L'universalité de la justice |
Les hommes se battent pour la justice, mais si ce combat est physique
plutôt qu'intellectuel comment être sûr qu'elle règne? Une justice
imposée s'apparente davantage à l'oppression qu'à la raison. La
coercition peut être admise dans le cadre d'une sanction pénale,
c'est-à-dire comme réponse à l'injustice, mais elle ne saurait
constituer un objectif. Dire que la coercition ou l'agression est un
but, c'est prétendre que l'injustice est l'état naturel et permanent
de l'homme. Or cela n'a aucun fondement scientifique.
La justice découle autant
de la raison que de la morale, car elle est à la fois intérêt et
devoir. Elle est universelle dans la mesure où elle s'en tient à la
non-agression, c'est-à-dire qu'elle répond à l'intérêt de chacun. Par
là, elle reconnaît d'emblée une égalité entre les hommes, si ce n'est
qu'en tant qu'ils sont d'une même espèce. Elle est à la base de toute
morale, mais n'en constitue pas la totalité. Toute morale commence par
la justice, mais aucune, sauf l'éthique libérale, ne s'en tient à
cette prescription.
Lorsqu'on parle de morale
ou d'éthique, on renvoie à des normes de conduite, des vertus. Imposer
sa conception des vertus au détriment de la justice, c'est trahir à la
fois celles-ci et celle-là. Compassion, charité, courage, générosité,
et cetera, ne s'imposent qu'à soi-même, jamais à autrui. La
justice aussi ne s'impose qu'à soi-même, mais son caractère
intellectuel lui confère une universalité qu'on ne peut attribuer aux
autres vertus.
L'homme est doué de
raison et agit d'après elle. Il reconnaît en autrui la même faculté,
par conséquent une liberté d'agir qu'il respecte tant qu'il perçoit
une réciprocité. Ce n'est pas une garantie, car il est d'abord un être
de désir. Néanmoins, c'est dans son intérêt.
La justice est d'essence morale. La politiser n'amène rien de plus. Au
contraire, c'est en assurer la perversion. En effet, il est impossible
à l'État de rendre justice selon le principe de non-agression, car il
doit nécessairement nous soutirer des impôts pour la rendre. Les
tenants d'un État minimal prétendent qu'il s'agit d'une « coercition
raisonnable », mais cette justification ouvre la porte aux étatistes
de tout acabit qui considèrent qu'il est aussi légitime de l'utiliser
à d'autres fins.
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