Les attentats du 11 septembre 2001 ont illustré
combien les États-Unis pouvaient être l’ennemi
absolu d’une certaine frange de la population
arabo-musulmane. Depuis, un discours messianique
s’est emparé de George Bush et Ben Laden, l’un
dénonçant l’« axe du mal » et l’autre en appelant à
combattre « le grand Satan ». Ce discours teinté de
rhétorique religieuse est trompeur. Selon moi, il
est ici plus question d’un antagonisme d’ordre
anthropologique basé sur l’opposition
holisme/individualisme que d’un combat entre la
civilisation chrétienne et musulmane.
L’intervention
anglo-américaine en Irak et l’élection du nouveau
chef de l’État iranien, Mahmoud Ahmadinejad ont
accentué une opposition toujours plus vive. Devant les pressions
qu’exercent l’Union européenne et les États-Unis
pour faire cesser la reprise des programmes
nucléaires en Iran, le président iranien s’est livré
à un réquisitoire révélateur du rejet du
libéralisme. Mahmoud Ahmadinejad a dénoncé
l'« invasion » culturelle occidentale. Selon lui,
« la pensée libérale justifie [...]
toutes les déviations ». Son « expansion devient la
justification de tous les phénomènes politiques
sociaux historiques et culturels ».
En 1995, Samuel
Huntington recommandait aux grandes puissances dans
son essai, Le choc des civilisations,
d’éviter d’intervenir au sein d’une autre
civilisation: « Pour
éviter une guerre majeure entre civilisations, il
est nécessaire que les États phares s’abstiennent
d’intervenir dans des conflits survenant dans des
civilisations autres que la leur. C’est une évidence
que certains États, particulièrement les États-Unis,
vont avoir, sans aucun doute, du mal à admettre. »
Même si je ne suis pas
d’accord avec le découpage civilisationnel de la
planète d’Huntington, je crois en revanche à un
recentrage culturel des régions du monde. Le concept
d’Anglophère qu’a forgé James C. Bennett qui vise à
réunir les pays qui parlent et qui partagent les
valeurs anglo-saxonnes est, semble-t-il, destiné à
un bel avenir (voir son livre, The Anglosphere
Challenge).
La dominance du monde
libéral individualiste, accélérée par les moyens de
transport, les échanges mondiaux et les moyens de
communication dérange et menace un monde qui ne se
reconnaît pas dans ces valeurs anglo-saxonnes. Les
réactions de ces sociétés holistes s'étalèrent sur
tout le vingtième siècle sous diverses formes, souvent violentes. Aujourd'hui le monde
arabo-musulman et peut être demain la Chine,
vont tenter à leur tour de
s'opposer à une vision du monde, des relations
humaines et des échanges qui ne sont pas les leurs.
Saurons-nous nous comprendre et nous respecter
suffisamment, au-delà des différences
civilisationnelles, pour
éviter des malentendus fâcheux? C’est l’une des
missions des générations du 21e siècle.
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