Je viens de lire la lettre de Valentin B. sur le CPE. C'est tout bonnement
affligeant. Je pense qu'il ne sait pas ce qu'est la vie de
précaire. Il ne peut sans doute pas imaginer qu'on puisse penser la
société en dehors de l'économie de marché. S'il croit que ce
mouvement de la jeunesse française est archaïque, il se trompe. Je
suis persuadé qu'il préfigure les grands chocs sociaux et donc
politiques des années qui viennent.
Et comme on a crié en
France: « qui sème la misère, récolte la colère ».
Stéphane
travailleur social
Toulouse (France)
Stéphane,
N'essayez pas de dresser mon profil sans me connaître. Je ne vis
peut-être pas dans la pire des misères, mais je ne roule pas sur
l'or non plus. Je dois travailler l'été pour financer mes études,
et, faute de qualification suffisante (pour le moment), je dois me
contenter de boulots tels que manoeuvre à l'usine ou travailleur
agricole. En échange de ce travail, éprouvant tant physiquement que
moralement – et souvent mal considéré dans notre société –, je reçois un
salaire dérisoire sur lequel l'État pense encore bon d'en
ponctionner près de la moitié.
C'est précisément le fait d'être confronté à cette réalité qui me
pousse à réagir contre le conservatisme ambiant. Dans notre société
étatiste à outrance, seules de vraies réformes libérales nous
permettront de sortir de la situation de pauvreté et de précarité
dans laquelle nous ont plongés et nous maintiennent les politiques
interventionnistes de droite comme de gauche.
Je connais et j'ai rencontré plusieurs travailleurs précaires et
jeunes en situation difficile: ce sont eux-mêmes qui m'ont déclaré
qu'ils se satisferaient bien d'un CPE, plutôt que... de rien du tout!
Alors quand j'entends les bloqueurs de facs condamner le CPE en
prétendant s'attaquer à la précarité – qu'ils n'ont jamais connue et
qu'ils ne connaîtront jamais –, ce sont eux qui m'apparaissent comme
les vrais nantis déconnectés de toute réalité. Sans parler du fait
que les méthodes qu'ils emploient mettent de nombreux étudiants dans
des situations très difficiles: les blocages nous précarisent tous.
Vous rappelez qu'en France on a crié: « qui sème la misère, récolte
la colère ». Ce ne serait que justice. Seulement, si ce ne sont pas
les syndicats qui ont semé la misère, ce sont en tout cas eux qui
aujourd'hui l'entretiennent en refusant toute réforme. Et ils
finiront donc bien eux aussi par récolter la colère des vrais
travailleurs et des vrais précaires.
Valentin B.
jeune en colère
Grenoble
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