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Montréal, 15 novembre 2004 / No 148 |
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par
Paul Beaudry
Il y a quelques semaines, en entrant au Pavillon Jean-Brillant de l’Université de Montréal, les élèves étaient accueillis par des membres de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’U. de M. (FAECUM) qui leur distribuaient des tracts les invitant à manifester contre les coupures de 103 millions $ du gouvernement Charest dans les programmes d’aide financière aux étudiants. Ce même jour, un camion affublé de haut-parleurs se promenait aux alentours de l’université et on pouvait y entendre une voix nous exhortant à aller manifester contre ce « coup bas » du gouvernement libéral. |
En octobre dernier, la FAECUM a tapissé les murs de l’université
d’affiches publicisant la venue de Jean Charest sur le campus et demandant
aux étudiants de se joindre à elle pour montrer au premier
ministre « qu’il n’est pas le bienvenu sur notre Il ne faut cependant pas faire porter tout le blâme sur la pauvre FAECUM pour cette façon quelque peu barbare de défendre ses positions: la manifestation est un mode de communication fort utilisé au Québec, surtout parmi les centrales (i.e., mafias) syndicales. Si vous êtes insatisfaits d’une décision gouvernementale, il ne faut surtout pas tenter de discuter poliment avec les élus, mais plutôt menacer de déclencher une grève générale et/ou envahir l’Assemblée nationale ou les bureaux de députés pour manifester (en adoptant la méthode Jean Lapierre(1) ou la méthode pacifique). On peut croire que les leaders des associations étudiantes d’aujourd’hui sont les leaders syndicaux de demain, car à l’image des vautours syndicaux tournant autour des Wal-Mart, en se dressant comme protecteurs des travailleurs opprimés, les membres de la FAECUM tentent de s’auto-promouvoir et de se faire du capital politique sur le dos des étudiants. Pas de raison de se réjouir Mais revenons aux politiques d’éducation du gouvernement québécois. Une chose est sûre: maintenir le statu quo n’est pas une solution viable. Les droits de scolarité au Québec sont excessivement bas et constituent une des raisons principales expliquant le sous-financement de nos universités. Le Québec est la province où il en coûte le moins pour faire des études universitaires; cette constatation ne devrait pas être source de réjouissance, quoi qu’en disent nos élites politiques et intellectuelles. L’éducation peut être un investissement incroyable ouvrant les portes à de multiples opportunités d’emploi, et c’est pourquoi les jeunes, et moins jeunes, désirant recevoir une formation universitaire doivent être prêts à en assumer les coûts. En termes économiques, l’avantage marginal obtenu par l’obtention d’un diplôme universitaire est tellement substantiel qu’il vaut la peine pour un étudiant d’investir un montant important, voire même de s’endetter, pour recevoir une telle éducation(2). Il est choquant de constater qu’au Québec, deux heures passées au cinéma coûtent plus cher que deux heures passées dans une salle de cours (ce qui explique peut-être pourquoi les salles de cinéma sont en meilleur état que les salles de cours...).
Il faut aussi noter que malgré les coupures « drastiques » du gouvernement Charest dans le programme d’aide financière, celui-ci demeure néanmoins le programme de bourses le plus généreux(3) en Amérique du Nord. La décision du gouvernement Charest de couper dans les programmes de bourses n’est certes pas la meilleure; il aurait été beaucoup plus lucratif pour le gouvernement d’augmenter, ou « dégeler », les droits de scolarité, qui n'ont pas changé depuis une décennie. En optant pour cette manière de faire, le gouvernement aurait épargné les étudiants les plus nécessiteux et aurait fait payer la note à la majorité des étudiants qui peut se permettre de payer plus(4). Par contre, il ne faut pas se faire d’illusions: même s’il avait maintenu le programme de bourses intact et avait augmenté les droits de scolarité, le gouvernement Charest se serait autant attiré les foudres des organisations étudiantes. À preuve, aux dernières élections provinciales, le seul parti politique ayant eu le courage de s’opposer au gel des frais de scolarité, l’Action démocratique du Québec, a été critiqué à plusieurs reprises par les associations étudiantes pour son « néolibéralisme » et son manque de compassion. La FAECUM se vante, sur son site Internet, d’avoir obtenu le maintien du gel des droits de scolarité depuis 1994. Ce gel, quand on tient compte de l’inflation et de la hausse du coût de la vie, signifie qu'à chaque année l’étudiant québécois paie de moins en moins pour son éducation. Cette situation ne peut durer indéfiniment: il faudra qu’un gouvernement ait le courage d'y mettre fin. On pourrait croire que le dégel aurait comme conséquence de réduire l’accessibilité aux établissements d’éducation supérieure, mais c’est faux: le Québec, malgré ses droits de scolarité peu élevés, est l’une des provinces canadiennes où la fréquentation universitaire est la plus basse. La Nouvelle-Écosse, la province ayant les droits de scolarité les plus élevés au Canada, bénéficie du taux de fréquentation le plus élevé. De plus, étant donné que les étudiants fréquentant l’université proviennent de familles plus aisées que la moyenne des familles québécoises, le financement des universités québécoises par les contribuables constitue en fait un transfert de richesse des plus pauvres vers les plus riches! Quel exemple de justice sociale! Malheureusement, les savants de la FAECUM semblent ignorer cette réalité. En conclusion, les étudiants québécois, et surtout les activistes de la FAECUM, doivent se rendre compte que si le gel des droits de scolarité est maintenu indéfiniment, nos enfants seront contraints à faire leurs études dans des dépotoirs en béton ou à aller étudier à l’étranger. Il faut cesser de considérer l’éducation à rabais comme un droit et exiger du gouvernement qu’il augmente les droits de scolarité au plus vite, et ce pour le plus grand bien des étudiants québécois qui méritent des établissements d’éducation de qualité.
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