Dans le domaine des
échanges de marchandises, nous l'avons dit, la vision
concurrentielle reste sans doute prédominante par rapport à
la vision harmonisatrice. Si le principe d'origine est donc
bien accepté dans le domaine des échanges de marchandises,
la cohérence exige de l'accepter aussi dans les autres
domaines, par exemple dans le domaine des services. De ce
point de vue, la directive Bolkestein est totalement fidèle
à la vision initiale de l'intégration économique européenne,
et cette vision est la seule correcte. C'est pourquoi on
doit regretter l'émotion qu'elle soulève actuellement, en
particulier en France où l'on cultive toujours avec délices
une culture de méfiance à l'égard des marchés, de la
concurrence et de la liberté. Et l'on doit vivement
regretter que la Commission Barroso soit ainsi conduite à
faire marche arrière par rapport au chemin tracé par la
précédente Commission.
La concurrence est
toujours bonne, elle l'est pour les échanges de
marchandises, elle l'est pour les services, mais elle l'est
aussi pour les règles juridiques ou fiscales. C'est
pourquoi, au lieu d'harmoniser, il est bien préférable de
mettre en concurrence les fiscalités, les règles juridiques
et les normes.
Mais cette mise en
concurrence des systèmes fiscaux, légaux et réglementaires
est évidemment inquiétante pour les pays qui ont mis en
place, à l'abri des protections existantes, des systèmes
pénalisants pour les producteurs. Si certains pays
anciennement communistes ont bien compris les méfaits des
contraintes étatiques et nous donnent l'exemple de ce que
peut donner une plus grande liberté, cet exemple semble
intolérable pour les vieux pays de l'Union européenne qui
cherchent à défendre ce qu'ils présentent comme un modèle,
mais qui est surtout un modèle de déclin, de chômage et de
faible croissance.
Ce qui risquerait de nous
entraîner vers des extrêmes inconnus et dangereux, ce n'est
pas l'adoption de la directive Bolkestein, contrairement à
ce que l'on dit, mais au contraire sa mise à l'écart.
Celle-ci impliquerait en effet, à la limite, l'adoption de
l'idée selon laquelle un prestataire de services ne pourrait
proposer ses services dans un autre pays que le sien que
dans la mesure où il aurait utilisé, pour produire ces
services, les normes juridiques et réglementaires du pays de
destination.
Le principe d'origine sur
lequel s'appuie la directive Bolkestein est le seul qui soit
cohérent avec la logique de la concurrence. Ou bien on
accepte le marché unique, c'est-à-dire un marché où la
concurrence peut jouer son rôle, et alors il faut accepter
la directive; ou bien on le refuse et l'on doit alors
reconnaître qu'on a trompé les populations européennes
pendant des années et des décennies en leur parlant de
marché unique, d'intégration économique, de construction
d'un espace économique européen... Et l'on accepte d'avouer
alors que la prétendue intégration européenne n'est rien
d'autre que l'élaboration progressive d'un super-État
centralisé. C'est bien pour éviter ce terrible risque qu'il
conviendrait de sauver la directive Bolkestein.
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