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Montréal, 15 septembre 2004 / No 146 |
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par
Gilles Guénette
Lors du dernier Festival des films du monde de Montréal, j’ai assisté à la projection du documentaire Radio Revolution: The Rise and Fall of The Big 8 consacré à la station de radio CKLW-AM. Dans le catalogue du ffm, on pouvait lire qu’à la fin des années 1960, et au début des années 1970, la station, située à Windsor, en Ontario, était la plus populaire dans le monde. On ne disait pas toutefois ce qui avait causé sa chute. Comme le hasard n’existe pas dans notre compliqué et réglementé monde des médias canadien, je me suis dit que nos politiciens nationalistes devaient sans doute avoir joué un important rôle dans cette chute. Eh oui, CHOI-FM n’aura pas été la première station populaire à s’attirer les foudres du CRTC. |
Le
melting pot
Des artistes de renoms tels que Bob Seger, Elton John, David Bowie, Alice Cooper, Kiss et The Guess Who, pour ne nommer que ceux-là, lui doivent une bonne part de leur succès. À CKLW, on ne s’étonnait plus de les voir débarquer, eux ou d’autres, pour rencontrer personnellement Trombley, histoire de lui remettre en main propre leurs dernières créations. Rosalie était l’accès au succès. CKLW, mieux connue sous l’acronyme Fondée dans les années 1930, c’est à la fin des années 1960 que CKLW devint la référence de l’industrie musicale nord-américaine. Plus particulièrement lorsqu’elle mit de l’avant un tout nouveau format radio – sensiblement la même chose que ce qui existe aujourd'hui, soit le style de radio où l'on n'entend jamais une fraction de seconde de silence. Alors que la plupart de ses concurrentes proposaient un mélange 50/50 de musique et de commentaires, The Big 8 décida de miser presque exclusivement sur la musique (les commentaires se faisaient par dessus la musique). On pouvait y faire tourner jusqu’à 18 chansons à l’heure – généralement du rock et de la pop, mais aussi du r&b. De petites capsules de nouvelles, les 20/20 News, étaient diffusées 20 minutes avant et après l’heure – histoire d’attraper au vol les auditeurs qui changeaient de poste lorsque les nouvelles débutaient à l’heure sur les autres stations. On y parlait (de façon plutôt crue) des derniers meurtres et faits divers à survenir dans la grande région métropolitaine de Détroit/Windsor. Les lecteurs de nouvelles rivalisaient d’ingéniosité (ils avaient souvent recours à des jeux de mots douteux) pour rendre la nouvelle intéressante. Toute la portion Nous protéger contre nous-mêmes CKLW a connu ses heures de gloire alors même qu’Ottawa élaborait ses règles en matière de Sur le site du CRTC, on peut lire que:
En 1968, l’adoption de la Loi sur la radiodiffusion: 1) confirme le mandat de Radio-Canada comme diffuseur national; 2) renforce les restrictions à la propriété étrangère; 3) exige le recours prédominant aux créateurs et autres talents du Canada; 4) réitère une vision du système de radiodiffusion comme un moyen de renforcer la structure culturelle, sociale et économique du Canada; 5) crée le Conseil de la Radio-télévision canadienne (CRC), nouvel organisme de réglementation qui deviendra le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en 1976. En 1970, au nom de la « structure culturelle, sociale et économique Au début, les dirigeants et employés de la station prendront la chose avec un grain de sel. Ils tenteront ensuite de trouver des artistes canadiens à faire tourner, puis des Résultats inverses The Big 8 appartient maintenant à CHUM Limited (un grand réseau formé en grande partie grâce aux politiques protectionnistes du CRTC) et s’appelle maintenant CKWW. Elle est passée du format Bien que la popularité grandissante du FM ait eu son rôle à jouer, le commencement de la fin pour CKLW est arrivé au début des années 1970 quand le gouvernement canadien a imposé la propriété canadienne presque totale (80%) des stations situées au Canada. Puis un contenu canadien de 30%. On s’en doute, les seuls qui se soient réjouis des déboires du Big 8 ont été ses concurrents américains. Pourtant, est-ce qu’une station appartenant à des Canadiens sonne plus L’intervention de l’État donne bien souvent l’inverse de ce qu’elle visait. Comme on l’apprend à la fin du documentaire de Michael McNamara, les Canadiens de la grande région de Windsor, et les Américains de la région de Détroit, écoutent maintenant des stations de radio américaines en masse. Et toutes les radios de la région (canadiennes et américaines) se ressemblent. Comme de plus en plus de stations sont achetées par les mêmes deux ou trois grands réseaux, ces mêmes grands réseaux (Astral média, Corus Entertainment, CHUM…) que les mesures protectionnistes du CRTC ont aidé à créer, la diversité tend à disparaître. On pourrait entrevoir un avenir meilleur avec l’arrivée des nouvelles technologies, mais dans ce domaine aussi, les nationalistes de la culture veillent aux grains. Ainsi, on apprenait le 9 septembre dernier que deux conglomérats américano-canadiens veulent offrir au Canada des dizaines de nouvelles chaînes de radio, essentiellement américaines, par satellite. Première réaction de Yves François Blanchet, président de l’ADISQ: Qu’elle ne serve qu’à faire connaître les talents canadiens aux Canadiens, pas de problème. Mais qu’elle ne serve qu’à « domper du contenu américain » – comme s’il s’agissait de déchets –, ça non! Et si les Canadiens en veulent, eux, des |