendications. Ce genre de revendications finit trop souvent par devenir des «enjeux publics». Et qui dit «enjeux publics» dit intervention de l'État. Inutile d'ajouter que lorsque l'État se mêle de quelque chose, tout le monde finit par devoir s'adapter et payer. Bientôt, on ne parlera plus de toilettes, on parlera de «droits humains». 
  
          Les transgenres réclament des toilettes aujourd'hui, que réclameront-ils/elles demain? Une fois rendu(e)s sur le marché du travail (parce que l'université n'est qu'une étape de la vie, faut-il le rappeler?), vont-ils/elles réclamer qu'on les inclut dans les programmes de discrimination positive à titre de membres de minorité visible et opprimée? Pas difficile d'imaginer le jour où toutes les sociétés d'État, toutes les entreprises syndiquées, tous les Centres de la petite enfance, seront tenus d'embaucher un pourcentage déterminé de transgenres pour satisfaire aux normes de solidarité «socialement imposées». De toilettes spéciales à conditions spéciales, il n'y a que quelques années. 
  
  
1. Caroline Alphonso, «Universities heed the call for genderless washrooms – Move is in response to students who say they don't belong exclusively to either sex», The Globe and Mail, 10 février 2004, p. A-3.  >>
2. Définition dénichée sur le site de STS – Support Transgenre Strasbourg qui se poursuit ainsi: «On peut aussi citer l'image bien connue de l'homme emprisonné dans un corps de femme, ou de la femme emprisonnée dans un corps d'homme. Être transgenre est avant tout un trait de personnalité, pas une maladie. On ne soigne pas la transidentité, mais on peut corriger dans une certaine mesure, si nécessaire, ce qui fait qu'une personne transgenre n'est pas bien dans sa peau, à savoir sa dysphorie du genre.»  >>
 
  
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