Et pourtant, à la base, le phénomène est exactement le même que lors
du scandale du Canadien Pacifique dans les années 1870, ou d'autres
affaires de corruption qui ont parsemé l'histoire de ce pays et de
n'importe quel autre. Des hommes d'affaires graissent la patte à des
politiciens et à des hauts fonctionnaires pour obtenir des contrats
juteux du gouvernement. Ces firmes engagent des militants du parti.
Des fonds alloués à des contrats fictifs reviennent dans les caisses
du parti.
On se demande pourquoi
tant de gens se disent bouleversés et scandalisés d'apprendre que ces
choses se produisent. Tout le monde est probablement conscient que ces
combines existent, exactement comme on connaît tous quelqu'un qui
travaille au noir ou qui fraude le gouvernement. Mais la plupart des
gens gardent un espoir naïf que fondamentalement, l'État est une
institution bénigne qui fonctionne de façon honnête et équitable.
Il n'y a toutefois
aucunement lieu d'être surpris quand on sait qu'il est au contraire
fondé sur la coercition (personne, même les individus pacifiques qui
veulent simplement qu'on leur laisse la paix, ne peut échapper aux
diktats même les plus inutiles et farfelus des politiciens), le vol
légalisé (l'impôt est une façon légale de soutirer de force un tribut
à la population) et la corruption (les gouvernements ne cessent
d'acheter des clientèles avec l'argent volé de façon à consolider leur
pouvoir) et donc sur l'immoralité.
Les actes illicites rapportés par la Commission Gomery ont été commis
dans le cadre d'un programme bien précis qui visait à « sauver le
pays » suite aux résultats serrés du référendum de 1995. Une noble
cause, pourrait-on croire, qui aurait dû susciter les engagements les
plus désintéressés. Mais sauver le pays, cela signifie simplement, si
on enlève tout le tralala patriotique pré-fabriqué et qu'on regarde
les choses plus froidement, assurer la survie de l'État fédéral
canadien en tant qu'institution parasitaire qui impose son contrôle
sur la moitié du continent nord-américain. L'État – tout État – étant
fondé sur la corruption et l'immoralité, pourquoi devrait-on
s'attendre à ce que des attitudes différentes s'expriment lorsque
c'est sa survie même qui est en jeu? Au contraire, l'appât du gain, et
la peur de perdre cet extraordinaire filon, ont dû être décuplés dans
les milieux fédéraux dans le contexte de fébrilité post-référendaire.
Ce n'est bien sûr pas un
hasard si le plus gros scandale de corruption à avoir lieu au Canada
depuis des décennies se passe au Québec. C'est ici que se trouve le
terrain d'affrontement le plus intense entre deux États voraces qui
veulent plus de pouvoir, plus de contrôle, plus de fonds à
redistribuer, au point où l'un veut complètement tasser l'autre.
Lorsque deux parasites s'affrontent dans une lutte à finir pour
obtenir le contrôle de l'« hôte » à parasiter, c'est-à-dire la
population, on n'a pas à se surprendre encore une fois si les règles
du jeu ne sont pas celles d'une joute entre gentlemen.
Le Québec n'est bien sûr
pas le seul endroit où ces crimes sont commis. Keith B. McKerracher,
un ancien président de l'Institute of Canadian Advertising, déclarait
la semaine dernière dans le National Post:
No one should think that a cosy relationship between advertising
agencies and government advertising was invented in Quebec. For
decades the largest advertising agencies in Canada, all based in
Toronto, have been giving free services to political parties
during elections. If they were lucky enough to support the party
that formed the government, they were rewarded with the
advertising contracts for large government accounts, such as (at
the time) Air Canada, Canada Post, the annual saving bond sales
season, Via Rail, and so on. Not long after I became the president
and CEO of the Institute of Canadian Advertising, in 1978, I spoke
out publicly against this practice. I was immediately told that if
I continued to criticize the system, I would be dismissed. All
that the Quebec agencies have done, in my opinion, is to refine
the system. |
La corruption est partout, ce qui n'est pas une grosse révélation,
puisque l'État est partout également. Ces pratiques se retrouvent dans
le milieu de la publicité ailleurs au Canada, comme le dit M.
McKerracher. Et des tas d'autres scandales nous ont montré que le
milieu de la construction, le milieu syndical, le milieu juridique, et
tous les autres milieux qui sont directement liés ou fortement
réglementés par l'État subissent le même type de corruption.
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