Réponse de Erwan Quéinnec |
Bonjour Madame Dupont,
Voici une ébauche de réponse:
Être libertarien, c'est être (a minima) contre
toute intervention de l'État dans la société et l'économie.
En France – un bon exemple – il existe un large consensus
droite/gauche quant à la prééminence de l'État en matière de
régulation socio-économique. De sorte qu'un libéral cohérent
– ce que je me targue à peu près d'être – ne peut même pas
se reconnaître dans la manière stupidement manichéenne – «
pour/contre » – dont sont posés les débats dans notre pays.
Alors que depuis peu, un certain nombre d'esprits éclairés
découvrent que l'État français est sous poumon d'acier
financier – il est virtuellement en faillite – les
intellectuels « choisissent » l'origine du mal en fonction
de leurs préférences idéologiques: untel de droite pointera
le déficit de la sécurité sociale (c'est juste) et un autre
(de gauche) les subventions publiques attribuées aux grands
groupes pour créer artificiellement (et inefficacement) de
l'emploi (c'est juste aussi).
Soyons clairs: collecter
l'impôt pour le redistribuer aux groupes industriels n'est
pas plus libéral – cela n'a RIEN de libéral – que le faire
au bénéfice d'une caisse d'allocations en faveur des «
pauvres ». Il existe bien un étatisme de droite et un
étatisme de gauche. Le libéralisme les renvoie dos à dos,
tant et si bien d'ailleurs qu'historiquement, les libéraux
se sont d'abord dressés contre le mercantilisme (une
politique économique de type « nationaliste » pouvant être
assimilée à une politique « de droite ») avant de le faire
contre le socialisme, aujourd'hui triomphant (et d'ailleurs
sensible aux sirènes mercantilistes, juste retour des
choses...). Historiquement, d'ailleurs, si l'on associe «
droite » à « idéologie nationaliste » et « gauche » à « idéologie socialiste » – c'est réducteur mais globalement
acceptable – on observe la troublante tendance de l'État à
fusionner l'une et l'autre en une même logique
autoritariste, voire totalitaire.
Je ne vois pas du tout en quoi les libertariens seraient
« contre » les femmes et l'environnement. En tant que
libéral, je reconnais la légitimité des revendications
féministes lorsqu'elles sont de nature individualiste (une
femme a rigoureusement les mêmes droits qu'un homme); mais je ne vois guère quel combat il reste à mener en ce
sens, dans les pays occidentaux. Je ne les reconnais plus
lorsqu'elles sont de nature communautariste (je ne vois pas
pourquoi je paierais des impôts pour financer les fantasmes
de telle ou telle activiste...). En matière d'environnement,
les libéraux soutiennent que rien n'est plus écologique que
le libre marché (il y a pas mal d'articles là dessus sur le
QL, dont les miens). Ce n'est pas être « contre
l'environnement » même si l'on n'est pas obligé d'être
d'accord avec la thèse défendue.
Enfin, vous avez raison de pointer le clivage
économique/sociétal. Sur le plan économique, les libéraux se
trouvent plutôt à droite de l'échiquier politique (ils
coexistent avec des étatistes « pur sucre », parfois dans
les mêmes partis). Il est un fait que généralement, le
concept de
marché est mieux compris à droite qu'à gauche mais cela
dépend fortement des pays (on sait par exemple qu'un «
conservateur » français est bien plus hostile au marché
qu'un socialiste néerlandais, par exemple!). En revanche et
presque systématiquement, la droite est étroitement
conservatrice sur le plan moral/sociétal et cela ne colle guère avec le libéralisme.
À titre personnel et alors que
je les ai critiqués par ailleurs, c'est avec les Verts
français que je me reconnais le plus d'affinités sur ces
questions: ce sont les seuls à aborder les problèmes de
l'euthanasie, de la drogue ou de l'homosexualité sur un mode
qui me semble relativement libéral. Mais par ailleurs, ils
sont complètement à côté de la plaque en matière économique.
Or, ne nous trompons pas de priorité: on peut tout
envisager, tout réformer lorsque l'économie se porte bien.
Il n'y a aucun progrès de société à attendre d'une économie
déclinante. En ce sens, j'adhère plutôt à une vision... marxiste
du changement social! Comme
quoi, aucun doute, le libéralisme n'est ni de droite ni de
gauche. Il est ailleurs, tout simplement.
Cordialement,
E. Q.
Réponse de Mathieu Bréard |
Bonjour Madame Dupont.
