« Sans la participation du citoyen, le plan
d'assurance-hospitalisation nous apparaît impossible, car on
se demande quelle trésorerie est assez riche pour se payer
un luxe pareil. De plus, la participation rend chacun
conscient de ses propres responsabilités et, ainsi, on
possède un moyen de faire échec aux abus pour autant que
chacun exerce quelque contrôle sur les soins qu'il juge bon
d'exiger de la communauté. »
C'est cependant le
concept de la « gratuité » – et son pendant obligé, la
négation de la responsabilité individuelle, aussi bien celle
des patients que celle de tous les acteurs du système – qui
a triomphé, entraînant une explosion des dépenses publiques
en santé qui se poursuit jusqu'à aujourd'hui. Elles
passèrent d'environ 100 millions $ en 1959-60 à 230 millions
$ en 1961-62 et à 300 millions $ en 1963-64 (voir François
Guérard, Histoire de la santé au Québec, p. 81). Les
niveaux d'imposition ont évidemment suivi la même courbe
depuis cette époque.
La soviétisation de la santé |
Tout au long de la décennie, la prise en charge du secteur de la santé
par l'État va s'étendre. En 1971, la mise en place de
l'assurance-maladie publique et la centralisation bureaucratique qui
l'accompagne constituent une véritable soviétisation de tout un pan de
l'économie québécoise. C'est à ce moment que le gouvernement québécois
interdit la vente d'assurances privées, de façon à bien verrouiller
son monopole.
Depuis cette époque, le
personnel de la santé est composé de conscrits, qui n'ont plus la
possibilité de contrôler leur travail et de servir leurs clients comme
ils l'entendent. Ils doivent travailler quand et là où les
bureaucrates ont décidé qu'on avait besoin d'eux. Les patients quant à
eux sont traités comme du bétail. À moins d'avoir de bons contacts
dans le système, ils doivent attendre leur tour pour être soignés et
leur contrôle sur les décisions qui concernent leur santé est minimal.
En nationalisant le système de santé, le gouvernement s'est également
arrogé un droit de regard sur plusieurs questions individuelles
devenues des enjeux de « santé publique ». Il a en fait nationalisé
nos corps (voir « À
qui appartient notre corps? », Le QL, no 84).
Même si ses partisans ne
l'ont toujours pas compris, une planification rationnelle est
impossible dans un système socialiste. Les prix, au lieu d'être
déterminés par l'offre et la demande, et donc par la rareté réelle des
ressources, sont fixés par décret administratif, ce qui entraîne
d'immenses distorsions. La concurrence a été éliminée et les
inefficacités grossières (les files d'attente par exemple) peuvent se
maintenir sans conséquences sur les revenus et la survie de
l'institution. Les incitations, qui poussent les acteurs privés à
prendre les décisions de gestion les plus susceptibles de satisfaire
leur clientèle, ne jouent plus leur rôle – même si on continue
d'accorder des primes de « performance » juteuses aux apparatchiks
d'un système en faillite…
Si on avait permis au
secteur privé de continuer à se développer en 1960, les soins de santé
seraient aujourd'hui moins coûteux, plus efficaces, et plus
accessibles. Le nombre d'assurés aurait continué d'augmenter, en
parallèle avec l'augmentation de la prospérité. Au lieu d'être un
fardeau économique accaparant 43% des dépenses de l'État québécois, le
secteur de la santé serait une source de croissance, de dynamisme et
de progrès. Et nous aurions plus de liberté et de contrôle sur notre
corps et notre santé.
On ne peut pas refaire le
passé, mais l'arrêt Chaoulli nous donne la possibilité de
reprendre le fil de cette évolution à partir de 1960, avant que des
décennies de « progressisme » socialisant ne nous fassent régresser.
Des consultations publiques auront lieu cet hiver et le gouvernement a
moins d'un an pour se conformer à la décision et modifier ses lois.
Reste à voir maintenant s'il ne trouvera pas d'autres moyens
réglementaires de refermer la porte qui vient de s'ouvrir.
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