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Montréal, 15 décembre 2004 / No 149 |
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par
Mickaël Mithra
L’idée que l’État serait un dernier recours, un filet de protection nécessaire aux personnes les plus vulnérables est presque unanimement admise, y compris par la plupart des libéraux. Dans cette optique, la gestion d’un certain nombre de risques dépasserait les capacités du marché, et il faudrait donc que l’État s’en charge. Les risques cités en exemple concernent notamment la santé: accidents graves suivis de paralysies, maladies génétiques incurables exigeant des soins coûteux, etc. |
Cette idée, version allégée de l’État-providence,
est erronée comme toutes les autres justifications de l’État.
Elle n’est en fait que la manifestation d’une réticence à
penser de manière dynamique.
Le futur est incertain Comme l’explique Hans-Hermann Hoppe:
En ce qui concerne l’assurance automobile, par exemple, il se trouve peu de gens en France pour penser qu’il faudrait qu’elle fasse l’objet d’un monopole public (NDLR: il s'agit d'un monopole public au Québec). En effet, le marché de l’assurance automobile fonctionne à peu près bien: les assureurs font leurs calculs, proposent leurs tarifs et remboursent les accidents des assurés. De leur coté, les automobilistes cotisent sans grosse surprise d’une année à l’autre, et sont remboursés en cas de sinistre. La concurrence fait pression sur les tarifs des assureurs, permettant ainsi un accès à des tarifs raisonnables à la masse des consommateurs. L’État est ici strictement inutile et toute ingérence de sa part ne pourrait que fausser la concurrence et augmenter les coûts qui se répercuteraient au final sur les consommateurs. Étrangement, pour certains risques particuliers, la plupart des gens pensent qu’il ne peut en être ainsi. Prenons par exemple le risque de naître avec une maladie génétique très grave, nécessitant un traitement permanent et très coûteux. Des voix s’élèvent en coeur pour prétendre que dans ce cas, il faut évidemment que l’État se charge du problème, car sinon, les pauvres malades mourront dans la rue faute de soins. Pourtant, il existe une probabilité de classe concernant les maladies génétiques – une fréquence. On sait qu’une personne sur cent mille va naître avec la maladie X, une personne sur un million avec la maladie Y, etc. Il est donc tout à fait possible de calculer le coût d’une assurance contre le risque de naître avec telle ou telle maladie. Imaginons qu’une personne sur cent mille naisse avec la maladie X dont le traitement coûte mille euros par mois, tout au long de la vie. Sur la base d’une espérance de vie de quatre-vingts ans, le coût du traitement serait donc d’un million d’euros environ. Si on part sur une base de cinq cents mille naissances par an, il faudrait donc que chaque femme enceinte cotise à hauteur de dix euros pour garantir son enfant à naître contre le risque spécifique lié à cette maladie (en réalité, beaucoup moins, car le million en question est à verser progressivement sur une longue période. Il faudrait donc faire un calcul actualisé des flux futurs pour avoir une idée plus précise, mais ce n’est pas l’objet ici). Il faudrait bien sûr que cette assurance soit souscrite avant la possibilité de détection de la maladie, car sinon on sortirait de la classe de risque, et il n’y aurait plus d’assurance possible. Il est probable que l’assurance devrait être souscrite avant le début de la grossesse, pour que la prime soit raisonnable. Il s’ensuit que les gens les plus prévoyants payeraient moins cher que les autres, sur le long terme.