Nous vivons dans une société qui cherche continuellement à
coller des étiquettes aux individus afin de mieux les placer
dans des tiroirs. Le fameux débat gauche/droite s'inscrit
dans cet ordre d'idée. Que ce soit dans les médias ou dans
le milieu universitaire, chacun cherche à tirer la
couverture de son côté, mais surtout à diaboliser l'autre.
En bout de ligne, cela mène à des discussions souvent
stériles. Prenons un exemple: si je vous parle d'une
personne qui entretient une haine viscérale envers les
homosexuels, qui les emprisonne et les persécutes, qu'elle
sera votre première réaction? Sûrement de me dire que cette
personne est de droite. Pourtant, le portrait que je viens
de tracer est celui du leader cubain Fidel Castro.
Maintenant, je vous demande: Fidel Castro est-il de gauche ou
de droite?
Tout cela pour vous dire que les considérations
gauches/droites sont, à mon sens, totalement inutiles. Comme
libertarien, je ne suis ni de gauche, ni de droite. Les deux
représentent une vision collectiviste et étatiste du monde à
laquelle je m'oppose. La gauche défend une étatisation
abusive de la société sur le plan social et économique. Il
s'agit de promouvoir cet État obèse et tentaculaire qui
s'ingère dans la vie des citoyens par toutes sortes de
réglementations abusives et protectionnistes. Le maternage
et la déresponsabilisation des individus sont à l'honneur,
et ce, au détriment de la responsabilisation et des
initiatives volontaires.
De son côté, un gouvernement de
droite peut être tout aussi interventionniste. Prenons le cas du
républicain George W. Bush qui depuis son arrivée au pouvoir
a multiplié les interventions de l'État fédéral. Après les
événements du 11 septembre, il fit adopter en catastrophe
toute une série de mesures dont le Patriot Act qui
a fait reculer considérablement les libertés individuelles des
citoyens. Sur le plan intérieur, il n'hésite pas à utiliser
le bras de l'État pour tenter d'imposer une définition
traditionnelle du mariage, empêcher l'avortement, le suicide
assisté ou encore imposer la prière dans les écoles. Au
niveau international, il utilise la force de l'État pour
multiplier les interventions militaires attisant la haine et
la violence. Il faut également souligner que malgré les
beaux discours d'ouverture du marché du président Bush, son
pays est extrêmement protectionniste, incapable d'accepter la
libre concurrence en provenance du Canada (bois d'oeuvre),
de la Chine (textile) ou encore de l'Afrique (coton). En
bout de ligne, cette fameuse constitution américaine
pourtant très libertarienne ressemble à un vieux chiffon.
Au Canada, Stephen Harper, que l'on qualifie de droite, est à
la tête d'un gouvernement qui sera probablement tout aussi
interventionniste que le précédent et qui ne rejoint pas la philosophie
libertarienne. Il suffit de consulter le programme de cette
formation politique pour le constater. Pensons simplement à
cette idée de remettre à l'ordre du jour la question du
mariage entre conjoints de même sexe, ou encore de maintenir
en place la criminalisation de la marijuana – une politique
pourtant abusive qui engorge le système carcéral tout en
étant inutilement coûteuse en frais juridiques. De plus,
comme vous le soulignez si bien, Ottawa n'a pas à
subventionner à coup de millions des entreprises privées, ce
qui fausse complètement le marché. Bref, cette liste
pourrait être encore très longue.
À propos de l'environnement, je suis convaincu que
l'économie de marché demeure le meilleur processus pour
résoudre nos problèmes, en favorisant le progrès et
l'innovation. Si adopter une telle attitude représente pour
vous la droite autoritaire, alors je veux bien porter le
titre! De mon côté, je refuse de sombrer dans le discours
alarmiste et apocalyptique des écologistes en quête de
subventions. Déjà en 1968, le chercheur Paul Ehrlich dans
son livre The Population Bomb précisait que des
millions de gens mourraient de faim aux États-Unis et que la
décennie 80 marquerait la fin de la production mondiale de
nourriture. Nous pouvons en dire autant de Lester Brown du
Worldwacth Institute qui annonçait la disparition totale des
ressources naturelles pour l'année 2000... Fait intéressant,
la pollution et les grosses catastrophes écologiques ont été
observées non pas en Occident, mais dans les pays communistes
où l'environnement était sur le contrôle total de l'État.
Bien à vous,
M. B.
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