Le fait que la cigarette
puisse constituer un risque pour la santé des individus ne
justifie pas une intervention gouvernementale qui pénalise
les fumeurs. Pour certains, le plaisir procuré par la
consommation d’une cigarette surpasse les risques qu’elle
occasionne, alors que pour d’autres (dont l’auteur de ces
lignes), les risques associés à la cigarette sont tels que
fumer n’en vaut pas la peine. L’État doit respecter ces
choix personnels et, en tant que seule institution sociétale
détenant un pouvoir coercitif légitime, doit éviter
d'utiliser la législation en tant qu'outil d'ingénierie
sociale, ce qui peut mener à des abus de pouvoir.
La cigarette profite à l’État! |
Malgré la rhétorique gouvernementale liée à la santé
publique, il est difficile de ne pas constater l’hypocrisie
de ces mêmes gouvernements, qui retirent des sommes énormes
de la taxation des produits du tabac. En 2003, les revenus
fiscaux procurés par la vente du tabac pour les
gouvernements fédéral et provinciaux s’élevaient à 8
milliards $, environ 15 fois le bénéfice net réalisé par
l’industrie du tabac sur la vente de produits du tabac(5).
Au Canada, 60% à 75% du prix d’un paquet de cigarette (selon
la province) est constitué de taxes fédérales et
provinciales(6).
En comparant le montant d’environ 7$ qu’amassent nos
gouvernements pour chaque paquet de cigarettes vendu aux
cinquante sous par paquet amassé par les fabricants de
tabac, on réalise que ce sont nos gouvernements, et non
l’industrie du tabac, continuellement dénoncée par ces
derniers, qui bénéficient le plus de la consommation de
tabac(7).
Certains justifient
l’imposition de taxes punitives sur le tabac en invoquant
les coûts énormes engendrés par l’usage du tabac pour notre
système de santé. Or, rien ne démontre qu’un fumeur
« coûte » davantage à l’État qu’un non-fumeur. Le mythe
selon lequel les fumeurs provoquent des augmentations de
dépenses gouvernementales est nourri par l’idée que s’il n’y
avait pas de fumeurs, l’État, par l’intermédiaire de son
système de santé, n’aurait pas à traiter des patients pour
les maladies attribuables à l’usage du tabac. Par contre, si
l’on tient pour avéré que la réduction de la consommation de
tabac augmente la durée de vie des gens et réduit ainsi les
coûts associés aux maladies attribuées au tabac, il faut
aussi considérer les coûts supplémentaires que ces
survivants imposeraient à l’État(8).
Ces coûts supplémentaires seraient principalement liés à
deux éléments: les soins de santé requis par les survivants
ainsi que les pensions provenant des régimes de retraite
publics qui leur seraient versées plus longtemps(9).
Il est donc faux de prétendre que les fumeurs ne paient pas
leur juste part au gouvernement; non seulement paient-ils
leur juste part, mais ils subventionnent les non-fumeurs!
Les fumeurs: victimes de
l’industrie du tabac? |
Fumer est désormais considéré comme une activité anormale
par nos gouvernants. Les activistes antitabac perçoivent les
fumeurs comme des faibles d’esprit à la merci de l’industrie
du tabac. Selon eux, si quelqu’un fume, ce n’est pas à cause
du plaisir qu’il retire de cette activité, mais parce qu’on
l’y a « forcé ». Qui sont les coupables? Les fabricants de
tabac, évidemment! Cette logique infantilisante permet au
gouvernement de s’imposer en tant que sauveur des fumeurs.
Avec la multitude de publicités dénonçant les méfaits du
tabac qui apparaissent dans les médias, on ne peut prétendre
que les fumeurs ne sont pas informés des risques associés à
la consommation de tabac. Il a même été démontré que très
souvent, le fumeur moyen surestime les risques liés à
l’usage du tabac(10).
Les fumeurs aiment fumer
et les activistes antitabac ne peuvent l’admettre. Il est
certes vrai que la cigarette peut créer une accoutumance,
mais cette accoutumance ne peut être perçue comme rendant le
fumeur totalement dépendant de la cigarette. À preuve, on
sait que le nombre de fumeurs diminue lorsque les taxes sur
les cigarettes augmentent: des économistes ont établi qu’une
augmentation de 10% du prix d’un paquet de cigarettes
faisait diminuer le nombre de fumeurs d’environ 8% à long
terme(11). Ces
données confirment la théorie de la « dépendance
rationnelle », développée principalement par le Prix Nobel
d’économie Gary Becker, selon laquelle un individu deviendra
« dépendant » d’un produit comme le tabac parce qu’il juge
les bénéfices obtenus par la consommation de cigarettes plus
élevés que les coûts, y compris les coûts éventuels
d’arrêter de fumer(12).
Le fait que les fumeurs (qui, aux dires de plusieurs apôtres
de malheur, seraient pris en otage par les compagnies de
tabac) puissent diminuer, voire même arrêter, leur
consommation de cigarettes signifie qu’ils ne sont pas des
êtres irrationnels incapables de faire un choix éclairé.
Conclusion: Laissons les fumeurs en
paix! |
L’attitude de l’État par rapport aux fumeurs est ambiguë.
D’une part, il décrit les fumeurs comme des victimes de
l’industrie du tabac; l’accoutumance au tabac développé par
les fumeurs, au lieu d’être traitée comme un choix de vie ou
même un vice, est perçue comme une maladie nécessitant un
traitement. D’autre part, les fumeurs sont traités par ce
même État comme des êtres indésirables qui dérobent des
sommes d’argent énormes à l’État en dépenses de santé et qui
constituent un problème de santé publique. Or, ces
allégations sont sans fondement. Les fumeurs ne méritent
d’être traités ni comme des victimes, ni comme des
indésirables. Ils décident librement de fumer, et ce choix,
même s’il peut être porteur de conséquences néfastes pour
leur santé ou réduire leur longévité, doit être respecté.
Après tout, si comme le disait l’économiste John Maynard
Keynes, « in the long run, we are all dead », pourquoi ne
pas vivre libres en attendant?
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