Les fonctionnaires sont
déjà très favorisés par rapport aux privés: un euro de
cotisation de fonctionnaire rapporte quatre fois plus que
dans le privé et, encore, ce ne sont pas de vrais
cotisations payées par l'intéressé mais une simple ligne
ajoutée à la feuille de paie. Pour un député, c'est bien
plus magnifique: la prétendue cotisation rapporte sept fois
plus. L'on sait aussi, à la lumière d'exemples célèbres, que
l'on peut très bien cumuler des retraites pour des fonctions
que l'on n'a jamais remplies!
Toutes ces pratiques
illustrent un des principes de la République Fromagère qui
s'énonce ainsi: les hommes de l'État échappent toujours aux
calamités qu'ils imposent aux autres et plus ils approchent
du centre du pouvoir, plus ils y échappent.
Très probablement et, tous comptes faits, le total des indemnités de
départ et des retraites de certains politiques est tout à fait
comparable au total qu'ils dénoncent injustement chez les autres. Mais
il y a deux différences majeures.
Chez les dirigeants
privés, les chiffres sont plus ou moins connus et de plus en plus, car
inscrits dans des comptabilités exactes sauf exception. Chez les
politiques, personne ne sait et ne cherche à savoir, dans le désordre
permanent de la comptabilité publique. Les plus hauts « fromagers »
n'ont aucun intérêt à ce que l'on sache, ni aucune envie de savoir:
malgré la destruction de la morale au sommet de l'État depuis des
décennies, il reste certainement un lambeau de conscience quelque part
qu'il serait imprudent de réveiller.
En outre, pour faire le
total des avantages, il faudrait des calculs et raisonnements
formidablement compliqués. Que vaut la jouissance d'un appartement de
luxe pendant un nombre d'années incertain? J'ai créé le terme
« d'enrichissement furtif » pour décrire ce phénomène incroyable; le
« fromager » peut dire à bon droit qu'il ignore le chiffre de son
enrichissement. Mais, au moins, dans les avions furtifs, le pilote
voit l'avion et ne refuse pas de le voir!
Il est une autre
différence importante. Les privés rendent service dans le cadre du
marché libre. Les indemnités et retraites privées sont contractuelles
et c'est aux actionnaires à surveiller et nous constatons que les
actionnaires se réveillent de plus en plus. Tant mieux! Les avantages
des politiques reposent quant à eux sur la force publique et
l'impuissance des citoyens-victimes est totale. Impôts et
réglementations nécessaires répandent l'effet de ruine comme une
tornade dans tout le corps social. C'est une des causes, parmi
d'autres, du chômage qui tire tant de larmes à ces « fromagers »
responsables, quand sortent comme aujourd'hui des statistiques
meurtrières.
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