Contrôle
vs propriété
La « société de propriété » est
fondée sur l'idée qu'une personne voue une attention et un
soin bien plus grands à ses propres affaires qu'aux affaires d'autrui.
Nous pouvons effectivement tous constater que, lorsque nous sommes propriétaires
d'un bien, nous nous en occupons mieux que lorsque nous ne le sommes pas.
Ce raisonnement logique est, dans une « société
de propriété », étendu à
la sphère politique. Puisque l'homme politique gère des biens
sur lesquels il n'a, par essence, aucun droit de propriété,
il se retrouve en situation d'irresponsabilité et n'est pas incité
à s'en occuper au mieux. Il faut donc, dès que possible,
laisser la gestion des biens à leurs propriétaires naturels.
Ainsi, dans une « société de propriété
», chacun prend le contrôle de sa propre destinée
et comme ce sont des éléments essentiels de leur vie,
les patients contrôlent leur assurance-maladie, les parents
choisissent l'éducation de leurs enfants et les employés
constituent librement leur retraite. La « société
de propriété » est donc, intrinsèquement,
une société de liberté.
Dans une « société de contrôle », à
l'inverse, les dirigeants politiques entretiennent l'idée que les
individus sont des êtres égoïstes et irrationnels. Le
simple citoyen est dès lors incapable de gérer lui-même
sa propre vie. Les élus, en revanche, obtiennent, par la magie de
l'élection, une intelligence et une lucidité telles qu'ils
savent, eux, ce qui est bon pour lui. Mais dans une telle société,
l'individu abandonne la plupart de ses pouvoirs et se déresponsabilise.
Le politique, quant à lui, demeure détaché de tout
lien de propriété et n'est donc pas plus responsable. Inévitablement,
la mauvaise gestion s'installe et l'arbitraire prend le pas sur la liberté.
Dans une « société de propriété »,
l'action humaine est respectée. L’homme n’est ni un surhomme ni
un incapable chronique. Chacun a ses qualités, ses défauts,
chacun se trompe, apprend de ses erreurs et se responsabilise. L'État
considère que l'argent gagné par les citoyens est leur
propriété et qu'il sera mieux géré par
eux-mêmes que par ses propres agents. La pression fiscale est donc
limitée et, inéluctablement, la capacité d'épargne
grandit, l'investissement augmente, l'innovation et l'effort sont stimulés
et le chômage se résorbe.
À l'opposé, dans une « société de contrôle
», la propriété est vidée de son contenu
par la réglementation et par une trop forte pression fiscale. Les
gains que chacun perçoit du fait de son travail et de ses choix
sont, en grande partie, captés par des machines coûteuses
et déresponsabilisées. Dès lors, la capacité
d'épargne diminue, l'investissement est sanctionné, l'innovation
et l'effort sont pénalisés et le chômage s'accroît.
« Dans une "société de propriété", les
droits individuels sont placés au sommet des valeurs communes et
la règle morale selon laquelle nul ne peut violer la propriété
d'autrui sans son libre consentement domine et autorise une saine application
de la discipline de la responsabilité personnelle. » |
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Dans une « société de propriété
», les élites sont mouvantes, le mérite est
primé, l’ascenseur social fonctionne et l’immigration du travail
et du talent enrichit l’économie du pays alors que, dans une «
société de contrôle », les
élites sont figées, l’ascenseur social est en panne et l’émigration
du travail et du talent vide l’économie du pays de ses meilleurs
cerveaux.
Dans une « société de propriété
», la mondialisation ne fait pas peur. Elle n’est qu’une accélération
des échanges de biens, d’informations et de services qui ont existé,
de tout temps, entre des individus propriétaires. En revanche, dans
une « société de contrôle
», la mondialisation effraie, ce qui arrange bien les hommes
politiques qui peuvent vendre de la précaution, de la réglementation
et donc, de l’intervention.
Dans une « société de propriété
», les droits individuels sont placés au sommet des
valeurs communes et la règle morale selon laquelle nul ne peut violer
la propriété d'autrui sans son libre consentement domine
et autorise une saine application de la discipline de la responsabilité
personnelle. La prise de risque est respectée et la foi dans le
progrès ouvre le champ à une plus grande maîtrise des
dangers. Dans une « société de contrôle
», au contraire, ce sont les fausses valeurs qui prennent
le dessus. L'« État nounou » s'immisce
dans nos choix les plus intimes et réduit notre capacité
d'action.
Derrière ces deux visions de la société, ce sont donc
bien deux approches de l'action politique et surtout deux visions de l'homme
qui s'affrontent. Bien entendu, la « société
de contrôle » absolu hante davantage les mauvais souvenirs
du XXe siècle qu'elle n'habite les volontés conscientes des
dirigeants français. Mais si l'on pouvait juger une société
au regard des valeurs qu'elle met en avant et des rêves qu'elle distille,
il apparaîtrait nettement que la France n'a malheureusement toujours
pas quitté les rives de la « société
de défiance » alors qu'une bonne partie de l'Europe
et un certain nombre des pays du Sud ont déjà pris le parti
de bâtir une « société de confiance
» fondée sur les vertus de la propriété
privée et sur l'émancipation des individus.
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Article publié dans Le Figaro, le 02 novembre 2004. |
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