Montréal, 15 mars 2005 • No 152

 

COURRIER DES LECTEURS / READERS' CORNER

 

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ÉPOUVANTABLEMENT BAS, LE NIVEAU DE CONNAISSANCE ÉCONOMIQUE DES QUÉBÉCOIS

 

          Je lis les sections économiques de votre magazine et je suis découragé. Non pas par le contenu, mais par le fait qu'on doit encore répéter ce qui me semble être des évidences. Mes connaissances économiques se limitent à deux cours universitaires et quelques livres lus au fil du temps. Pourtant, quand je me compare à bon nombre de nos journalistes, politiciens et autres personnalités publiques, j'ai l'impression d'être un spécialiste.

          Le niveau de connaissance économique du Québécois moyen est épouvantablement bas. C'est tragique car le système économique lui semble alors être arbitraire et menaçant. Sa seule théorie pour expliquer les différences de richesse est que les riches et puissants exploitent malicieusement les pauvres. Théorie qu'il défend d'ailleurs vigoureusement en raison de la supériorité morale qu'elle lui procure. Si, au lieu de cela, il saisissait les rouages de l'économie, il serait en mesure de prendre des décisions économiquement avantageuses et de tirer son épingle du jeu. Et il comprendrait aussi que l'économie n'est pas un jeu à somme nul et que je peux m'enrichir sans que personne s'appauvrisse. Nous serions alors bien plus en mesure de nous payer ces services publics si chers aux Québécois, et peut-être même de s'en passer.

          Espérons qu'un jour la situation évoluera. Si au moins nos grands médias pouvaient donner l'exemple. Mais pour l'instant, syndicalisation, commerce équitable et État maximal occupent toute la place. Être en faveur du libéralisme, c'est être de droite – ce qui est mal. Soutenir le contraire serait dérangeant pour une trop grande part de la population, confortablement installée dans son rôle de victime innocente.

          En attendant je vais continuer de vous lire. Ça fait du bien quand même de voir que quelque part il existe un discours économique mieux informé.

Francois Boudreau
Montréal
 

 

L'ART, DISCIPLINA NON GRATA DANS LES ÉCOLES PUBLIQUES

 

          Sachez que l'art est désormais disciplina non grata et proche du bannissement complet dans les écoles publiques du Québec. En effet, dans sa (sempiternelle) réforme du régime pédagogique, le ministre l'Éducation ampute le programme d'enseignement de deux disciplines artistiques. En fait, l'élève ne pourra explorer que deux des quatre disciplines offertes (soit l'art dramatique, les arts plastiques, la danse ou la musique) pour l'ensemble de son cycle primaire.

          On le sait, l'école publique québécoise constitue, au plus, une garderie « animée » par les gardiens de la bergerie. Loin de former des esprits critiques, voire même des citoyens, nos techniciens des programmes d'enseignement s'acharnent, sur l'ordre express de leur unité patronale et dans le but de nourrir leurs usines à gaz, à réprimer toute forme d'originalité, d'excentricité, d'humanité. Il est donc plausible que cette scission avec l'art vise à empêcher tout contact avec une discipline potentiellement dommageable pour l'apprentissage de matières plus « essentielles » telles que les mathématiques et l'anglais (à ce titre, sachez que l'anglais sera désormais enseigné dès la première année du primaire; nos enfants pourront donc s'exprimer en anglais avant même de savoir quoi dire).

          Loin de voir en cette réforme un problème, je crois plutôt qu'elle sera salutaire. En effet, les parents qui méritent encore ce titre constateront enfin clairement les objectifs de « médiocrisation » du ministère et retireront séance tenante leurs enfants de ces camps d'extermination de l'âme. Dans la mesure où les parents ne peuvent offrir une relation maître-apprenti, puisqu'ils doivent eux-mêmes faire rouler la machine pour survivre, l'école privée, dotée d'objectifs plus larges que la formation à simple tendance utilitaire, s'avérera, plus encore qu'elle ne l'est déjà, la seule alternative. L'école privée n'est pas une panacée, mais elle peut certes guérir un grand nombre de maux.

          L'école publique se meurt, bien sûr. Elle ne souffre pas d'un manque de financement, mais bien d'un manque d'inspiration, de vision, et d'âme. Ce dont elle ne manquera jamais, c'est d'une armée de fonctionnaires. Cette tentative désespérée de réanimation fera éclater au grand jour l'état réel de la patiente puisqu'elle n'aura aucun sursaut: cadavre putréfié, elle a rendu l'âme depuis longtemps… Voilà l'occasion de flirter avec le don d'organe: puisque la patiente est morte, faisons don du matériel d'art, des instruments de musique, costumes et accessoires de théâtre et de danse aux écoles privées qui, elles, sauront les utiliser en institutions responsables, au plus grand bénéfice de nos enfants.

