Pour bien saisir ce point, on doit retourner dans le temps où l’or
servait de monnaie et les billets de substituts. Lorsqu’un individu
déposait son or à la banque et que celle-ci lui remettait une
réclamation servant de substitut de monnaie, cette réclamation
constituait une dette pour la banque. Aujourd’hui, puisque l’or a été
remplacé par son substitut, la banque qui émet ce « substitut » non
seulement ne s’endette plus, mais elle reçoit un revenu d’intérêt. Avec
pareille réglementation, on peut comprendre qu'il y ait autant de gens
qui désirent travailler dans ce secteur.
Certaines
institutions financières usaient déjà de ce procédé avant même
qu'il soit légal, dès lors que les substituts de
monnaie furent utilisés dans les transactions quotidiennes. On peut donc dire que
le gouvernement leur a seulement simplifié la tâche afin de cacher sa
manière à lui, plus directe, de créer la monnaie, soit en s'en
arrogeant le monopole. Peu importe la méthode utilisée, la monnaie
créée est une monnaie de crédit, ou monnaie fiduciaire, prompte à se déprécier.
Cette monnaie est créée d’autant plus facilement dans un contexte où
les taux d’intérêt sont à la baisse, car des taux bas incitent les
gens à consommer. Or, les taux d’intérêt à court et long terme sont en
baisse depuis une vingtaine d’années. Cette consommation se fait de
plus en plus à crédit, et s’il y a production, elle s’avère souvent
sans lendemain, non pas tant par incompétence des producteurs que
parce qu’ils sont induits en erreur par une demande établie par la
quantité de monnaie de crédit en circulation. Il y a illusion de
richesse.
|
La monnaie de crédit avantage donc particulièrement le secteur
financier et cela explique mieux sa croissance au sein de l’économie
dans son ensemble. Cependant, il est vain de le dénoncer sans en même
temps dénoncer l’État qui lui accorde ces privilèges. L’État agit
ainsi, car il profite davantage de la monnaie fiduciaire en lui
facilitant, pour un temps seulement, le contrôle de services qui
pourraient et devraient être rendus sans lui. L’expansion de l’État
est financée, entre autres, par des emprunts transitant par le secteur
financier, qui en tire des revenus. Cette monnaie apporte de l’eau au
moulin à l’idée que l’État peut se substituer au mécanisme des profits
et pertes. Elle prolonge l’idée qu’on n'a qu’à taxer et imposer le
contribuable pour rendre les services de manière « équitable ».
La création de
monnaie fiduciaire est synonyme d’inflation et celle-ci s’établit au
détriment de la population, qui se voit ainsi soutirer
une partie de sa propriété. Ce qu’on doit comprendre, c’est qu’à
l’exception de l’État, la monnaie fiduciaire profite surtout au
secteur financier dans son ensemble, bien que davantage à quelques
individus au sein de certaines entreprises.
Cette croissance du secteur financier et de
l’État n’est pas sans danger lorsqu’on considère qu’elle est
accompagnée d’une augmentation encore plus grande des dettes
individuelles, corporatives et gouvernementales.
|
Ces promesses de paiement sont insoutenables, car elles sont créées en plus grande
quantité que la richesse produite. Plus les gouvernements s’engagent à
offrir des services, plus ils doivent taxer, imposer et emprunter.
Cela réduit la capacité des gens à produire de la richesse, qui se
trouve réduite d’autant plus que les gouvernements remboursent leurs
dettes qu’à une fraction de leur valeur initiale grâce à l’inflation
induite par la monnaie de crédit. Une quantité de monnaie plus élevée
en circulation sans augmentation réciproque de produits et services
entraîne une redistribution non planifiée de la richesse et sa
réduction (voir « Réserves fractionnaires et cycles économiques », le
QL, no 135).
L’idée des économistes monétaristes d’émettre la monnaie au rythme de croissance du
PIB ne serait pas si bête si elle relevait d’une production
minière et que le PIB était un véritable indicateur de richesse. En
effet, dans un monde où l’interventionnisme serait réduit, la
production de monnaie métallique s’établirait sensiblement au même
rythme que la production de richesse en général. Le problème, c’est
que le PIB ne mesure pas la richesse et la monnaie fiduciaire est
sujette à de multiples manipulations (voir « Le PIB: un concept
économique inutile et néfaste », le QL, no 104).
Dans le but de réduire ces tricheries étatiques, ces
promesses insoutenables et par conséquent le rôle indu du secteur financier, on
doit abolir le monopole de l’État sur la monnaie. En conséquence, l’or et
l’argent métallique seraient de nouveau utilisés dans les transactions
quotidiennes ou, à tout le moins, serviraient de contrepartie réelle
aux substituts légaux. Une richesse serait alors échangée contre une
autre richesse, comme il se doit.
Aujourd’hui, bien que l’or soit utilisé comme assurance contre la
perte du pouvoir d’achat de la monnaie fiduciaire, il sert davantage à
la joaillerie, tandis que l’argent métallique a surtout un usage
industriel, bien qu'il serve également à la joaillerie et à
l'argenterie. C’est à partir de leur usage comme biens qu’on a
attribué à ces métaux leurs rôles de monnaies, c’est-à-dire de moyens
d’échange et d’épargne. Ils ont servi de monnaie pendant plus de 5000
ans, et cela jusqu’au siècle dernier.
Il ne faut pas penser que ce rôle leur soit à jamais interdit. Au
contraire, ces métaux reprennent du service à ce titre, car ils sont
incomparablement supérieurs à la monnaie fiduciaire (voir
xgold,
pecunix,
e-gold,
GoldMoney,
e-dinar). Ce faible usage monétaire
prendra des proportions beaucoup plus élevées au fur et à mesure que
la confiance des gens envers leur gouvernement et leur monnaie sera
remise en question. Il y a certainement lieu de reconsidérer ces
métaux comme monnaies pour le bénéfice de tous, si ce n’est parce
qu’on ne peut les produire à volonté et, par conséquent, qu’on ne peut
les dévaluer. Et une monnaie d’espèces rend beaucoup plus difficile une
redistribution des richesses aux privilégiés de l’État.
|