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Montréal, 15 décembre 2004 / No 149 |
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par
Jean-Hugho Lapointe
La conception biaisée, propagée par les mouvements socialistes et autres organismes de défense des minorités, voulant qu’une société libre ne puisse faire preuve de compassion, est devenue une force politique et un moteur de l’interventionnisme gouvernemental. Cette force politique gangrène de plus en plus le Québec et le Canada au niveau fédéral, ainsi que plusieurs autres pays occidentaux. Sa propagation n’est pourtant possible que par le truchement de la mal-information et de l’aveuglement volontaire. |
Il faut travailler à renverser ce malheureux courant qui ne profite
qu’à l’establishment et ses parasites, et le texte qui suit se veut
un plaidoyer à l’effet qu’une saine compassion pour les défavorisés
est bien plus compatible avec une société libre qu’avec une
société égalitaire. Il souligne par le fait même
ce qui a été expliqué par de plus éminents
penseurs que l’auteur du présent texte: égalité et
liberté sont des antonymes et que l’une n’est possible qu’en minimisant
l’autre.
L'universalité de la liberté On a trop souvent tendance à oublier à quel prix la liberté a été acquise dans les régions du globe encore parsemées où elle l’a été à ce jour. Mais il est encore plus triste de constater le nombre croissant de gens qui profitent inconsciemment de cette liberté et qui prétendent que la valorisation de la liberté est une question de culture, américaine ou occidentale. Ce n’est pas un hasard si les principales libertés fondamentales acquises par les citoyens de la plupart des pays occidentaux ont été inscrites dans toutes les déclarations internationales de promotion des droits de l’homme. La liberté n’est pas une question de culture – elle est prisée par l’être humain dans son essence même. Affirmer que selon certaines cultures, des hommes et des femmes apprécient que leurs libertés de penser, de parler, de circuler, d’interagir soient restreintes, voire inexistantes, découle d'une perspective dangereuse et malhonnête. L’être humain souhaite être libre et pouvoir penser, discourir, circuler, interagir comme il l’entend(1). Chaque être humain étant différent, une société libre verra inévitablement ses membres se différencier les uns des autres, résultat des choix individuels pris par chacun. Lorsque, sur la base de critères qui peuvent être parfois objectifs, parfois subjectifs, des différences de statut entre divers membres de la société deviennent de plus en plus importantes, le combat pour l’égalité s’amorce. Sans s’égarer sur les fondements du courant pro-égalité, ou Il importe d’identifier deux prémisses avant de poursuivre. D’une part, la compassion est noble lorsqu’elle est poussée par le désir de prodiguer le bonheur, ou le niveau de confort requis pour mener une vie heureuse, aux membres de la société qui n’en bénéficient pas. D’autre part, la compassion est au contraire malsaine lorsqu’elle est poussée par la constatation que le bonheur ou le confort des uns est supérieur à celui des autres. La compassion envers les défavorisés n’est pas que l’apanage des activistes pro-égalité, comme la croyance s’en est répandue. La compassion est une autre facette partagée universellement par l’être humain; c’est plutôt dans les mesures privilégiées pour satisfaire cette compassion que les mouvements pro-égalité et pro-liberté se distinguent. Quoique leurs intentions soient souvent fondamentalement bonnes, les partisans de l'égalité tiennent inévitablement, de par la nature de ce qu’est l’égalité et les mesures qu’ils recherchent, un discours à la fois incohérent et hypocrite; leur compassion, bien que ressentie de bonne foi, devient malsaine (seconde prémisse).
