L'ancien ministre commence par
ironiser sur le critère prenant en
compte la longueur des routes,
prétendant se demander en quoi la
longueur des routes et autoroutes
est pertinente à l'évaluation
économique. Selon ce critère, le
Québec serait au septième rang,
avec une note de 4,3/10, derrière
le Manitoba et la Nouvelle-Écosse.
Cela est-il sérieux? Non, écrit-il!
Or, il est inadmissible dans sa
position d'abuser de son autorité
morale pour affirmer
péremptoirement une pareille
bêtise.
En économie (comme dans
beaucoup d'autres domaines), on
utilise des « proxies » pour
mesurer certains atouts d'une
société. Un « proxy »
(littéralement « approximation » en français), c'est une
variable facilement observable,
corrélée avec une autre variable
d'intérêt, mais difficilement
observable directement. Or, la
longueur des routes et autoroutes
est un « proxy » pour
l'investissement, et Yves Séguin
le sait pertinemment. Plus
précisément, cette variable permet
d'estimer deux choses (en
agrégation): 1) la quantité
d'investissement public dans
l'infrastructure et 2)
l'efficacité de ces
investissements.
Quiconque s'est intéressé
à l'audit des contrats
d'infrastructure sait qu'au
Québec, la corruption des travaux
publics, l'incompétence des
gestionnaires, et les magouilles
des syndicats triplent le prix de
la majorité des projets. La
longueur des routes est donc un
paramètre tout à fait standard, et
la pseudo réfutation de M. Séguin est
d'une démagogie et d'une mauvaise
foi indéniables – en terme de
qualité des infrastructures, le
Québec ne réussit qu'à dépasser le
Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve et
l'Île-du-Prince-Édouard. Pas bien
fort pour nos politiciens qui se
pètent les bretelles en ramassant
les pots de vins de leurs ti-zamis
entrepreneurs!
La
réglementation et les
formalités |
Yves Séguin s'en prend ensuite au
critère de l'étude qui tente
de mesurer l'ampleur de la
réglementation et des formalités,
ce que l'on appelle communément la
lourdeur administrative. Il raille
la méthodologie utilisée, un
sondage préparé par la Fédération
canadienne de l'entreprise
indépendante, et qui mène à la
conclusion que l'ensemble des
formalités au Québec fait perdre
un temps précieux à remplir trop
de formulaires, cette perte
équivaut selon l'estimation du
Fraser à 4,5% de son PIB, soit 10
milliards de dollars annuellement, ce
qui vaut au Québec la note de zéro sur
dix. Encore une fois,
fanfaronne-t-il, « ce n'est pas
très sérieux! » Eh bien, c'est
très sérieux au contraire. Le
contrôleur d'une entreprise sait
exactement quel temps
(donc, quel argent) est dépensé
sur quelle activité. En tout cas,
il devrait le savoir. Le temps
passé à remplir des formulaires
d’« équité salariale » et de
« conformité aux normes de
l'Office de la langue française »,
pour n'en citer que deux parmi des
floppées, ou a niaiser au
téléphone avec les fonctionnaires
du gouvernemaman, est une mesure
fiable (proxy encore) de la
complexité de la réglementation,
donc des dépenses supplémentaires
que celle-ci occasionne aux
entreprises.
Méthodologie parfaitement
rigoureuse, de plus un sondage est
toujours calibré statistiquement.
Les Québécois sont les citoyens
les plus bureaucratisés au Canada,
ce qui leur vaut une autre dixième
place bien méritée au classement.
Un autre critère est
celui de la législation sur les
relations de travail. Ainsi, plus
une province adopte des lois ou
des règlements empêchant un
employeur d'embaucher des
« scabs », plus sa note descend
vers zéro. Une province qui oblige
au paiement des cotisations
syndicales est affligée, car ici
« l'infamie est jugée très grave »,
caricature l'ex-ministre, d'une
note de zéro, rien d'autre... La
question n'est pas de savoir s'il
s'agit ou non d'une « infamie ».
Ce genre de vocabulaire à la Fidel
Castro tombe complètement à côté
de la plaque. Le fait est que la
province du Québec est
syndicalisée à outrance (42%! Même
en France, c'est 12% au maximum),
ce qui donne aux syndicats un
pouvoir démesuré. Et ce n'est pas
la kyrielle d'entreprises qui ont
pris leurs jambes à leur cou
depuis 20 ans pour cette raison
qui me contrediront. Ce pouvoir
excessif des syndicats a pour
effet de
créer deux catégories de
travailleurs: les syndiqués au
statut intouchable, et tous les
autres qui se font exploiter
pour maintenir en place les privilèges des
premiers.
M. Séguin argumente ensuite que côté
fiscalité, le Québec s'en tire
bien – sauf à l'égard de la taxe
sur le capital qui ne lui vaut que
2,5/10. Mais, dit-il, la taxe sur
le capital du Québec sera ramenée
progressivement d'ici 2010 au
niveau de celle de l'Ontario qui
elle est classée au sixième rang.
