Montréal, 15 novembre 2005 • No 160

 

OPINION

 

Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.

 
 

LA SÉCU: 60 ANS DE RUINE MASQUÉE

 

par Michel de Poncins

 

          Les célébrations entourant le soixantième anniversaire de la Sécurité sociale battent leur plein et il faut s'attendre à un grand déferlement de contresens, avec en prime l’effet de ruine déclenché par les fêtes elles-mêmes.

          En attendant, le fameux déficit de la « Sécu » ne cesse de s’agrandir nourrissant les lamentos officiels et personne ne voit comment le combler, puisque personne, parmi les politiques, ne souhaite apporter le vrai remède, celui de la liberté.

 

          Voici ce que l’on ne sait pas, ou l'on ne veut pas savoir: le ver était dans le fruit dès la naissance de l’institution et la Sécu, depuis son début, est une malade potentielle, même si le fait fut longtemps masqué.

          Le premier effet négatif fut la stérilisation d’immenses capitaux. De tous temps, les hommes épargnaient pour le jour où la maladie interviendrait et ces épargnes contribuaient à la richesse générale. Quand la Sécu fut rendue obligatoire, elle obligea tout le monde à cotiser dans son immense gouffre, ce qui tua l’épargne et la richesse future qu’elle devait générer, avec notamment le jeu fabuleux des intérêts composés. Quelle est aujourd’hui la richesse manquante et quels sont les gigantesques capitaux qui ne sont pas nés? Difficile à calculer. L’on observe seulement que ce manque tragique est une composante majeure du désastre français et de la paupérisation de la nation.

          Mais au moins aussi grave s’est produit l’asservissement progressif de la médecine au monstre étatique. Là aussi, impossible de calculer la ruine infligée à la santé par le biais de la Sécu combinée avec d’autres facteurs voisins. Le système comporte direction des prix, suppression des choix individuels, mise au pas des médecins et de l’industrie pharmaceutique.

          Les manifestations de cette ruine sont nombreuses: retard permanent dans la diffusion des appareils les plus modernes, remboursements de plus en plus faibles, manque d’infirmières, dégradation économique des hôpitaux publics, etc. La santé est prisonnière d’un système à la soviétique, telle une quelconque éducation nationale.

          Citons aussi, comme signe de la ruine, les efforts perpétuels pour limiter les dépenses – ces efforts étant rendus nécessaires par le déficit permanent. Dans un pays potentiellement aussi riche que la France, l’augmentation des dépenses en santé devrait être un signe et un élément de la richesse générale. Comment cette maladie interne a-t-elle été masquée pendant 60 ans?

          Les intérêts financiers personnels des classes dirigeantes, hommes de l’État tous confondus, sont attachés éternellement au développement du monstre. Les frais de la Sécu représentant la moitié des charges étatiques, on peut penser que la moitié de la richesse personnelle de ces personnes vient indirectement ou non de la Sécu: les innombrables syndicalistes embusqués en sont un exemple emblématique. Tout devait donc être fait pour cacher la vérité aux Français et garder ouverte la rivière argentée.
 

« La santé en France est prisonnière d’un système à la soviétique, telle une quelconque éducation nationale. »


          Ensuite, on trouve le développement inouï des nouvelles technologies depuis ces 60 ans. Les Français finalement ne sont pas si malheureux, du fait des progrès de niveaux de vie apportés par ces nouvelles technologies.

          Et puis, il faut citer la combinaison de deux facteurs extérieurs; d’abord le vent de richesse qui vient des États-Unis, dont la gestion dans la liberté irrigue la planète toute entière; vient ensuite ce que l’on peut résumer par l’expression inexacte mais parlante du travail à un dollar – que les fourmis asiatiques, détestées par nos politiciens, les sauvent de la faillite n’est pas le moindre paradoxe.

          Mentionnons que ces explications s’appliquent à tous les aspects du désastre français et donc bien au-delà de la Sécu.

          Pour les fêtes en vue faisons confiance au talent et à l’expérience de cette bureaucratie.

          À Pékin, en septembre 2004, simultanément avec la sortie d’une nouvelle non-réforme de l’assurance-maladie, 180 dirigeants français des caisses de la sécurité sociale ont séjourné, aux frais des « moujiks contribuables », dans les plus luxueux hôtels de la capitale chinoise. Se payer de tels voyages fait aussi partie de la richesse!

          Motif: participer à l'assemblée générale de l'Association internationale de sécurité sociale. Un millier de délégués représentaient 130 pays, dont 30 Allemands, 25 Américains, et pas moins de 180 Français – à la stupéfaction de tous les autres. Cent quatre-vingt, cela fait 18% des heureux fêtards internationaux.

          Le premier jour, les travaux ont été ouverts à 15h30 pour se terminer par un cocktail à 18h00 – l’horaire n’était pas harassant. Les jours suivants ont été réservés à des réflexions techniques, ce qui a permis aux congressistes, peu intéressés par ces parlottes, de s’enfuir discrètement pour visiter la Cité interdite.

          De même, n’était-il pas passionnant de consacrer son après-midi du 17 septembre à suivre l’exposé sur la sécurité sociale chinoise. Enfin, les débats, qui devaient en principe se clore le 18, ont pris fin la veille pour être sûr de ne pas trop fatiguer les congressistes... Le coût officiel du séjour des quasi-fonctionnaires de la sécurité sociale française fut évalué à 700 000 euros – son coût réel fut bien plus élevé.

          En 1995, pendant les grèves, alors que précisément toutes les vraies forces vivantes de la nation souffraient gravement de ces grèves voulues par les « branches mortes » que sont les syndicats, la même fête avait eu lieu dans un autre pays d’Asie. Il n’y avait eu alors « que » 115 fêtards venant de France!

          La chaîne France 3 pour une fois s’est échappée récemment de la P.U.T. ou Pensée Unique Totalitaire en disant: « La Sécu avait dès son départ le déficit inscrit dans ses gênes ».
 

 

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