Les mots incohérent et hypocrite peuvent paraître sévères, mais ils sont justes puisque l’égalité entre les êtres humains ne peut être une fin en soi et ne doit pas l’être; elle n’est pas atteignable, et il n’est objectivement pas souhaitable qu’elle le soit. L'impossible égalité Rechercher l’égalité par compassion pour les défavorisés implique de dénaturer la problématique. Que tous soient égaux ou que les classes sociales soient aplanies ne présente aucun lien, ni logique, ni pratique, avec l’apport du bonheur ou d’une vie confortable pour tous (première prémisse), à moins que l’on ne considère que le bonheur ne soit atteignable que par la satisfaction d’une jalousie tellement profonde qu’elle n’a de fin qu’à partir du moment où chaque individu est en mesure de constater qu’aucun autre membre de la société ne jouit d’un plus grand confort ou d’un plus grand bonheur que lui-même. Parallèlement, de tout ce que j’ai pu lire et entendre sur les mouvements pro-égalité ou favorisant l’abolition des classes sociales, je n’ai retracé aucun indice permettant de déterminer quel serait le seuil ou la fourchette de confort à l’intérieur de laquelle les membres d’une société devaient être considérés comme étant suffisamment égaux pour satisfaire la mentalité égalitariste. Un revenu commun généralisé variant entre 25 000 $ et 35 000 $, suite à une répartition des richesses, créerait-il une société où tous sont égaux? Manifestement non. Même avec un écart encore plus minime, les favorisés auraient l’occasion, au fil des ans, d’acquérir un confort substantiellement supérieur aux défavorisés d’un tel système, qui se retrouveraient indiscutablement, en bout de ligne, à la traîne des favorisés. Et les inégalités seraient alors accentuées par l’effet des héritages, et davantage encore par le type d’emploi occupé par chacun. Un revenu généralisé uniforme ne rendrait pas plus égaux tous et chacun des membres d’une société et ne pallierait d’aucune façon les différences inhérentes existant entre les personnes humaines, qu’elles soient physiques ou mentales, qui permettront toujours à certains de se distinguer des autres, et finalement, aux premiers de mener les seconds, pour autant qu’une liberté suffisante le permette. Ainsi, l’atteinte d’une égalité universelle relative à l’intérieur d’une société nécessite un contrôle absolu sur tout par l’État. Sans revenir sur les leçons qu’il faut tirer de l’Histoire à l’égard de ce type de société, la conclusion voulant que seul un système où les libertés humaines sont subordonnées à la raison de l’État soit en mesure d’assurer une relative égalité universelle expose l’entière incompatibilité entre l’égalité et la liberté. Ceci amène à constater l’incohérence fondamentale de la social-démocratie. Toute mesure égalitaire coercitive est un pas dans la mauvaise direction, l’égalité n’étant ni une fin souhaitable, ni une fin atteignable. Ces actions, au fil du temps et à mesure qu’elles s’accumulent, altèrent et désagrègent la liberté, sans résultat bénéfique. Les Québécois travaillent jusqu’à la moitié de leur vie au service de l’État avant de commencer à profiter d’une certaine liberté économique, et sans que cela ne soit accompagné d’un taux de pauvreté clairement inférieur à celui relevé dans d’autres sociétés moins égalitaires de nature comparable(2). Le souhait de l’égalité pour venir en aide aux défavorisés est le choix facile. Mais il s’agit du mauvais choix. Le partage de la richesse requiert à la base que la richesse soit créée et existe, et la richesse ne se crée que lorsque la diversité, la créativité et la compétitivité inhérentes à l’humanité peuvent s’exprimer et s’épanouir. Dans le cas contraire, le peu de richesses créées dans un contexte d’égalité forcée, une fois réparties également, mène à la pauvreté généralisée, et ce n’est pas un mauvais concours de circonstances si les principales expériences socialistes à ce jour s'accordent avec cette conclusion(3). Une société égalitaire dans laquelle tous sont pauvres est certainement moins souhaitable qu’une société inégalitaire où seule une proportion minoritaire est défavorisée, si regrettable le statut de cette minorité soit-il(4). Une plus grande chance de s'épanouir L’efficacité des mesures égalitaristes coercitives à éliminer la pauvreté et à aider les défavorisés demeure plus que contestable et n’a, dans les faits, jamais été réellement démontrée. Par contre, leur efficacité à décourager l’initiative individuelle et la création de richesse est prouvée. Il faut être conscient du fait qu’une société véritablement libre offre une plus grande chance de s'épanouir aux défavorisés, maintes fois plus grande que ne peut le faire n’importe quelle société égalitaire. Les erreurs ou négligences commises par les premières sociétés libres peuvent s’expliquer en partie par un La réflexion sur ce que pourraient être de telles mesures incitatives efficaces me semble être un sujet socio-économique prometteur. Mais le grand défi consiste à le placer à l’ordre du jour dans un monde où trop d’intérêts gravitent autour de Big Brother, et où Big Brother gravite autour de trop d’intérêts…
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