Ainsi le principe des
droits de propriété émerge-t-il par nécessité dans une
société de liberté. La manipulation de ces règles détruit
l’ordre de la liberté. La propriété implique la concurrence
et réciproquement. Manipuler les règles de la concurrence
pour réaliser une fiction mathématique, la « concurrence
pure et parfaite », c’est forcément manipuler les droits de
propriété de manière arbitraire et ajouter de l’incertitude
dans un ordre dont les règles ont pour fonction de la
réduire. C’est pourtant sur ce modèle que toute la
« politique de concurrence » de l’UE est fondée.
La plupart des normes
produites par le pouvoir politique européen sont ce qu’Hayek
appelait des règles de commandement et non pas ces règles
abstraites qui permettent aux individus de poursuivre leurs
propres fins en préservant la cohérence de l’ordre global.
Ces normes européennes visent à intervenir directement sur
l’ordre global de la société en lui imposant des fins
concrètes. Alors que les normes spontanées (morales et
juridiques) d’une société de liberté ne forment qu’un cadre
qui rend possible la poursuite des fins individuelles, les
normes décrétées européennes visent à créer de toutes pièces
un ordre pensé a priori, ce qu’il est impossible de
faire puisque cela suppose une omniscience que les hommes de
l’État n’ont certainement pas.
La distinction entre deux
sortes de règles mise en évidence par Hayek est crucialement
pertinente aujourd'hui. Hayek distingue les règles de
commandement et d'organisation qui visent à réaliser des
objectifs concrets et qui déterminent un ordre social
totalitaire, tyrannique, en assignant aux individus des fins
qui ne sont pas les leurs, et les règles générales
indépendantes de tout objectif qui sont celles d'une société
de liberté. « Les règles de droit, sur lesquelles un ordre
spontané [de liberté] repose, tendent à un ordre abstrait
dont le contenu, vis-à-vis des cas individuels ou concrets,
n'est connu ni prévu par personne; tandis que les
commandements et les règles qui gouvernent une organisation
[l'Union européenne en l'occurrence] tendent à des résultats
particuliers visés par ceux qui commandent dans
l'organisation. » (Hayek, Droit, législation et liberté,
tome 1)
Par ailleurs, alors qu’un
ordre spontané (non décrété) permet d’utiliser au mieux
l’information, puisqu’il la crée, un ordre décrété détruit
l’information en détruisant la valeur qui ne peut exister
que si l’individu peut choisir. Or la liberté du choix est
précisément ce que les normes positives et contraignantes
suppriment.
La société de liberté n’a
donc pas de but identifiable. Ceux qui lui en donnent un
sont généralement des visionnaires et se croient permis
d’imposer leurs propres buts aux individus. Ce faisant ils
réalisent moins « l’intérêt général » que le leur. C’est ce
qui se passe avec la construction politique européenne. Il
ne s’agit pas de créer un espace de liberté car cela ne
pourrait se réaliser que d’une seule manière: en réduisant
le pouvoir coercitif des États sans le remplacer par un
autre encore plus tyrannique et éloigné de nous.
Il a fallu des dizaines
d’années pour en arriver à une entité politique européenne
qui est en passe d’avoir tous les attributs d’un
État-nation. Je suppose que lorsque viendra le prochain
traité, il faudra de nouveau le ratifier pour ne pas en
rester au mauvais traité précédent. Jusqu’à la cerise sur le
gâteau: un État européen. À partir de ce moment, la tyrannie
sera là pour très longtemps.
Le « non », d’où qu’il
vienne, sera le signe que l’avenir est encore ouvert. Tant
qu’il existe une compétition politique, il vaut mieux être
en concurrence avec les gauchistes que supprimer carrément
la concurrence et donc le choix libéral clair (ce que nos
hommes de l’État ont déjà commencé à faire puisque les
traités successifs ont quasiment verrouillé la
social-démocratie).
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