|
Montréal, 20 mars 2004 / No 140 |
|
par
Gilles Guénette
«C'est au tour du milieu muséal de faire part de ses doléances au gouvernement de Jean Charest.» (Frédérique Doyon, «Les musées réclament 18 millions au gouvernement Charest», Le Devoir, 18 mars 2004) «À moins de deux semaines du dépôt du budget provincial, c’est au tour des musées québécois de prévenir le gouvernement Charest: il faut plus d’argent pour les institutions muséales, sinon on risque de voir quelques musées disparaître.» (Stéphanie Bérubé, «Les musées ont faim», La Presse, 18 mars 2004.) |
La ronde des revendications se poursuit au Québec. Ceux qui dépendent
de l’État n’ont que quelques jours encore pour s’assurer des retombées
du budget du ministre Yves Séguin. Même les journalistes semblent
avoir noté le pattern. Cette fois, c’est la Société
des musées québécois qui lance une vaste campagne
de sensibilisation pour d’abord s’assurer l’appui du public, ensuite réclamer
du gouvernement un «investissement» de
Durant les prochaines semaines, la SMQ invite donc tous ceux et celles qui ont à coeur la cause muséale à faire connaître leur appui aux demandes des musées auprès du premier ministre Jean Charest. Pour ce faire, plusieurs moyens sont proposés dont la signature d’une des «Sous-financés»?
Par rapport à quoi?
Ainsi, saviez-vous que «nonobstant leur bonne performance, les musées québécois vivent présentement une crise financière aiguë qui compromet leur avenir et, dans certains cas, leur survie»? («Le milieu muséal se mobilise», communiqué de presse de la SMQ, 17 mars 2004) Que plusieurs d’entre eux sont «à bout de souffle» et «sous-financés»? Que «l’écologie financière des musées est aujourd’hui menacée»? Moi non plus. Tout est toujours près du point de rupture dans le domaine de la culture. Le Québec compte quelque 430 institutions muséales, dont 125 sont subventionnées par le gouvernement. Ce dernier leur verse annuellement 60 millions $. Quatre d'entre eux – le Musée des beaux-arts de Montréal, le Musée d’art contemporain de Montréal, le Musée de la civilisation de Québec et le Musée national des beaux-arts du Québec – reçoivent à eux seuls 47 des Que représenterait alors une somme additionnelle de
Est-ce que Un
éternel recommencement
Les gens de la culture, de par leur discours revendicateur, donnent l’impression d’avoir une vision à long terme: ils veulent s’assurer une base stable et récurrente sur laquelle ils pourront bâtir leur offre de services. Or, ils passent leur temps à parler d’urgences «nationales», de crises apocalyptiques, de fins du monde appréhendées... Comme s’ils n’avaient rien vu venir. Ou bien ils sont de piètres administrateurs, ou bien ils sont de bons menteurs. Chose certaine, ils n'ont pas de difficulté à voir venir les budgets provinciaux! Bien sûr, vous me direz que dans un domaine subventionné comme celui de la culture, chaque cent compte. Et que l’argent ne poussant pas dans les arbres (hein?), c'est à force de petits pas que les subventionnés avancent. Vous avez raison. Chaque dollar détourné devient un «acquis». Dans ce sens, l’importance de la somme réclâmée est secondaire. Ce qu’il faut, c’est faire des gains. Les petits gains, c’est bien beau, mais on oublie que mille petits gains dans tels et tels secteurs, se sont autant de petites pertes pour nous, payeurs de taxes. Et à additionner les petites pertes ici et là, on se retrouve à donner la moitié de sa paye aux musées, aux festivals, aux chanteuses pop, aux cinéastes engagés, aux auteurs dérangés… aux entreprises, aux usines en région, aux sociétés de transport, aux politiciens véreux, aux cols bleus, aux grandes centrales syndicales, aux groupes de paumés, aux agriculteurs… et cetera, et cetera. Lâchez-nous un peu! Entre vous et moi, quelques centaines de T-shirts et J’enverrais bien une carte postale à Jean Charest, mais il n’aura sans doute pas le temps de la lire – c’est qu’il doit être débordé le pauvre, les gens de la SMQ ne sont pas les seuls à l’assaillir de courrier… Surtout que je ne veux pas jouer le jeu des groupes d'intérêt. De toute façon, ma carte ne serait même pas prise en considération. Je ne représente personne d’autre que moi. Vous connaissez sans doute des tas de personnes qui «vivent des crises financières aiguës», qui se disent «à bout de souffle», «sous-financés», ou dont «l’écologie financière» est menacée. Mais comme moi, elles ne comptent pas. Parce qu'on ne les entend jamais se plaindre sur la place publique. C’est dommage parce que les groupes organisés – comme celui des artistes – vont probablement réussir à leur en enlever encore un peu plus. Si le Québec compte 430 institutions muséales, et que seules 125 sont subventionnées, peut-être que les subventionnées gagneraient à investiguer comment font les 305 autres pour survivre plutôt que de se tourner encore une fois vers l'État?
|
<< retour au sommaire |
|