Puisque ce nouvel argent se retrouve d’abord dans les mains
d’une poignée d’individus, ensuite dans les marchés
boursiers, obligataires, dérivés et immobiliers, il n’est
pas comptabilisé à titre d’inflation au sens utilisé par les
médias et défini par les économistes des écoles de pensée populaires,
soit une hausse des prix telle que déterminée par les
indices erronés qu’ils ont concoctés. Ils concluent que
la mise en circulation de monnaie fiduciaire ne cause pas de
problème. Pour la même raison, lorsque les pétrolières
haussent leurs prix, ils les accusent, à tort, d'être
les principales responsables de l’inflation.
Endoctrinés à l’idée que la science
économique doit passer par des mesures et l’interprétation
de chiffres, les économistes des écoles de pensée populaires
additionnent des biens qui ne peuvent l’être (voir « Donner
un sens aux indices économiques », le QL, no
107).
En praxéologie
et en économie, aucun sens ne peut être attribué à la
notion de mesure. Dans l’état hypothétique où rien ne
bouge, il n’y a pas de changement à mesurer. Dans le
monde actuel en constante transformation, il n’y a ni
points fixes, ni dimensions, ni relations qui pourraient
servir de norme. Le pouvoir d’achat de l’unité monétaire
ne change jamais uniformément pour tous les biens qui
s’achètent et se vendent. Les notions de stabilité et de
stabilisation sont vides si elles ne réfèrent pas à un
état fixe qui le demeure. –
Ludwig von Mises,
Human Action
(1) |
Puisqu’on ne peut mesurer
qu'à partir d'un point
fixe et que l’action humaine ne l’est pas, les économistes,
qui prétendent la mesurer, cautionnent donc les
interventions monétaires qui cherchent, en vain, la
stabilité des prix. S’il y a stabilité apparente des prix,
c’est uniquement dû aux produits et services qu’on
répertorie et à la façon dont on s’y prend pour aboutir à un
pourcentage. D’une part, cela ne signifie pas qu’il y ait
stabilité réelle des prix. D’autre part, quand bien même on
atteindrait cet objectif, encore faudrait-il s’y prendre de
manière légitime. Or enrichir des gens au détriment des
autres, créer des cycles économiques, de l’endettement, de
la surconsommation et de fausses accusations, ne font pas le
compte.
Ces accusations sont fausses, car la hausse du prix du
pétrole ne contribue pas à l’inflation. Celle-ci est un
phénomène monétaire. Et au-delà des
catastrophes naturelles et de la disponibilité de la
ressource, qu’on ne doit pas négliger comme facteurs
affectant son prix, ce sont les interventions monétaires,
réglementaires et militaires qui expliquent mieux la hausse
récente du prix du pétrole.
Lorsqu’une monnaie est mise en circulation sans restriction,
elle donne lieu à tous les excès. Aveuglés par cette fausse
richesse, plusieurs entrepreneurs se mettent à construire et
à fabriquer des produits, exerçant ainsi une demande
accrue de pétrole. L’expansion récente de la Chine illustre
ce propos. Certes la croissance chinoise repose également
sur la base
solide qu’est la libéralisation de ses marchés, mais
son inflation monétaire la propulse de façon
insoutenable, avec les dangers que cela comporte. Ne pouvant
prédire cette hausse soudaine de la demande, les pétrolières
ont tendance à augmenter leurs prix, car on ne sort pas le
pétrole de la terre comme on sort les billets de la banque
centrale.
Ainsi, non seulement la hausse du prix du pétrole ne
contribue-t-elle pas à l’inflation, mais c’est le contraire qui est
vrai. C’est-à-dire que l’augmentation de la quantité de
monnaie fiduciaire conduit d’abord à une hausse des prix de
certains biens, dont le pétrole, et des biens, tels que les
maisons, qui ne sont pas comptabilisés par les indices
erronés d’inflation. Elle affecte ensuite l’ensemble des biens et des
services. En cherchant présumément la stabilité des prix, on finit
par déstabiliser l'ordre du marché et la
coopération sociale. Ceux-ci sont remplacés par le
chaos bureaucratique, c’est-à-dire par la prétention de
quelques hommes à planifier et à contrôler les actions de
millions d’autres.
D’une intervention à l’autre |
Avant d’extraire le pétrole de la terre,
on évalue si la demande est là pour rester, s’il y a lieu de
produire davantage, de construire des raffineries, voire
d’explorer des gisements. Il faut aussi obtenir des permis,
qui entraînent souvent des études et des consultations
gouvernementales interminables. Les dépenses liées à
l’ensemble de ces activités sont importantes. Le pétrole
qu’on extrait doit être transporté, transformé et raffiné,
et il doit encore se conformer aux politiques
environnementales qui varient d’une juridiction à l’autre,
ce qui engendre des coûts supplémentaires. Encore ici, les
gouvernements ont une responsabilité quant au coût engendré.
À l’intervention réglementaire, aux taxes, qui constituent
quelque 40% du prix à la pompe, on doit ajouter les impôts
sur les sociétés,
qui réduisent d’autant la capacité de produire et
d’explorer; et les interventions militaires, notamment là où
il y a production de pétrole comme en Irak,
qui ne font rien pour réduire le prix du brut. L’ensemble de
ces interventions maintient élevé le prix du pétrole tout en
le haussant sporadiquement selon le type d’intervention. Si une
intervention militaire a tendance à avoir un effet spontané
sur les prix, l’inflation (monétaire) a tendance à se
répercuter sur eux avec un décalage.
Le comble de l’arrogance, c’est que suite à ces multiples
interventions, les politiciens exigent que les présidents de ces
entreprises leur expliquent pourquoi les
prix sont élevés, dans une atmosphère de procès stalinien.
Les journalistes ne sont pas en reste quand vient le temps
d’exciter les passions. Lorsqu’ils ne le font pas en
leurs propres noms, ils invitent des « spécialistes »,
en titre seulement, qui expriment leur colère en
criant à l’injustice du profit « excessif » – comme s’ils
étaient capables de préciser ce qu’était un profit adéquat.
Il ne manque jamais de politiciens prêts à répondre à cette
paranoïa à coups de lois et d’impôts. Ainsi, plutôt que de
sortir du trou, on s’y engouffre.
En
somme, ce n’est pas parce que les pétrolières sont dénoncées
par des professeurs, des politiciens, des journalistes ou les gens
en général qu’elles sont nécessairement coupables. Les multiples interventions
gouvernementales constituent la principale cause de la
hausse du prix du pétrole des dernières années, comme elles sont
la cause de nombreux autres maux.
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