Jacques Saint-Pierre
 

 

WAL-MART EST UN BIENFAIT, PAS UNE PLAIE

 

          Depuis la fermeture du magasin Wal-Mart de Jonquière pour cause de syndicalisation on assiste dans les médias Québécois à une offensive en règle contre cette compagnie. De Guy A. Lepage à René Homier-Roy sans oublier Claude Charron – qui est même allé (impunément) jusqu'à comparer Wal-Mart aux nazis d'Hitler –, on accuse Wal-Mart de tous les maux, de la délocalisation d'emplois vers la Chine où ses fournisseurs exploitent les travailleurs au nivellement par le bas des conditions de travail locales. On nous explique en passant que les syndicats sont une bonne chose puisque c'est grâce à eux si notre niveau de vie augmente. Tout cela témoigne d'une incompréhension totale quant au fonctionnement de l'économie capitaliste et de ses mécanismes. À croire qu'au Québec nous sommes réellement des illettrés économiques!

          Wal-Mart est un des plus formidables agents de la mondialisation économique car elle vend des produits fabriqués partout sur la planète. Dans le monde entier, des millions de gens ont aujourd'hui un emploi grâce aux fournisseurs de Wal-Mart. Ces gens sont exploités dites-vous? Mais selon vous, quelle serait leur situation sans ces emplois? Préféreriez-vous les voir mourir de faim dans leurs campagnes? Aujourd'hui, grâce à la mondialisation du commerce stimulée, en autres par Wal-Mart, la Chine, l'Inde et d'autres pays connaissent une croissance économique phénoménale et leur niveau de vie y augmente année après année. Partout dans le monde, d'immenses classes moyennes sont en train d'émerger qui d'ailleurs seront nos clients de demain. À titre d'exemple, il y a aujourd'hui 16 millions de touristes chinois. Ils seront 100 millions dans dix ans.

          Quant à nous, nous payons les produits achetés chez Wal-Mart moins chers et de ce fait il nous reste plus d'argent dans nos poches pour dépenser ailleurs et ainsi faire croître d'autres secteurs de notre économie – qui, soit dit en passant, grandit malgré les délocalisations.

          Il faut absolument comprendre que ce qui fait le succès du système capitaliste est la liberté de concurrence qui récompense les entreprises les plus ingénieuses et les plus performantes. C'est grâce à cette compétition, cette lutte pour exceller, que les compagnies s'améliorent sans cesse et finissent par engendrer la croissance économique. Or, la croissance économique est en fin de compte la seule chose qui puisse faire diminuer la pauvreté et améliorer la condition humaine en augmentant le niveau de vie des populations. À ceux qui s'inquiètent de l'environnement, notez en passant que les sociétés les plus riches sont aussi celles qui font le plus de progrès sur ce plan...

          Loin de représenter un nivellement par le bas, la présence de Wal-Mart stimule le commerce, la compétition, et donc l'activité économique partout où elle se trouve, et elle se trouve partout. Elle est ainsi un puissant facteur de croissance économique mondiale et locale. En fait, Wal-Mart est bien plus utile pour aider à diminuer la pauvreté et la misère dans le monde que ne le seront jamais tous les syndicats.

Sincèrement,

Jean-Pierre Deslandes
 

 

LA DOCTRINE LIBERALE ET LA QUESTION DE L'IMMIGRATION

 

          La philosophie politique et la science politique ont pour objet de bâtir la définition théorique du régime idéal. Mais leur objet est aussi de guider l'homme d'État dans chacune des décisions quotidiennes qu'il a à prendre dans un environnement sur lequel il n'a qu'un pouvoir d'intervention limité.

          Ainsi, on peut concevoir la situation d'un ministre dont le pouvoir serait suffisant pour ouvrir totalement les frontières à l'immigration mais ne le serait pas pour supprimer l'État-providence.

          Le rôle de la doctrine libérale (et de toutes les doctrines politiques qui prétendent apporter quelque chose en terme de Bien public) est d'avoir quelque chose à répondre au ministre en question qui se demanderait ce qu'il convient de décider en l'espèce.

          Pour répondre à cette question, il est important de noter que lorsqu'un individu souhaite immigrer en France (ou ailleurs), on ne sait pas, a priori, de quelle façon il entend survivre dans notre pays. Il a peut-être une piste pour être embauché mais il se peut aussi que dans un premier temps, qui peut être temporaire ou définitif, il vive de l'aumône privée, de l'État-providence (État au sens le plus large, c'est-à-dire inclus les collectivités territoriales) ou même du vol.

