Par
ailleurs, il faut aussi se
dire que quand les employeurs
licencient, c'est autant de
postes qui se libèrent. Ce
qu'on perd d'un côté, on le
gagne de l'autre. En France,
le problème c'est que quand
les jeunes condamnent l'« instabilité », ils confondent « stabilité de
l'emploi » et « fonctionnariat
à vie ». Alors qu'en
Angleterre, par exemple, il
est courant de ne rester que deux ans dans la même
entreprise. Il n'y a même pas
besoin de « période d'essai »,
c'est l'employé qui quitte son
patron avant même que celui-ci
ait pensé à le licencier.
Là-bas on parle de « mobilité » et de « liberté », quand ici
on parle d'« instabilité » et
de « précarité »… Au nom de la
« stabilité », les jeunes
Français voudrait une société
figée, alors que dans les
autres pays tout le monde a
bien compris qu'une société
dynamique profite bien plus
à tous.
Cela dit, le CPE introduit-il
bien de la liberté et de la
flexibilité dans le monde du
travail, et plus
spécifiquement dans la
relation employeur-employé?
Certes, le CPE est un contrat
de plus, soit un peu plus de
choix donc un peu plus de
liberté; mais il n'en est pas
moins une mesure dérisoire
face à la nécessité d'une
totale liberté de contrat
entre l'employeur et
l'employé. Le CPE est inutile
et inefficace, inutile car
inefficace. Par ailleurs il ne
pourra jamais atteindre
complètement son but (résoudre
le problème du chômage des
jeunes), dans le sens où le
chômage des jeunes résulte
d'un chômage plus général
étendu à la société entière:
une mesure catégorielle, ne
concernant que les moins de 26
ans – et par là discriminante
– ne peut donc être une
solution satisfaisante. On
s'attaque aux effets, et non
aux causes.
Ne soyons pas
dupes, même du côté des
défenseurs du gouvernement: le
CPE n'est qu'un artifice
politique, dont Villepin a
voulu se servir en prévision
des prochaines élections. Ça
s'est retourné contre lui et
c'est bien fait. Notons par
ailleurs comment le fait de se
focaliser sur cette petite
mesure et les réactions
qu'elle provoque permet
d'esquiver les vrais débats
sur les changements de fond
nécessaires…
Bref, même pour quelqu'un qui
refuse les dérives
collectivistes et les appels à
la révolution communiste des
syndicats qui défilent
aujourd'hui dans la rue,
accepter de but en blanc le
CPE n'est pas forcément la
solution. Je dirais même qu'il
n'y a pas nécessairement de
contradiction, pour le libéral
que je suis par exemple,
dans le fait de se joindre aux
mouvances syndicales, si c'est
pour s'attaquer à la droite
gouvernementale. Il n'est pas
incohérent pour un libéral de
se prononcer en défaveur du
CPE. Ce qui ne veut pas dire
qu'il faut se plaquer un
autocollant CGT ou LCR sur le
front et se fondre dans les
cortèges des syndicats
d'extrême gauche en levant le
poing à l'écoute de « La lutte
finale » qui tourne en boucle
dans ce genre de manif…
En
fait, le vrai problème, ce
n'est pas le rejet du CPE en
tant que tel mais les
amalgames qui sont faits tout
autour. Il n'y a qu'à voir sur
les pancartes des manifestants
le détournement des initiales
CPE: « Contre le C-P-E:
Capitalisme – Précarité –
Exploitation »… Le CPE est-il
vraiment la dernière
expression du « capitalisme le
plus sauvage »? Et si l'on
s'attaque au capitalisme,
c'est donc pour prôner le
communisme? Je crois que c'est
sur ce point qu'il faut
réagir, plus que sur les
remous provoqués par une lutte
politique qui est tout ce
qu'il y a de plus classique
entre syndicats de gauche et
gouvernement de droite.
D'ailleurs, autant surfer sur
ces remous pour porter une
voix différente, par exemple
en détournant à son tour les
initiales du CPE: « Contre le
C-P-E: Communisme – Populisme
– Étatisme = Pour le contrat
libre! » Voyez à ce sujet la photo de
la manif de mardi le 4 avril à Grenoble,
où une pancarte plutôt
atypique a fait son effet en
interpellant pas mal de monde.
Valentin B.
Grenoble
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