En revanche, il est
évident que si, grâce à la « class action », une
indemnisation pécuniaire est proposée à l'ensemble des
personnes qui se sont retrouvées dans la même configuration
contractuelle que celles qui ont gagné le procès, celles qui
considéraient, dans leur for intérieur, qu'elles n'avaient
pas subi de dommage (et qui donc ne se seraient jamais
manifesté) ne se priveront pas d'aller récupérer leur part
du gâteau... Une telle mesure pourrait donc entraîner des
coûts considérables pour les entreprises, sans compter les
occasions de chantage qu'elle pourrait occasionner, les
associations de consommateurs mesurant très bien l'impact
que ce type d'action pourrait avoir sur l'image et donc sur
le cours de bourse d'une société.
De quoi ternir l'image de notre
pays |
Et ce n'est pas tout. Le
jour où l'on introduira une procédure de « class action »
dans ce pays, les primes d'assurances de l'ensemble des
entreprises exploseront, comme cela s'est passé pour les
obstétriciens au lendemain de l'arrêt Perruche,
affaiblissant encore davantage des acteurs économiques déjà
asphyxiés par la pression fiscale et règlementaire. Ne
négligeons pas non plus le terrible effet multiplicateur
qu'elle provoquera en matière d'édiction de nouvelles normes
paralysantes. Il est en effet fort à parier que les grands
procès qui pourraient naître de cette action auront un
retentissement médiatique tel qu'ils créeront des
opportunités formidables pour des hommes politiques toujours
très sensibles aux phénomènes de modes et avides de
prévention, de précaution et donc, de réglementation. De
quoi ternir encore davantage l'image que notre pays renvoie
au monde économique et inciter les entrepreneurs français à
délocaliser.
Mais il y a plus grave
encore. Alors que les maux de notre société proviennent
précisément d'une approche beaucoup trop collectiviste des
problématiques auxquelles elle est confrontée, ne jurant que
par le groupe et l'interventionnisme public, alors que le
« droit à » l'emporte continuellement sur le « devoir de »,
l'urgence devrait être à la restauration du primat de la
responsabilité individuelle, qui seule ouvre la voie à une
autorégulation des comportements. Pourtant, en ambitionnant
de voir naître une « class action » à la française, nos
dirigeants entretiennent le mythe du conflit et perpétuent
cette vision archaïque des relations humaines selon laquelle
le monde est divisé en classes dominantes et dominées (les
forts – les entreprises – abusant des faibles – les
consommateurs). Ils bercent ces derniers dans l'idée qu'ils
sont tous un peu « victimes » des grandes entreprises,
entretenant ainsi un climat de défiance généralisée qui
paraît bien éloigné des ambitions affichées de « cohésion
sociale ».
Parce que la « class
action » porte en elle le phénomène victimaire mais aussi
parce qu'elle participe de la folle promesse d'éradication
du risque par le politique et le juge et parce qu'elle
contient, en son sein, une incitation incontrôlable des
consommateurs à agir pour la plus petite cause de déplaisir,
celle-ci ne doit surtout pas voir le jour. Malheureusement,
quand on mesure les intérêts croisés des élus et des
puissantes associations de consommateurs, il faut craindre
le pire.
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