1. Bastiat est alors en vie et bien en
vie. L'acte de naissance de Claude Frédéric Bastiat
indique le 11 messidor an 9, soit le 30 juin 1801 dans le
calendrier grégorien. C'est cette dernière date que
reprend l'historien J.-C. Paul-Dejean, historien éminent
et biographe passionné de Bastiat. Bastiat est mort d'une
« maladie de poitrine » à Rome le 24 décembre 1850. Il en
sera donc différent pour l'édition complétée de 1851: nous
publierons les compléments dans un second tome pour des
raisons qu'on exposera alors dans la préface.
2. Docteur d'État es sciences économiques, maître de
conférences à l'Université Paris Dauphine, Georges Lane a
écrit deux articles sur Frédéric Bastiat: l'un est « Bastiat, l'aversion pour l'incertitude et la loi de
l'association », Journal des économistes et des
études humaines, XI, 2/3, juin-septembre 2001, pp. 415-450
– dont la Documentation française a extrait un texte sous
le titre « L'aversion au risque et la 'loi de l'association'
de Frédéric Bastiat », Problèmes économiques, no 2754, 27
mars 2002, pp. 26-32. L'autre article est « Des
individus ensemble » publié dans Garello, J. (ed.),
Aimez-vous Bastiat?, Romillat, Paris, 2002, pp. 217-222.
.3. Selon Gustave de Molinari: « […] Frédéric Bastiat,
l'homme qui savait le mieux rendre accessibles et
populaires les vérités économiques, et l'un de ceux qui
ont le plus honoré la science ». (Molinari, G. de (1851),
« Nécrologie », Journal des économistes. pp. 180-196).
http://herve.dequengo.free.fr/Bastiat/Bastiat_bio.htm#note3#note3.
4. À l'âge de 19 ans, Bastiat avait lu le Traité
d'économie politique de Jean Baptiste Say qui avait été
publié en 1803 et réédité en 1814. Nous le savons par une
lettre qu'il a écrite à un camarade et dans laquelle il
lui expliquait combien il appréciait la méthode de Say qui
consistait à commencer par les principes fondamentaux de
l'économie.
5. Cf. par exemple, Sowell, T. (1991), La loi de Say,
Litec (coll. Liberalia, économie et liberté), Paris.
6. Reconnaissons en passant que l'école est devenue
aujourd'hui autant hétérogène du fait des différences
significatives apparues entre les économistes qui s'y
situent que, telle la mer, en recommencements incessants.
7. Keynes, J. M. (1969), Théorie générale de l'emploi, de
l'intérêt et de la monnaie, Payot, Paris, p. 356n. Ce
livre expose, en particulier, une doctrine qui a été
appliquée depuis lors par les politiques et qui, selon
l'expression de Jacques Rueff, « […] est en train de
détruire sous nos yeux ce qui subsiste de la civilisation
de l'Occident » (article publié dans Le Monde, 19 février
1976 sous le titre « La fin de l'ère keynésienne »).
S'ensuivront heureusement, quelques mois plus tard,
respectivement, dans l'État du Vatican, puis en Angleterre
et enfin aux États-Unis, Carol Vojtyla, Margaret Thatcher
et Ronald Reagan pour sauver la situation de l'Occident.
Mais en France, cela sera de pire en pire.
8. On rappellera en passant que pour Bastiat (1848): « L'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout
le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »
9. Principe que j'ai d'ailleurs implicitement adopté pour
établir la classe où je le situe.
10. Selon Molinari, il s'agit de plusieurs chefs-d'oeuvre
juxtaposés: « Il y a d'admirables parties dans les
Harmonies économiques; les chapitres sur l'organisation
naturelle et l'organisation artificielle, sur la
concurrence, sur la propriété et la communauté, pour ne
citer que ceux-là, sont de véritables chefs-d'oeuvre; et
le livre tout entier est le plus attrayant qui soit jamais
sorti de la plume d'un économiste, car nul n'a possédé au
même degré que Bastiat le secret de rendre la science
accessible et attachante. » (Molinari, op. cit.)
11. Préfacier de l'édition des Oeuvres complètes de
Frédéric Bastiat: Fontenay, R. de (1862), « Notice sur la
vie et les Écrits de Frédéric Bastiat », Oeuvres complètes
de Frédéric Bastiat, deuxième édition, Paris, Guillaumin &
Cie Libraires, 1862-1864. Pour situer Roger de Fontenay,
il faut savoir, par exemple, qu'il est l'homme qui, dans
un numéro du Journal des économistes de 1864, a écrit une
critique définitive à propos de la réédition – vingt-cinq
ans plus tard et sans modifications – par Augustin Antoine
Cournot, de son livre Principes de la théorie des
richesses: « Le livre de M. Cournot semble avoir traversé
ces vingt-cinq ans de guerre [1838-1863] comme la fontaine
Aréthuse traverse la mer, sans s'en être imprégné, sans
s'en être aperçu […] Je trouve citée, dans un chapitre,
une opinion de M. Mill sur le troc international. Je vois
le nom de Bastiat mentionné dans une note, voilà tout […]
Il n'est pas plus question de la réaction économique
contre Malthus et Ricardo que s'il s'agissait des
Taï-pings. C'est- trop d'indifférence et d'isolement. […]
l'ouvrage de M. Cournot donne l'état d'un esprit […] mais
il ne donne pas l'état de la science […] » (Fontenay,
1864, p. 251).
