Lorsqu'on considère que les étrangers financent également
une part sans cesse croissante des services américains, on
peut se demander comment cela est possible. Les dettes
américaines, voire les dettes gouvernementales en général,
sont à distinguer des dettes privées. Un individu qui
accumule trop de dette doit changer ses habitudes ou faire
faillite. Une entreprise, en principe, n'a pas plus de
choix, sauf que les contribuables, malgré eux, viennent
souvent à sa rescousse grâce à la « générosité » du
gouvernement. Celui-ci, par contre, ne fait jamais faillite,
d'abord parce qu'il impose toujours plus, ensuite parce qu'il dévalue sa
monnaie.
Une dévaluation monétaire n'est rien d'autre que
l'inflation, c'est-à-dire une augmentation du stock de
monnaie en circulation. Réduire ses dettes permet une plus
grande marge de manoeuvre, mais réduire les dettes publiques
à l'aide de l'inflation monétaire ne donne une marge de
manoeuvre qu'à court terme seulement et au risque de la
perdre complètement. Ainsi, s'il faut se soucier des dettes
publiques, c'est dans la mesure où on utilise l'inflation
pour les accumuler, soit tout le temps. Une simple réduction de
dette, à l'instar d'une réduction du déficit commercial ou
de l'utilisation d'un taux de change variable, passe à côté
du véritable problème à maîtriser, soit l'inflation.
L'inflation permet
aux gouvernements de créer plus de dettes qu'ils n'ont
d'actifs. Par un processus subtil mais réel, les richesses
sont ainsi détournées de leurs propriétaires légitimes en
faveur des gouvernements, tout en enrichissant certains
banquiers au passage (voir l'article «
La
stabilité de certains prix cache l'inflation monétaire
», le QL, no 132).
Les gouvernements promettent ainsi plus de services qu'ils
sont capables de fournir, car ils ont le loisir de réduire
leur dette, sur le dos de la population qui la finance, en
la dévaluant par l'inflation qu'ils contrôlent. Celle-ci est
facilitée par l'utilisation de monnaie fiduciaire et un
monopole d'État.
L'inflation est toujours plus importante lorsque la monnaie
est monopolisée et qu'il n'en coûte rien pour la produire.
Avant que les gouvernements ne décrètent un monopole sur la
monnaie, l'inflation était pratiquement inexistante, car il
coûte cher d'explorer des métaux précieux et d'en produire
de la monnaie. Cette monnaie est justement précieuse, entre
autres caractéristiques, parce qu'elle est produite à partir de
ressources qui se trouvent rarement.
L'inflation est sournoise, elle procède en douceur sans que
les gens s'en aperçoivent. Il s'agit d'une des plus grandes
injustices de ce monde. Si elle a pris autant d'ampleur
depuis cent ans, il faut en remercier votre gouvernement,
car c'est lui qui contrôle la monnaie.
Au cours des siècles, lorsqu'une monnaie était établie
librement, elle était soit métallique, soit tirait sa valeur
du métal. Elle se définissait par une quantité d'or, son prix était
donc fixe. Dans la mesure où l'argent métallique
accompagnait l'or comme monnaie, il y avait un taux variable
entre les deux. Voilà bien la seule façon dont on devrait
parler de taux de change fixe ou variable.
On reconnaît l'inflation davantage aux dettes qu'elle
entraîne
qu'aux augmentations de prix dont les causes sont multiples.
Les dettes et certaines variations de prix, autant à la
hausse qu'à la baisse, sont les symptômes de la maladie et
non la maladie elle-même. La maladie existe grâce à la
monnaie fiduciaire monopolisée par l'État.
Les banques centrales européennes et notamment asiatiques
détiennent une part de plus en plus grande de la dette
américaine. Elles ont non seulement investi dans un dollar
qui se déprécie, mais elles dévaluent autant, voire
davantage, leur propre monnaie non seulement dans le but de
maintenir leurs exportations, mais, dans une folle témérité,
également pour soutenir un dollar qui tient lieu de «
système » monétaire mondial. Or, cela n'a rien d'un système,
mais tout d'un château de cartes!
L'endettement ne peut soutenir une monnaie fiduciaire qu'à la
condition qu'on en voit la fin. Or les dettes de certains
gouvernements n'ont pas de fin, elles sont destinées à n'être
remboursées qu'à une fraction de leur valeur initiale à
cause de l'inflation qui les ronge. Si les investisseurs, au compte
duquel on retrouve les gouvernements, réalisent qu'il vaut
mieux vendre ces « promesses » que de les voir se déprécier
à un rythme accéléré, ils pourraient procéder, sans crier
gare, à une vente de feu sans précédent.
Cette tension se fait de plus en plus sentir. Trop
d'inflation, trop de dettes et trop de déclarations
intempestives finissent par vous rendre nerveux. Peut-être
qu'à force de le pousser dans les câbles le gouvernement
pourrait déclarer: « D'accord, nous réévaluons le yuan à la
hausse, comme vous le désirez. Dorénavant, un yuan équivaut
à
1/2000 d'once d'or, soit 5 yuan pour un dollar au prix du
jour. Nous faisons d'énormes sacrifices en haussant ainsi
notre monnaie par rapport au dollar, mais nous reconnaissons
la sagesse de vos recommandations et nous nous y plions sur-le-champ. »
Est-ce trop attendre d'un gouvernement? Zhou Xiaochuan,
gouverneur de la banque centrale de Chine, disait devant la
London Bullion Market Association,
le 6 septembre dernier: « Allowing people to hold assets
in gold can improve social welfare, benefiting both the
country and its people. Also, the dual character of being an
ordinary commodity and a currency allow gold to well hedge
against risks. So it is practical to develop individual gold
trading business. »
Permettre aux gens d'acheter et vendre de l'or n'en fait pas une monnaie.
Il s'agit néanmoins d'un pas dans la bonne direction. Devant
des gouvernements qui n'en finissent plus de dévaluer leur
monnaie, accumuler de l'or pour préserver son pouvoir
d'achat est une bonne idée; et certainement préférable à
chercher des boucs émissaires.
Faut-il y lire l'annonce prochaine d'un yuan ancré à l'or?
Si tel est le cas, tant mieux pour les Chinois. Ils en
auront besoin pour passer au travers la récession probable
qui les attend lorsque leur monnaie se transigera.
Néanmoins, une telle décision permettrait d'envisager une
Chine plus libre et une assise plus solide pour continuer
son expansion économique.
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