L’institution du mariage se veut, par son
essence, le dépositaire de la validité des unions de couple. La célèbre opposition
philosophique entre la factualité, qui s’intéresse à ce qui est, et
la validité, qui s’attarde à ce qui devrait être, permet d’exposer
plus clairement le caractère particulier de l’institution
maritale. En effet, à l’ensemble des unions existantes, s’oppose
l’idéalisation de certaines unions, commémorée par le mariage.
Ainsi, le mariage est fondamentalement une institution
discriminante, car elle n’idéalise qu’un certain type d’unions,
par opposition aux autres.
Il s’ensuit logiquement que le fait de vouloir redéfinir une
institution devant être le reflet de nos conceptions morales et
spirituelles dépasse largement la compétence qu’une société libre
et démocratique investit en son gouvernement. Il appartient donc
aux institutions religieuses et aux particuliers au sein de la
sphère privée, et non publique, de déterminer la validité des
différents types d’unions existantes.
La décision de la Cour suprême du Canada est inquiétante car au
lieu de limiter l’ingérence gouvernementale, elle semble confirmer
cette capacité juridique. Cela nous amène devant deux
possibilités. La première est que l’invalidation des
dispositions constituant une forme de discrimination envers les
couples homosexuels n’est que la première étape d’un processus
plus large qui va éliminer tous les types de discrimination, comme
celui envers la polyandrie, pour ne citer qu’un exemple. Le fait
que la Cour suprême se soit attardée uniquement sur la cause des
couples homosexuels pourrait être de la retenue judiciaire car
celle-ci a le mandat de répondre uniquement aux questions qui lui
sont posées.
Néanmoins, cette évolution qui veut dépouiller la définition du
mariage de son caractère idéalisant constitue un
travestissement inutile de la langue. En effet, l'opération
légale qui vise à éliminer toute prétention à la validité du terme
« mariage », assimile celui-ci au terme « union ». Toutefois,
une réforme des dispositions légales pour les unions
impliquerait de leur substituer des termes plus adéquats. Cela me semble
être le plan d’action le plus objectif. Néanmoins, le manque
flagrant de courage politique explique cette hésitation de la part
du gouvernement canadien de s’en remettre au terme « union civile » pour l’ensemble des citoyens. Si la Cour suprême n’avait pas été
mandatée pour débattre de la discrimination à l’égard des
homosexuels, nous aurions
certainement conservé la définition traditionnelle.
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