Certes on peut toujours diverger d'opinion sur certaines choses,
voire interprétations, mais quiconque prétendrait qu'il ne se dit
que des faussetés de gauche sur
www.salon.com
(où Horowitz a collaboré et où Paglia est aujourd'hui de retour),
ou encore qu'il ne se dit que des énormités de droite sur
www.frontpagemag.com, ferait la meilleure démonstration de son
incapacité à penser par lui-même ou elle-même – une
situation qui ne
s'applique certes pas à Paglia.
Par ailleurs – et c'est une autre remarque intéressante venant d'une athée
–, Paglia exprime son exaspération
envers le fait que les outrages artistiques à l'endroit de
la religion soient quasiment toujours à l'endroit du
christianisme. Le meilleur exemple de cela étant bien sûr
« Piss Christ », une photographie d'un crucifix submergé
dans de l'urine, de l'artiste Andreas Serrano. Il faut dire
que le christianisme a le dos large de nos jours. Tout
le monde sait que la réaction serait sûrement plus
virulente s'il s'agissait d'une autre religion qui était
attaquée... Je partage ce sentiment d'exaspération.
De la thèse que Jésus était gai jusqu'aux
blagues ad nauseam de certains humoristes sur l'Église
catholique, il y a là une facilité avec ce type d'attitude qui ne mène à rien et qui
ne réussit qu'à alimenter un certain backlash en reléguant
au second plan des causes passablement plus importantes.
Bien que parfaitement versée dans la culture littéraire, Paglia
n'est surtout pas réfractaire à la culture de l'image. Cette même
culture de l'image dont elle défend fortement l'utilisation dans
le cadre scolaire. Par ailleurs, ses amitiés avec des hommes gais
sont un élément incontournable de la manière dont s'est développée sa
vision des choses et son esthétisme. Sa connaissance étroite de ce
milieu, jumelée à une conscience historique très large, lui
permettent d'ailleurs de bien rigoler lorsque certains avancent
qu'Oscar Wilde serait un libéral version go-gauche s'il vivait
aujourd'hui...
De même ce n'est pas un hasard si l'artiste qui colore le plus sa
vision du monde artistique est Andy Warhol, créateur également du
magazine Interview auquel elle contribue parfois
aujourd'hui. Pour elle, l'avant-garde a culminé avec Warhol au
milieu des années 1960. Ceux qui s'adonnent encore aux jeux stériles de
la déconstruction artistique devrait
comprendre que plus de 40 ans plus tard, il est temps de
passer à autre chose et de s'adonner au contraire à une vaste
entreprise de reconstruction, voire de revalorisation de la
connaissance chronologique des événements culturels majeurs. Et ce
spécialement auprès de la jeune génération.
Mais sa contribution la plus percutante dans les années
1990 fut sans contredit celle de ramener à l'avant-plan l'idée de nature
humaine. Il y a une quinzaine d'années, cela avait
suscité une forte opposition. Tout était encore « construction
sociale ». Aujourd'hui, seuls les plus aveugles peuvent tenir encore
ce genre de discours.
D'ailleurs quelle ironie de voir toutes ces femmes
sexagénaires se précipiter chez le chirurgien ou à la
pharmacie du coin pour se procurer tout ce que le monde de
l'esthétique offre de mieux en matière de... construction sociale.
Ces mêmes personnes qui, trente ans plus tôt, clamaient que les
différences et changements fondés sur la nature n'existaient pas.
Hey! les cheveux gris, les genoux qui craquent, le souffle court,
et six pieds sous terre en bout de ligne, vous pensez encore que
c'est une construction sociale?
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