Pour
une « bonne » cause
Au sujet de ladite journée, on pouvait lire sur le site de la très
à gauche Union des consommateurs du Québec que: « Depuis
13 ans, de plus en plus de consommateurs à travers le monde participent
à la Journée sans achat, initiée par Adbusters.
» (sur le site de ce dernier, on parle de millions de personnes...)
Puis, on remerciait les citoyens d’y participer:
-
pour
l'environnement: parce que la majeure partie des problèmes environnementaux
sont causés par la surconsommation, le transport, le suremballage,
les déchets...
-
pour
le juste partage des richesses: parce que notre voracité à
consommer s'appuie sur l'exploitation de populations affamées...
-
pour
des raisons budgétaires: parce que trop de familles s'endettent
et se rendent malheureuses pour maintenir leur rythme effréné
de consommation...
-
pour
se simplifier la vie: car il y a tant de choses plus agréables
à faire que de courir les magasins pour chercher des cadeaux inutiles
à offrir à des gens qui n'en ont pas vraiment besoin...
-
pour
retrouver d'autres valeurs: parce qu'il vaut mieux être qu'avoir...
« ...Surconsommation... », « ...voracité à
consommer... », « ...exploitation de populations
affamées... », « ...rythme
effréné de consommation... »; si le but de l'exercice
était de nous démontrer que le monde est un bien triste endroit
où vivre, c'est réussi! « ...Chercher des cadeaux inutiles...
», « ...des gens qui n'en ont pas vraiment besoin... »
Mais qu'est-ce qu'ils en savent, eux? « ...parce qu'il vaut mieux
être qu'avoir... » Ça dépend de
ce qu'on est! Ou de ce qu'on a!
Après avoir énoncé les principales raisons pour inciter
les gens à la participation, les gens de l'Union y sont allés
d’un mini-sondage interne – question de mettre des visages sur les éventuels
« non-acheteurs ». Ainsi, on demandait: Quel est
le non-achat dont vous serez le plus fier le 26 novembre? Quelques réponses,
à titre d’exemples:
-
André
Thibault: L'abonnement au câble, car il fait entrer dans nos maisons
la publicité télé, principal vecteur de la surconsommation.
-
Patrice:
Tout ce qui a été fabriqué par quelqu'un(e) dont je
ne verrai pas la figure!
-
Pierre
Fournier: Des objets ou des services provenant des États-Unis.
-
Guylaine
Ducharme: Ne pas être allée magasiner au Wal-Mart.
-
Maryse
Dubé: Un téléphone sans fil plus « stylisé
» que celui que j'ai déjà.
-
Chantal
Labonté: La gugusse (friandises, revues) proche des caisses à
l'épicerie; je repars avec l'essentiel seulement: lait, pain, oeufs.
-
Nicole
Bellavance: Un sapin de noël en moins enlevé aux forêts.
-
Catherine
Souquières: Un achat non prémédité inspiré
par la frénésie du moment...
-
Ronald
MacDonald: Des gras trans.
-
Lysianne
Panagis: Des ampoules qui n'économisent pas l'énergie.
-
Sylvain
Giguère: N'importe quel produit vendu par une multinationale et
non-local...
-
Danielle
O'Connor: De la malbouffe.
-
Sophie:
Café au travail, souvent de trop et on ne soupçonne pas les
impacts: équité et environnement/provenance/production/traitement.
-
Plusieurs
ont répondu: De l'essence, des vêtements, des cigarettes,
des téléphones cellulaires, et une soirée au restaurant.
En plus de montrer à quel point les participants à ce genre
d’activités maîtrisent assez bien les enseignements du petit
catéchisme de l'altermondialiste, ce bref échantillon nous
montre qu’il s’agit en fait d’une activité de filles – ce sont majoritairement
elles qui ont répondu – et que le système capitaliste n'est
pas prêt de s'effondrer – ce ne sont pas de tels « non-achats
», non compromettants, qui le menaceront...
N'importe
quoi
Mais comment un « non-achat » de cigarettes, de
téléphone sans fil ou de malbouffe peut-il aider à
améliorer le sort de l’environnement? De quelle façon peut-il
aider une petite famille (sans doute monoparentale) victime de «
la société de consommation »
à venir à bout de son surendettement? Comment peut-il entraîner
un plus « juste partage des richesses »?
Mettre fin à « l'exploitation des populations affamées
» du monde? Poser ces questions, c'est y répondre.
« Les journées sans ci et sans ça sont en fait autant
de produits de consommation. Leurs instigateurs, au lieu de nous vendre
du café ("non équitable" s’il vous plaît!), du crédit
ou des hamburgers, nous vendent des causes. Des visions du monde. » |
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Les journées sans ci et sans ça sont en fait autant de produits
de consommation. Leurs instigateurs, au lieu de nous vendre du café
(« non équitable » s’il vous plaît!),
du crédit ou des hamburgers, nous vendent des causes. Des visions
du monde. Ces produits élevés au rang de causes ne servent
en fait qu’à nous donner bonne conscience – tout en faisant vivre
quelques petits groupes « progressistes ». À
moins d'entreprendre un « Buy Nothing Year »,
comme le faisait Matt Watkins, un résident de Halifax, en juillet
dernier (imaginez...), ils n’ont aucun impact sur les supposées
populations exploitées et affamées qu'ils sont censé
aider, ou sur l'environnement qu'ils sont censé sauver.
L'association canadienne Adbusters milite contre la société
de consommation... en vendant des magazines et des souliers de course hyper
branchés. Elle produit aussi des publicités hyper léchées
qu’elle tente, tant bien que mal, de faire passer sur les ondes des chaînes
de télés privées. Les gens de l’association (qui fait
des profits, sans quoi elle fermerait boutique) se sont trouvé une
niche des plus profitables et l’exploitent à fond – certains diront
qu’ils exploitent leurs clientèles à fond, mais bon... Qu'ils
le veuillent ou non, ils contribuent à faire marcher ce contre quoi
ils militent.
Tous ces antipubs qui crient contre les publicitaires le font... en diffusant
leurs propres pubs. Tous ces aficionados de groupes comme la Grey
SweatSuit Revolution qui militent contre l’industrie de la mode le font...
en créant de nouvelles modes vestimentaires. Les musiciens «
engagés » qui dénoncent « le système
» le font... en vendant disques, billets de concerts et t-shirts.
Les Équiterre & cie qui se battent « pour
un monde meilleur » le font... en vendant des cartes
de membre et produits « équitables ». Tous
ces individus et organisations qui vendent des produits de consommation
à peine maquillés contribuent, malgré eux, à
entretenir cette société de consommation
qu'ils dénoncent.
Cela dit, nous possédons tous une liste plus ou moins officielle
de produits et entreprises que nous n'encourageons pas. Vous avez la vôtre,
j'ai la mienne. Ce qu'il y a de bien avec cette approche, c'est qu'elle
permet une réelle diversité dans les produits/services boycottés.
Par exemple, je n’achète jamais de produits « équitables
» – ils sont beaucoup trop chargés idéologiquement
et n'auraient sans doute pas une telle visibilité s'ils n'étaient
pas imposés dans les milieux gouvernementaux et syndicaux. Je ne
fréquente pas non plus le Cinéma Beaubien – un organisme
sans but lucratif qui n'existerait sans doute pas s'il n'était pas
subventionné à même mes taxes. Et j'ai vendu tous mes
disques de U2 – Bono me les casse depuis qu'il s'est découvert un
côté Mère Teresa...
PRÉSENT
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