Pourtant dans le capitalisme de la société bourgeoise ou
capitaliste, les industries de luxe assument, elles aussi,
une fonction très importante. Aussitôt que les riches ont
adopté une nouveauté et en ont fait un luxe à la mode,
l'homme d'affaires se trouve incité à améliorer ses méthodes
de production afin de la rendre accessible aux masses. Le
grand sociologue français Gabriel Tarde a dit à ce sujet:
« Une innovation est le caprice d'une élite avant de devenir
un besoin du plus grand nombre... ce qui est un luxe
aujourd'hui sera demain une nécessité. » En jetant un coup
d'oeil rétrospectif sur l'histoire des trente ou quarante
dernières années, nos contemporains n'auront pas de peine à
trouver de nombreux exemples de cet axiome.
En achetant ses produits,
les consommateurs remboursent également les frais encourus
par l'homme d'affaires pour le développement de la
production. En dernier ressort les salaires ne sont pas
payés par le chef d'entreprise mais par le consommateur.
Cette constatation montre clairement la futilité de toutes
les tentatives d'améliorer le bien-être matériel des masses
par une manipulation des salaires. On peut soutenir que le
profit résultant pour les salariés d'une hausse de salaires
s'accompagne d'une perte égale pour eux en tant
qu'acheteurs. En fin de compte on ne peut relever le niveau
de vie général qu'en améliorant les méthodes technologiques
de la production.
Si l'on considère les
bénéfices, la situation est à peine différente. En 1946, M.
Robert Nathan avait préparé, pour les syndicats ouvriers qui
demandaient des augmentations de salaires, un rapport
intitulé « Une politique nationale des salaires pour 1947 ».
Dans ce document, qui fut sévèrement critiqué en raison du
parti pris dont il témoignait contre le système capitaliste,
M. Nathan estimait que les bénéfices de toutes les
entreprises de production aux États-Unis en 1946 ne
représentaient que 4,8% des ventes. Contrairement aux
mensonges généralement accrédités, la part du revenu qui est
touchée par les actionnaires ne représente qu'une faible
fraction de la somme payée pour les salaires et les
émoluments.
Bien plus, sur le revenu
net qui est remis aux actionnaires après payement des
impôts, une partie seulement est dépensée tandis que le
reste est mis de côté et investi en vue d'un développement
ultérieur de l'entreprise. De tels investissements
permettent d'accomplir de nouveaux progrès technologiques.
Aucun projet n'est réalisable si les fonds nécessaires à son
exécution n'ont pas été préalablement mis de côté dans ce
but. La détresse actuelle des pays européens vient
précisément du fait que les fonds nécessaires pour la
modernisation de leur outillage industriel font défaut.
On ne fait pas de profits
en réduisant la part qui, de droit, revient aux ouvriers,
mais en réussissant à fournir aux consommateurs, dans les
meilleures conditions, les produits qu'ils demandent. Les
entreprises qui excellent à adapter leur production à la
demande changeante du public et qui utilisent l'afflux
incessant de connaissances technologiques nouvelles font des
bénéfices tandis que les entreprises moins habiles
enregistrent des pertes.
La qualité essentielle du
système de libre entreprise, c'est de répéter chaque jour ce
procédé d'élimination qui confère un rôle dominant aux
hommes les plus capables dans la conduite des affaires et en
écarte les autres.
Ce n'est pas par suite
d'un défaut du système de production capitaliste que nous ne
disposons pas d'un stock plus abondant de biens. La cause
doit en être recherchée dans la pénurie des facteurs
naturels de la production et aussi dans le fait que le fruit
des économies antérieures, c'est-à-dire le capital
disponible, est limité et ne permet pas de faire face à tous
les investissements désirables. Un facteur naturel et un
facteur historique limitent notre pouvoir de créer pour tous
la prospérité que nous souhaitons. Mais en contrepartie de
ces handicaps, l'entreprise inspirée par l'esprit de profit
représente une indéfectible impulsion dans le sens du
progrès et de l'amélioration.
Il est triste de
constater que les gouvernements et les démagogues falsifient
les données fondamentales de l'économie et s'engagent dans
des politiques qui aboutissent à de sérieux mécomptes voire
même à des catastrophes. Le développement de la production
et l'amélioration de l'outillage industriel exigent un
volume plus considérable de capitaux, c'est-à-dire de moyens
de production, tels que instruments, machines et ainsi de
suite. Mais les charlatans s'imaginent qu'ils peuvent
remplacer par l'émission des billets et l'extension du
crédit, des capitaux inexistants. Il est vrai qu'au début,
de telles manipulations déterminent une brève et
artificielle prospérité. Mais l'orgie financière qui en
résulte est fatalement suivie par la dépression, la crise
économique.
Les efforts des
politiciens et des chefs ouvriers d'augmenter les salaires
par des moyens de pression que l'on appelle par un
euphémisme « méthodes syndicalistes », ne valent guère
mieux. Elles ne réussissent, elles aussi, que pour une brève
période. Par la suite elles suscitent inévitablement une
vague de chômage. En élevant le niveau des salaires
au-dessus du niveau du marché, les ouvriers s'excluent
eux-mêmes de celui-ci.
Les communistes nous
disent que la crise économique et le chômage sont les maux
inhérents au système capitaliste. La vérité est qu'ils sont
l'inéluctable résultat d'une politique tendant à substituer
au capitalisme un système de « compromis »... Le seul moyen
de prévenir le retour de dépressions économiques et de
vagues de chômage est de ne pas manipuler artificiellement
le taux de l'intérêt, le montant du crédit et le niveau des
salaires.
Le système capitaliste
tend à relever continuellement le niveau des salaires. Mais
le développement de cette tendance dépend de l'accroissement
des économies et de l'accumulation de capital. En
confisquant par des impôts cette partie du revenu de la
population qui aurait été économisée et en se laissant aller
à des dépenses inconsidérées conformément à la formule
préconisée par Lord Keynes, les gouvernements font tout ce
qu'il faut pour porter atteinte au bien-être de la
population.
Le capitalisme a amélioré
le sort matériel de toutes les couches de la population
d'une manière inouïe. Dans les pays capitalistes, les
populations sont infiniment plus nombreuses qu'à la veille
de la « révolution industrielle » et l'« homme de la rue »
jouit d'un standard de vie bien plus élevé que celui des
classes aisées des époques passées. Le capitalisme n'a pas
besoin de propagande pour faire son apologie. Ses réussites
suffisent. Quelles sont donc celles que pensent lui opposer
les socialistes?
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