Il est possible d’affiner ce calcul, en fonction des antécédents familiaux, du sexe, de l’âge des parents, etc., et les mêmes objections vont ressurgir, appelant les mêmes réponses: qu’adviendra-t-il pour les couples appartenant à des familles Imaginons que j’ai un enfant de deux ans. Peut-être aura-t-il lui-même des enfants avec une personne à risque. Devra-t-il renoncer à épouser la personne de ses rêves sous prétexte qu’il y a un terrain génétique fragile dans la famille de celle-ci? Non, si je souscris une assurance contre ce risque-là. Je peux également assurer mes futurs petits-enfants. Bien sûr, plus ces assurances sont souscrites tôt, plus les primes sont faibles. Ai-je peur que mes enfants se droguent et n’aient pas les moyens de payer une cure de désintoxication? Une assurance est possible, etc. Prevoir à long terme Le fait d’assurer des personnes à naître évite tout risque pour elles Un système d’assurance libre incite à la prévoyance à long terme, créant même avec le temps une culture de la prévoyance et de la raison dans les familles et les groupes sociaux. Un tel système renforce également la solidarité intergénérationnelle, la seule et vraie solidarité, celle qui est libre et volontaire. Car contrairement à ce qu’on entend souvent, la solidarité intergénérationnelle n’existe pratiquement pas dans le monde d’aujourd’hui. Elle a été tuée dans l’oeuf par l’intrusion de l’État et sa solidarité factice, au point que les gens n’arrivent même pas à la concevoir. C’est donc vers une société solidaire que tend la société libre, une société d’interrelations étroites, ou chacun est assuré contre tous les risques connus et quantifiables, y compris avant sa propre naissance. On pourra crier à la complexité: en effet, faut-il donc connaître tous les risques possibles et imaginables, signer des milliers de contrats, chercher pour chacun le plus bas prix? Certainement pas, et à terme, l’offre ne se fera pas point par point, mais globalement. On sera assuré par un nombre réduit de contrats globaux contre quantité de maux et de risques. Il y aura des assurances Je le répète: dès qu’il y a probabilité de classe, il y a possibilité d’assurance et l’État est inutile. La véritable sécurité Mais qu’en est-il des risques à la fréquence inconnue? Qui voudra nous assurer contre eux? Certainement pas une compagnie privée, j’en conviens. Mais pas davantage l’État. Si par exemple des extraterrestres belliqueux envahissent la Terre, qui assurera votre maison contre les ravages occasionnés? Probablement personne, et ne comptez pas sur les hommes de l’État pour vous indemniser: ils seront trop occupés à négocier leurs avantages personnels au détriment du vôtre. Plus sérieusement, il se trouve que les seuls risques très difficiles à quantifier sont les risques… politiques, créés par les hommes de l’État eux-mêmes. Encore une fois, les hommes de l’État prétendent être la solution à des problèmes qui n’existeraient pas sans eux. Il faut le marteler sans cesse: l’État n’est pas une divinité, c’est une institution humaine, composée d’hommes qui poursuivent des buts personnels et cherchent à maximiser leur profit personnel. Des hommes moins honnêtes et moins scrupuleux que les autres, voilà tout. Pourquoi diable penser que ces gens puissent détenir et mettre en oeuvre la solution à un problème quelconque? On ne manquera pas de me faire remarquer que même si ce que j’ai écrit plus haut était réaliste et souhaitable, il n’en demeurerait pas moins qu’actuellement, rien de comparable n’existe; que si aujourd’hui, on supprimait tout monopole et toute réglementation en matière de santé, de nombreux laissés-pour-compte s’en trouveraient fort embarrassés. Cette remarque appelle deux réponses: la première est que d’un point de vue moral, l’existence d’une injustice passée ne peut servir de justification à son maintien. Quand l’esclavage a été aboli, de nombreux exploitants de canne à sucre ont été ruinés: il se trouve simplement qu’ils n’auraient jamais dû s’enrichir. De même, les gens qui comptent sur un système d’extorsion comme l’est celui de la La deuxième réponse est que la transition entre la servitude et la liberté – car c’est bien de cela qu’il s’agit – n’est pas spécifique à mon présent propos: elle concerne toutes les activités de l’État, de la production de chaussures à la production de monnaie. Le désengagement de l’État laisse toujours place au chaos qu’il a maintenu par la force et masqué par l’intensité de sa propagande. Il est toujours douloureux pour ceux qui vivaient au chaud sous son aile, en comptant sur la générosité des victimes. La sécurité factice entretenue à coups de trique par les hommes de l’État peut à tout moment disparaître, ce qu’elle finit toujours par faire le jour où les caisses sont bel et bien vides. On ne saurait s’en étonner quand on a compris que ceux qu’on appelle ordinairement des La véritable sécurité ne peut provenir que de la liberté d’assurance, fondée sur le contrat volontaire entre individus libres et responsables. Tant que l’homme sera l’homme, aucune contorsion de langage, aucun appel aux sentiments, aucune construction sociale n’y pourront rien changer.
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