12. Comme l'avance par exemple Molinari en écrivant que:
« S'inspirant de la grande idée des économistes du
dix-huitième siècle, il s'attacha d'abord à démontrer que
ces lois forment un ensemble harmonieux, et qu'elles
concourent, par une action commune, au développement du
bien-être et du progrès de l'humanité » (Molinari, 1851).
De fait, Molinari nous semble passer à côté de la vraie
originalité de Bastiat.
13. Cf. « Les
mathématiques et la logique », article publié dans la
Revue de Métaphysique et de Morale, Années 1905, p.
815-835, 1906, p. 17-38, et p. 294-317, par Henri Poincaré.
14. Et l'économie de pensée commence par les mots que le
savant utilise et qui sont eux-mêmes, chacun, une économie
de pensée. « On ne saurait croire combien un mot bien choisi peut
économiser de penser, comme disait Mach, […] » (Poincaré,
op. cit. p. 31).
15. Qu'on trouve, en particulier, à l'INSEE ou au
ministère de l'économie et des finances à Paris, à la
Commission à Bruxelles ou au Fonds monétaire international
à Washington, etc., si on laisse de côté l'enseignement de
l'économie donné dans les lycées ou dans les universités
où l'économie est confondue avec les mathématiques, la
mécanique ou l'histoire et contre quoi Bastiat s'élevait
déjà à son époque (cf. livre 5 des Oeuvres complètes, chap. 1. « Spoliation et loi » et chap. 2 « Guerre aux chaires
d'économie politique »).
16. On ne développera pas le point par charité, mais
aussi parce que son traitement ferait sortir du sujet.
17. Que certains ont dénommé « Introduction ».
18. Rappelons que Bastiat entend par « socialiste » tout
écrivain qui imagine une société de fantaisie et ensuite
un cœur humain assorti à cette société tandis qu'est « économiste », tout écrivain qui observe l'homme, les lois
de son organisation et les rapports sociaux qui résultent
de ces lois.
19. Georg Cantor né en 1845, mort en 1913.
20. Selon Poincaré:
Que le lecteur se rassure, pour
comprendre les considérations qui vont suivre, il n’a pas
besoin de savoir ce que c’est qu’un nombre ordinal
transfini. Or Cantor avait précisément démontré qu'entre
deux nombres transfinis, il ne peut y avoir d'autre
relation que l'égalité, ou l'inégalité dans un sens ou
dans l'autre. […]
VII. Les antinomies cantoriennes
Je vais
maintenant aborder l'examen de l'important mémoire de M.
Russell. Ce mémoire a été écrit en vue de triompher des
difficultés soulevées par ces antinomies cantoriennes
auxquelles nous avons fait déjà de fréquentes allusions.
Cantor avait cru pouvoir constituer une Science de
l'Infini; d'autres se sont avancés dans la voie qu'il
avait ouverte, mais ils se sont bientôt heurtés à
d'étranges contradictions. Ces antinomies sont déjà
nombreuses, mais les plus célèbres sont:
1° L'antinomie
Burali-Forti;
2° L'antinomie Zermelo-König;
3° L'antinomie
Richard.
Cantor avait démontré que les nombres ordinaux (il s'agit
des nombres ordinaux transfinis, notion nouvelle
introduite par lui) peuvent être rangés en une série
linéaire, c'est-à-dire que de deux nombres ordinaux
inégaux, il y en a toujours un qui est plus petit que
l'autre. Burali-Forti démontre le contraire; et en effet,
dit-il en substance, si on pouvait ranger tous les nombres
ordinaux en une série linéaire, cette série définirait un
nombre ordinal qui serait plus grand que tous les autres;
on pourrait ensuite y ajouter 1 et on obtiendrait encore
un nombre ordinal qui serait encore plus grand, et cela
est contradictoire. (Poincaré, op. cit.)
La Logique reste donc stérile, à moins d'être fécondée
par l'intuition. Voilà ce que j'ai écrit autrefois; les
logisticiens professent le contraire et croient l'avoir
prouvé en démontrant effectivement des vérités nouvelles.