Grossière déformation des
faits, le Québec ne s'en tire pas
bien du tout:
• L'impôts sur le revenu
des sociétés: Voilà le
seul atout du Québec. Le taux
est le plus bas de toutes les
provinces. Mais dans tous les
autres domaines, le Québec
traîne tellement la patte
qu'il arrive à torpiller cet
avantage concurrentiel.
• Les finances publiques:
On mesure ici l'ampleur des
déficits (ou surplus des cinq
dernières années) des dépenses
publiques en pourcentage du
PIB, l'importance du service
de la dette. Le Québec arrive
en 9e place, juste devant l'Île-du-Prince-Édouard.
• L'impôt des particuliers:
Avec une note de 2.5, le
Québec arrive en
avant-dernière place, à
égalité avec la
Nouvelle-Écosse. La dernière
place revient à Terre-Neuve.
• La taxe sur le capital:
C'est évidemment l'un des
principaux freins à
l'investissement. Après la
Saskatchewan, c'est au Québec
que la taxe sur le capital est
la plus élevée, ce qui vaut au
Québec l'avant-dernière place.
|
Pas de
quoi pavoiser |
Yves Séguin s'indigne alors du
fait que ce rapport de l'Institut
Fraser risque de causer un « tort
considérable à la réputation du
Québec. Il circule déjà dans la
communauté des affaires, et auprès
de plusieurs groupes financiers
qui risquent, encore une fois, de
ne retenir du Québec rien de bon,
et cela, bien injustement. »
Or, le tort est fait
depuis longtemps! Et fort
justement hélas: on a beau
quasiment exonérer d'impôt les
revenus des entreprises, fort peu
sont assez inconscientes pour se
risquer à s'installer dans ce qui
est en train de devenir la société
la plus déshéritée du continent,
probablement la seule ou
l'investissement privé reculera
de 0.5% en 2006! Le cancre de la
classe sur presque toute la ligne!
Voilà en gros le bilan de la
catastrophe économique et sociale
nommée Québec! Et ce, non pas
faute de ressources naturelles et
humaines comme beaucoup de pays
sous-développés, mais tout
simplement à cause d'une classe
politique et syndicale dont
l'incompétence, l'égoïsme et la
corruption ont de quoi terroriser.
Les solutions sont évidemment
politiques. Facile à dire, plus
difficile à faire. Au Québec, la
moindre petite réformette
déclenche une véritable levée de
boucliers. Nos dépenses publiques,
notre endettement, notre
bureaucratie et la rigidité de nos
lois du travail sont des « choix
de société », dit-on chez les
bien-pensants. Nous avons deux
fois trop de fonctionnaires par
tête de pipe au Québec, et cette
situation seule nous coûte des
milliards de dollars par année. Continuons comme
cela, se moque Claude Picher dans
La Presse, et il faudra
davantage parler de suicide
collectif.
À part quelques indécrottables
séparatistes ou clowns genre
Léo-Paul Lauzon, il suffit
d'ouvrir les yeux pour se rendre
compte que la province va droit
vers un mur, et que l'exode massif
vers l'Ouest et l'Alberta qui
prend forme chez les plus
instruits et les plus ambitieux
devrait être plus qu'alarmant!
Ne resteront au milieu
des ruines que les BS, les
réfugiés politiques et des
syndiqués marxistes-léninistes qui
continueront à gueuler contre
Wal-Mart et les Américains – qui
auront tous décampé en
voyant se dessiner le spectre du
désastre...
Pour qui
roule Yves Séguin? |
Que dire de plus? Aveuglement et
refus obstiné de regarder la
réalité en face. À quel jeu joue
M. Séguin? Il est quand
même bien placé pour savoir qu'il
bullshitte sur toute la ligne.
Peut-être trouve-t-on un élément de réponse
dans son étrange silence l'autre
jour à l'émission Indicatif
Présent, alors que Gérald « le
fort en gueule » Larose tentait, en
criant plus fort que les
économistes invités par Mme Bazzo, de nous
convaincre que « des dépenses de
programme, c'est des
investissements ». Connerie
monumentale qui ferait sauter au
plafond n'importe quel étudiant de
B. Com.
Faut-il y voir une
ébauche d'un prochain move
politique d'Yves Séguin vers le
camp souverainiste? Quand ça
marche comme un canard, que ça
couaque comme un canard, et que ça
vole comme un canard...
généralement, c'est un canard. Et
après la souveraineté, on le sait,
les dollars vont pousser dans les
érablières de Mauricie, le Québec
récupérera les impôts d'Ottawa
(mais pas les factures), et les
entreprises se battront pour venir
s'établir dans le Haïti d'Amérique
du Nord...
Alors Yves Séguin ne
prend pas « la défense du Québec
», mais seulement celle de
l'oligarchie qui le maintient dans
son sous-développement économique
pour mieux exploiter sa
population, comme « chair à
impôts » ou « chair à scrutin » –
à vous de choisir –, au nom d'une
« solidarité » nationale à sens
unique. Un peu comme une étudiante
médiocre qui crierait au
harcèlement pour forcer son
professeur à remonter ses notes.
Pierre-Yves P.
Montréal
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