Montréal, 15 novembre 2005 • No 160

 

OPINION

 

Bertrand Lemennicier est économiste et professeur à l'Université de Paris II.

 
 

LES BIENFAITS DES VIOLENCES URBAINES

 

par Bertrand Lemennicier

          Tout le monde s'élève contre les violences urbaines parce que l'on y voit des destructions gratuites organisées et mises en oeuvre par des jeunes des banlieues refusant l'ordre social et les valeurs qui vont avec. En fait, il s'agit de l'ordre socialiste ou étatique et des valeurs qu'il véhicule. Car après tout, ces jeunes vivent dans des HLM. Leurs parents bénéficient des aides publiques, du Rmi, d'écoles publiques, etc. Or les familles dont sont issus les « jeunes » des banlieues sont enfermées dans cet « ordre socialiste » depuis de nombreuses années par des gouvernements de droite comme de gauche.

          Mais voyons le bon coté des choses.

 

          Comme tous les Parisiens peuvent le constater, le bénéfice des violences urbaines est que la police a enfin cessé d'importuner les honnêtes gens – c'est-à-dire les automobilistes. Ils ont d'autres « chats » à fouetter.

          Les voitures brûlées dans les quartiers pauvres sont une bénédiction, là aussi, pour les automobilistes et leurs assureurs, ce sont les voitures d'occasion souvent mal entretenues et qui sont un double danger sur la route à la fois parce qu'elles sont peu sûres et que leur conducteur roule souvent sans permis de conduire, donc sans assurance. Cela évite les subventions payées par le contribuable pour se débarrasser de ces véhicules comme un certain gouvernement de droite l'a fait.

          Ces jeunes détruisent des services publics, bus, écoles primaires, salles de sports, etc. Mais puisque les services publics sont en général un désastre et ne fournissent jamais les services qu'ils prétendent rendre  (l'école fabriquent des illettrés, le temps d'attente des bus est toujours trop long et c'est inconfortable, etc), ceux-ci leur rendent donc la monnaie de leur pièce. Évidemment quand ils détruisent le supermarché, la salle de sport ou les bâtiments d'une entreprise, ils violent des droits de propriété. Mais après tout, ils font comme fait le gouvernement quand celui-ci réglemente et taxe lourdement ces activités. Finalement ils sont moins hypocrites que ceux qui nous gouvernent.

          Enfin, pendant que les jeunes de banlieues affrontent une bande rivale – celle des CRS (les forces anti-émeute) et policiers – pour la conquête du territoire, ils nous foutent la paix. Les jeunes n'ont plus le temps de voler ou d'exercer leur métier de dealer de drogue. De leur coté, les CRS cessent de protéger les bureaucrates et hommes politiques de la rue de Grenelle ou de Varennes là où il y a tous les ministères importants. En effet, faute d'effectifs suffisants, on ne voit plus un seul policier ou CRS dans ce quartier. On a enfin l'impression qu'ils servent à quelque chose.

          Il est vrai qu'ils protégent le gouvernement des manifestations organisées par les syndicats. Du temps de Jospin, chaque jour, les syndicalistes manifestaient pour réclamer des prébendes. C'est donc le moment où jamais d'envahir les ministères. Si les syndicats n'étaient pas de connivence avec les divers gouvernements qui se succèdent, ils pourraient saisir cette occasion pour manifester eux aussi et brûler quelques archives ou bureaux de ministres et prendre en otage quelques énarques qui traînent dans ces bureaux comme ils l'ont déjà fait dans le passé. Peut-être ces actions violentes seraient-elles, elles aussi, bénéfiques.
 

« Il va de soi que les destructions comme la violation des droits individuels ne créent pas de richesses comme le rappelle Frédéric Bastiat avec le sophisme de la vitre cassée. Mais entre deux activités de destruction – celles des bandes de jeunes et celle de l'État –, certaines sont moins coûteuses que d'autres. »


          Il va de soi que les destructions comme la violation des droits individuels ne créent pas de richesses comme le rappelle Frédéric Bastiat avec le sophisme de la vitre cassée. Mais entre deux activités de destruction – celles des bandes de jeunes et celle de l'État –, certaines sont moins coûteuses que d'autres.

          On peut aussi imaginer que le gouvernement tire une leçon de ces événements et finit par supprimer toutes les réglementations et subventions qui sont à l'origine de ces maux et violences urbaines des « jeunes » de banlieues. Il peut abroger la loi sur la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans. Il peut privatiser les HLM et les rues; supprimer l'école publique et la carte scolaire au profit d'écoles privées ou de l'apprentissage. Il peut remplacer le Smic et le Rmi par un système d'aides sous forme de dotations en capital. Cette politique de redistribution (s'il en faut une) élimine au moins le lien de dépendance à la bureaucratie qui distribue les aides et à son personnel d'assistants sociaux dont l'intérêt est de les maintenir dans la pauvreté.

          Mais là on rêve: le but d'un homme d'État n'est pas de supprimer les sources de son pouvoir, mais bien au contraire de les augmenter et de les concentrer dans les mains de quelques-uns.

          Compte tenu de cette loi d'airain du pouvoir, il n'est pas certain qu'il faille arrêter les violences urbaines. Les bénéfices pour les honnêtes citoyens sont plus nombreux qu'on ne le pense comme l'attestent ces derniers jours. Les gains procurés aux honnêtes gens, de manière non intentionnelle par ces jeunes de banlieues, excèdent peut-être les coûts que les gens « riches » et honnêtes pensent supporter.

          Évidemment toute action de violence ou de coercition publique est fondamentalement redistributive. Ceux qui sont pénalisés sont les gens honnêtes et pauvres qui habitent ces quartiers. Mais après tout, s'ils ne sont pas contents, ils peuvent reprendre en main leur destin, privatiser la rue, créer une milice d'autodéfense ou faire appel à une police privée pour rétablir l'ordre. Si les jeunes des banlieues ne sont pas contents parce qu'ils n'obtiennent pas le travail qu'ils désirent aux salaires qu'ils souhaitent, ou qu'ils sont maintenus dans la pauvreté par des législations qui les pénalisent, ils peuvent faire comme les enfants de riches: émigrer eux aussi vers d'autres cieux, comme l'Irlande ou l'Angleterre où l'on trouve facilement un travail.

          À vrai dire, que font les immigrants qui viennent en France en quittant leur pays d'origine souvent au péril de leur vie, si ce n'est chercher de meilleures conditions de vie? Si les « jeunes des banlieues » restent en France et dans ces quartiers c'est qu'ils estiment que l'on est plus riche en France (ou dans ces quartiers), tout en étant pauvre, qu'en émigrant dans d'autres pays (ou d'autres quartiers). De quoi se plaignent-ils? Comme nous, de l'intervention étatique. Mais faute d'un cerveau structuré, ils expriment cette révolte contre l'ordre « socialiste » par la violence.
 

 

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