À
l’autre bout de cette série d’étapes on arrive aux deux
moyens originaux de production que sont les éléments
naturels (terre, eau, minerai, etc.) et le travail humain.
Afin de les distinguer des biens de production qui en
découlent, on qualifie aussi ces derniers de « biens en
capital » ou de « biens intermédiaires ».
Évidemment, on parle
aussi de capital au sens monétaire du terme, soit comme une
somme d’argent, soit comme la différence entre l’actif et le
passif d’une entreprise. Toutefois, de la même façon qu’on
exclut la monnaie de l’épargne pour saisir ce qu’elle
représente, on doit éviter de confondre le capital monétaire
du capital comme « biens en capital ».
En somme, les biens en
capital servent à produire d’autres biens intermédiaires et
les biens de consommation, c’est-à-dire qu’ils visent à
accroître la richesse ou à satisfaire les besoins. L’épargne
constitue les biens dont la consommation est reportée, tandis que la richesse
inclut celle-ci et les biens intermédiaires. Qu’en
est-il de la monnaie? Ne constitue-t-elle pas aussi une
richesse?
La monnaie comme bien de production |
D’abord, en quoi consiste exactement la monnaie d’espèces?
Certains considèrent qu’il s’agit d’un bien d’une troisième
catégorie, soit un bien d’échange, d’autres considèrent
qu’il s’agit d’un bien intermédiaire qui a la particularité
d’être utilisé comme moyen d’échange. Pour considérer la
monnaie comme un bien intermédiaire il faut se rappeler
qu’un même bien à deux endroits différents n’a pas
nécessairement la même valeur et que, par conséquent, il y a
production non seulement dans la mesure où il y a
transformation d’un bien, mais aussi lorsqu’un bien est
transféré d’un lieu à un autre ou encore change de
propriétaire.
[…] s’il y a une barre de chocolat sur le comptoir entre
vous et moi, elle peut être consommée par l’un de nous.
Toutefois, dans l’hypothèse où elle appartient à l’un,
elle ne peut être consommée par l’autre sans sa
permission. Pour le propriétaire, il s’agit d’un bien de
consommation; pour l’autre, il s’agit d’un bien
d’un ordre plus élevé, qui ne nécessite ni modification physique, ni déplacement, mais plutôt un
transfert de titre de propriété, c’est-à-dire un échange
qui lui permet de considérer la barre de chocolat comme
un bien de consommation à lui. Or, la transformation
d’un bien d’un ordre à un autre plus bas est précisément
ce qui est signifié par production. – William Barnett II &
Walter Block(1) |
Que la monnaie d’espèces puisse être considérée comme un bien de
production va de soi considérant qu’on se la procure pour la même
raison qu’on se procure un bien de production, à savoir pour ce
qu’elle peut « transformer ». La monnaie ne modifie pas l’objet ou
le service comme tel, elle permet plutôt de changer son rapport
avec lui. Or, c’est ce à quoi on s’attend d’un bien de production,
soit d’accroître la satisfaction. Par conséquent, un bien de
consommation n’est pas nécessairement différent d’un bien de
production puisque l’ultime critère qui les différencie est le
rapport entre la personne et l’objet.
La monnaie fiduciaire
joue également ce rôle au sens où elle permet un échange de
propriété, à cette différence qu’on lui attribue une valeur alors
qu’on ne devrait pas. En effet, puisqu’elle est mise en
circulation sans qu’il y ait eu production de richesse au
préalable, elle sert donc à s’approprier la richesse sans
elle-même en constituer. On tente de la justifier en prétextant la
mettre en circulation au même rythme qu’était produite la monnaie
de métal, mais cela ne lui donne aucune valeur métallique. Que les
billets servent, comme autrefois dans le système de l’étalon-or,
de créance à la monnaie métallique est une chose; qu’ils puissent
constituer la monnaie elle-même en est une autre. Les
ex-substituts de monnaie métallique étaient une dette, la monnaie
métallique un actif, tandis que la monnaie fiduciaire n’est rien
d'autre qu’un moyen d’échange frauduleux imposé par l'État.
Dans la mesure où on
fonde sa richesse sur une monnaie fiduciaire, on court le risque
de la voir complètement disparaître dans un vent de panique, car
lui attribuer une valeur démontre une incompréhension de la
monnaie qui ne saurait durer. Produite sans restriction et sans
coût, il n’y a aucune raison de lui attribuer une valeur
d’échange. Sa légalité ne lui confère ni sa valeur, ni sa
légitimité.
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