          Par ailleurs, la France est un État-providence qui pratique la redistribution à grande échelle. Plus on ouvre les frontières à l'immigration et plus sera importante la part des prélèvements obligatoires, auxquels sont assujettis ceux qui produisent, qui sera versée au profit des immigrés dans le besoin.

          Or, s'il est désagréable pour tout le monde d'être soumis à une pression fiscale lourde (sont visés ici tous les prélèvements obligatoires), celle-ci devient encore plus insupportable, pour certains d'entre nous, si les « avantages sociaux » ainsi financés profitent à des immigrés qui n'auraient peut-être pas immigré si cette redistribution publique n'existait pas.

          C'est ainsi que M. Salin, dans le chapitre 11 de son livre Libéralisme paru dans le dernier QL, arrive à la conclusion que la liberté d'immigrer n'a de sens que dans une société libertarienne. « Instaurer une totale liberté d'immigrer dans le contexte institutionnel actuel ne serait évidemment pas viable ni désirable. Ceci reviendrait par exemple à attribuer à tout individu dans le monde le droit non pas de contracter avec des Français, mais le droit de vivre à leurs dépens, ce qui n'est pas du tout la même chose... ».

          S'il est certes difficile d'imaginer la coexistence, sur le territoire français, de tous les êtres humains de la planète qui sont dans la misère (ce qui peut se chiffrer à plusieurs milliards selon les critères retenus), situation qui aboutirait à ce que ces immigrés (ainsi que les nationaux) se trouvent dans des conditions de vie qui soient pires que celles des pays dont ils ont émigré, il est par contre tout à fait concevable que pour un grand nombre d'individus vivant actuellement ailleurs qu'en France, la situation serait bien meilleure s'ils pouvaient vivre en France, y compris dans une France nettement plus peuplée qu'elle ne l'est actuellement.

          On me répondrait sans doute que cette immigration d'envergure ferait éclater le système français de prestations sociales. Et alors?

          La position de M. Salin, qui consiste à n'accepter l'ouverture totale des frontières qu'à la condition que soit réalisée l'utopie libertarienne, ou que l'on s'en soit suffisamment rapproché, et qui me semble malheureusement partagée par un grand nombre de personnes qui se présentent comme étant libérales ou libertariennes, n'est pas compatible avec l'idée d'égalité des hommes devant la Loi.

          Or, l'idée que l'appareil judiciaire et administratif doit traiter tous les individus rigoureusement de la même manière est au coeur du libéralisme. Ce qui distingue la doctrine libérale des autres doctrines politiques est avant tout sa conception du Bien public. Appliquée à la France, le libéralisme ne consiste jamais à défendre les intérêts de groupes particuliers, même si le groupe consiste en une majorité de Français. Un État authentiquement libéral traite tous les êtres humains rigoureusement de la même manière. C'est à cette condition, et à cette condition seulement, que la doctrine libérale peut être universelle.

          Par ailleurs, l'incohérence radicale de la doctrine libertarienne apparaît ici comme ailleurs (même si les libertariens ont du mal à le comprendre, il est évident que l'on ne peut concevoir une société sans monopole de la justice et de la police que là où l'on n'a plus du tout besoin de justice et de police; cf. mon article La société libertarienne est-elle réalisable? paru dans le Courrier des lecteurs du QL no 140).

          En effet, les libertariens « protectionnistes » comme P. Salin, H.H. Hoppe, etc., condamnent les hommes de l'État sur la question de l'immigration, non parce que ces derniers tentent d'empêcher des individus habitant des zones peu propices à la vie humaine de les fuir pour vivre dans des endroits plus hospitaliers, mais parce que leur action empêche que ce protectionnisme puisse se faire de manière privée en maintenant ce que les juristes appellent le « domaine public ».

          Supposons donc que nous soyons dans une société libertarienne et qu'un « immigré » atteigne l'ex-territoire français et stationne sur une propriété sans le consentement du propriétaire. On est tous d'accord pour dire que le propriétaire a le droit de le chasser. Mais pour ce faire, il a nécessairement besoin du consentement du propriétaire de l'espace qui jouxte sa propriété sauf à devenir lui-même un agresseur.

          Ainsi, dans une société libertarienne, renvoyer dans les pays pauvres les hordes de personnes qui stationneraient « illégalement » dans les pays riches poserait autant de problèmes que de les déplacer sur la propriété du voisin.

          Partant de là, on ne voit pas très bien comment le principe de propriété privée pourrait, à lui tout seul, être à la base d'une politique de régulation de l'immigration et remplacer, avantageusement (parce que capable de trier entre l'immigration de bonne et de mauvaise qualité [sic] contrairement à celle des hommes de l'État qui est aveugle), le protectionnisme d'origine étatique.

Pierre-Edouard Visse
France
 

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