Cette « constitution »
n'est donc pas, à proprement parler, libérale. Le
fait que de nombreux Français aient voté contre ce
texte ne devrait donc pas, logiquement, être
interprété comme un signe de défiance à l'encontre
des solutions libérales. Le « non » l'ayant emporté,
que va-t-il cependant se passer? Au niveau européen,
la France aura sans doute, pendant quelques temps,
moins d'influence. D'aucuns s'en inquiètent. Mais
lorsque l'on voit que le président français était
parvenu, pour des raisons purement politiciennes, à
brandir son fameux « modèle social français » (qui
n'a, comme c'est étrange, séduit aucun pays de l'Est
au sortir du communisme), pour faire céder les
vingt-quatre autres pays de l'Union Européenne sur
la Directive Bolkestein, alors même que la France,
second exportateur mondial de services, aurait pu en
tirer le plus grand profit, ne faut-il pas, non sans
tristesse, y voir une bonne nouvelle? L'Europe a
parfois – même si cela s'est produit moins souvent
qu'on ne le dit – su tirer la France vers plus de
liberté. Si les libéraux européens pouvaient
effectivement avoir, grâce au « non » français,
davantage de marges de manoeuvre pour imposer leurs
vues, la France ne pourrait, par ricochet, qu'en
tirer le plus grand profit.
Au niveau national, du
fait de l'anti-libéralisme triomphant tant chez les
partisans du « oui » que chez les défenseurs du
« non », il fallait s'attendre à ce que les
autorités publiques annoncent un nouveau « virage
social », envisagé avant même le résultat par M. de
Villepin et supposé tenir compte de la volonté
exprimée démocratiquement par le peuple français.
Avec la victoire du « non », le président de la
République risque d'ouvrir une période qui, sans
rompre avec la stratégie molle des demi-choix non
assumés (qui ne paye pourtant pas électoralement),
devrait être encore plus étatiste, constructiviste
et anti-réformatrice que la précédente. Une telle
perspective avait d'ailleurs fait hésiter une partie
des libéraux à se prononcer, politique intérieure
oblige, contre une constitution qui ne correspondait
pourtant pas à leurs idéaux de liberté et de
responsabilité. Le pire serait donc à venir.
La France aurait pourtant
bien besoin d'un véritable « tournant social », qui
ne perpétuerait pas des recettes anciennes mais qui
ouvrirait la voie à une nouvelle politique de
désengagement étatique rapide de la sphère
économique, de renforcement énergique de la
flexibilité du travail et de récompense véritable du
mérite et de l'effort. Car un pays où l'on donne la
possibilité, grâce à une réforme fiscale audacieuse
et à une révision profonde du droit du travail, à
ceux qui ont perdu leur emploi (et souvent leur
dignité) d'en retrouver un autre très rapidement et
où le taux de chômage tombe à 4% est bien plus juste
et plus efficace, sur le plan social, qu'un pays où
le taux de chômage reste à 10% et où l'on promet, en
guise de solution, l'aide impossible d'un État obèse
et déresponsabilisant. Cette politique,
authentiquement libérale et couronnée de succès
partout où elle a été mise en oeuvre, n'a pourtant
jamais été appliquée en France.
Face à cette crise
politique, qui n'est pas sans rappeler le choc du 21
avril 2002 et qui traduit, avec la montée des
extrêmes, une profonde défiance des électeurs à
l'égard des politiques sociales-démocrates des
gouvernement de droite comme de gauche, les hommes
politiques devraient saisir la chance de rompre
enfin avec les échecs du welfare pour sortir
de l'« exception » française et emprunter, avec
énergie, confiance et conviction, la voie novatrice
du workfare. Mais qui en aura le courage?
Que le « non » soit
antilibéral ou pas, personne ne peut le savoir: il y
a tant de « non » différents! En revanche, une chose
est plus que jamais certaine: la France, qui
s'effondre chaque jour davantage, ne pourra
supporter les conséquences d'une énième surenchère
sociale. Elle doit désormais changer de modèle de
société. Et seule une société de liberté permettra à
ce pays de remonter la pente.
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