Par quel mécanisme? Pourquoi, en appliquant à leurs
raisonnements le procédé que je viens de décrire,
c'est-à-dire en remplaçant les termes définis par leurs
définitions, ne les voit-on pas se fondre en identités
comme les raisonnements ordinaires? C'est que ce procédé
ne leur est pas applicable.
Et pourquoi? Parce que leurs
définitions sont non prédicatives et présentent cette
sorte de cercle vicieux caché que j'ai signalé plus haut;
les définitions non prédicatives ne peuvent pas être
substituées au terme défini. Dans ces conditions, la
Logistique n'est plus stérile, elle engendre l'antinomie.
C'est la croyance à l'existence de l'infini actuel qui a
donné naissance à ces définitions non prédicatives. Je
m'explique: dans ces définitions figure le mot tous, ainsi
qu'on le voit dans les exemples cités plus haut. Le mot
tous a un sens bien net quand il s'agit d'un nombre fini
d'objets; pour qu'il en eût encore un, quand les objets
sont en nombre infini, il faudrait qu'il y eût un infini
actuel. Autrement tous ces objets ne pourront pas être
conçus comme posés antérieurement à leur définition et
alors si la définition d'une notion N dépend de tous les
objets A, elle peut être entachée de cercle vicieux, si
parmi les objets A il y en a qu'on ne peut définir sans
faire intervenir la notion N elle-même.
Il n'y a pas
d'infini actuel; les Cantoriens l'ont oublié, et ils sont
tombés dans la contradiction. Il est vrai que le
Cantorisme a rendu des services, mais c'était quand on
l'appliquait à un vrai problème, dont les termes étaient
nettement définis, et alors on pouvait marcher sans
crainte.
Les logisticiens l'ont oublié comme les
Cantoriens et ils ont rencontré les mêmes difficultés.
Mais il s'agit de savoir s'ils se sont engagés dans cette
voie par accident, ou si c'était pour eux une nécessité.
Pour moi, la question n'est pas douteuse; la croyance à
l'infini actuel est essentielle dans la logistique
russellienne. C'est justement ce qui la distingue de la
logistique hilbertienne. Hilbert se place au point de vue
de l'extension, précisément afin d'éviter les antinomies
cantoriennes; Russell se place au point de vue de la
compréhension. (Poincaré, op. cit. pp….) |
Ce qui nous frappe d'abord dans la
nouvelle mathématique, c'est son caractère purement formel:
« Pensons, dit Hilbert, trois sortes de choses
que nous appellerons points, droites et plans,
convenons qu'une droite sera déterminée par deux
points et qu'au lieu de dire que cette droite est
déterminée par ces deux points, nous pourrons dire
qu'elle passe par ces deux points ou que ces deux
points sont situés sur cette droite. » Que sont ces
choses, non seulement nous n'en savons rien, mais
nous ne devons pas chercher à le savoir. Nous n'en
avons pas besoin, et quelqu'un, qui n'aurait jamais vu
ni point, ni droite, ni plan pourrait faire de la
géométrie tout aussi bien que nous. Que le mot
passer par, ou le mot être situé sur ne
provoquent en nous aucune image, le premier est
simplement synonyme de être déterminé et le
second de déterminer.
Ainsi c'est bien entendu, pour démontrer un théorème,
il n'est pas nécessaire ni même utile de savoir ce
qu'il veut dire. On pourrait remplacer le géomètre par
le piano à raisonner imaginé par Stanley
Jevons; ou, si l'on aime mieux, on pourrait imaginer
une machine où l'on introduirait les axiomes par un
bout pendant qu'on recueillerait les théorèmes à
l'autre bout, comme cette machine légendaire de
Chicago où les porcs entrent vivants et d'où ils
sortent transformés en jambons et en saucisses. Pas
plus que ces machines, le mathématicien n'a besoin de
comprendre ce qu'il fait. |
22. Même quand leurs auteurs les veulent « macroéconomiques »,
voire de l'ordre de la « dynamique
macroéconomique ».
23. Voir Johnston W. M. (1972), The Austrian Mind. An
Intellectual and Social History 1848-1938, University of
California Press, Los Angeles.
24. Traduction française: Mises (Von), L. (1985),
L'action humaine, Presses Universitaires de France (coll.
Libre échange), Paris.
25. Hayek a publié cet ouvrage, qui comprend trois tomes,
dans les années 1973-79. Cf. pour la traduction française,
Hayek (Von), F. (1986), Droit, législation et liberté, 3
tomes, P.U.F. (coll. Libre Echange), Paris.
26. Cf. p. 117 la liste.
27. Harmonies économiques constitue désormais le tome VI
des Oeuvres complètes de Bastiat. Les Oeuvres complètes
comportaient six tomes à leur première édition en 1855. À la deuxième en 1862, un recueil de correspondances, qui
composent le tome VII, fut ajouté. |
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