Car le marché, faut-il le
rappeler, n’est pas une entité externe qui s’oppose à la
culture. Ni un ramassis de gros méchants patrons qui ne songent qu’à
faire du profit. Le marché, c’est simplement la somme des
décisions des consommateurs et des producteurs.
Plutôt que de réclamer
quelques millions de plus au gouvernement, le MAL devrait demander à
l’État de réduire les impôts et de se retirer du financement
de la culture pour laisser aux citoyens et entrepreneurs le
soin de s’en occuper. Les premiers le font déjà beaucoup –
et rien n’indique qu’ils cesseront de le faire – tandis que
les seconds ne pourraient qu’en faire davantage – si on leur
donnait plus d’incitations.
L’État a cependant créé
toutes sortes d’attentes au cours des années au sein de la
communauté artistique. Et la meilleure façon d’effectuer un
retrait sans tout bouleverser serait d’assurer une période
de transition.
Dans ce sens, une
initiative comme celle de
Placements Culture annoncée l’an dernier par la
ministre Line Beauchamp, est des plus intéressantes – et le
serait d’autant plus si elle était accompagnée d’un
échéancier en parallèle avec le retrait progressif de
l’État.
Ce programme vise
notamment à mettre en place des conditions de nature à
inciter, progressivement et dans une perspective de long
terme, le secteur privé à s'engager plus intensément dans le
financement des organismes de la culture. Il vise aussi à
permettre aux organismes culturels de stabiliser leurs
revenus à long terme afin de gagner en autonomie.
L’État doit mettre en
place des mécanismes qui vont favoriser le mécénat et
l’émergence de fondations privées. Congés de taxes,
déductions fiscales, on peut encourager le développement de
la culture sans avoir à investir des fonds publics.
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Bien sûr, il est possible que des artistes ne survivent pas un
éventuel retrait de l’État. Prétendre le contraire serait
malhonnête. Sauf que si des artistes disparaissent, ce sera
seulement parce que leur art ne fait pas l’objet d’une réelle
demande ou qu’ils sont incapables d’intéresser un public.
De toute façon, des
artistes disparaissent déjà même s’ils sont subventionnés. Un
retrait de l’État entraînera immanquablement des disparitions.
Mais ces artistes se recycleront. D’autres les remplaceront. C’est
la meilleure façon d’assurer une culture dynamique et pertinente.
Dans certains milieux,
comme celui des arts visuels, des artistes vivent et meurent sans
que personnes ne s’en rendent compte. Comment expliquer que des
artistes reçoivent des milliers de dollars en bourse sur des
périodes de plusieurs années, et que personne ne soupçonne leur
existence? C’est simple, ils n’ont pas besoin de la reconnaissance
du public pour exister, seulement celle de leurs pairs. Marcel
Deschênes brosse un éloquent tableau d’un secteur complètement
sclérosé dans son ouvrage intitulé
L'art de qui?
Même chose dans le
domaine du livre. Il se publie 5000 nouveaux titres par année au
Québec. De tous ces ouvrages, seulement 20% sont rentables. La
plupart ne trouvent pas preneurs et sont détruits. Il y a plus de
nouveaux livres sur le marché chaque année, mais chacun se vend à
moins d’exemplaire.
Ne pourrions-nous pas en
produire moins qui se vendraient peut-être plus? Est-ce réellement
une tragédie si des produits culturels disparaissent ou s’ils ne
voient jamais le jour?
Une majorité de Québécois
ne vont jamais au théâtre ou au concert classique. Ils ne lisent
pas de poésie et n’ont jamais entendu de musique
électroacoustique. Nul doute qu’ils aimeraient profiter de leur
argent comme bon leur semble plutôt que d'être forcés de financer une culture
qu’ils ne consomment pas. Peut-être préfèreraient-ils aller plus
souvent au cinéma, lire plus de romans, pouvoir s’offrir plus de
disques, ou une toile à accrocher au salon. Ils ne le peuvent pas.
Plutôt que de forcer
toute une population à se priver pour permettre à une petite élite
de se payer du théâtre expérimental ou de la danse moderne,
laissons les gens décider de ce qu’ils veulent s’offrir. Le marché
s’occupera bien de faire en sorte que chacun trouve ce qu’il
désire. La beauté du capitalisme, c’est qu’il permet la
multiplication des niches culturelles.
Ceux qui prétendent que
la culture devrait être accessible à tous et qu’elle n’a pas de
prix font preuve d’une certaine hypocrisie. Si c’est réellement le
cas, pourquoi ne militent-ils pas pour la construction d’un opéra
à Sept-îles ou d’un musée des beaux-arts à Rimouski?! Dans une
optique d’accessibilité à tout prix, les gens qui vivent en région
devraient aussi avoir un accès direct à la culture. Ils ne
devraient pas avoir à se rendre à Montréal pour consommer de la
culture financée à même leurs impôts.
L’art a un coût. Et si le
ballet au Québec n’attire qu’environ 500 personnes, eh bien le
milieu du ballet devra trouver des façons de financer ses
spectacles. Ça ne signifie pas nécessairement que le ballet
disparaîtrait de l’offre culturelle. Ça veut seulement dire que
les amateurs devront débourser plus pour satisfaire leur goût très
minoritaire et peut-être s’attendre à voir apparaître des affiches
de commanditaires lors de spectacles.
Personne ne paie aux
amants de la Grèce antique des voyages en méditerranée. Pourquoi,
eux, devraient-ils financer les sorties des amateurs de ballet?
Faire payer à l’ensemble
des Québécois quelque chose qu’ils ne veulent pas, ou auxquels ils
n’ont pas accès, est immoral. Si l’on veut être véritablement
équitable, il faut laisser les gens assumer les coûts réels de ce
qu’ils veulent consommer.
Pour le reste, le secteur
privé peut très bien se charger de proposer biens et services
culturels aux consommateurs.
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Pour résumer, les Québécois dépensent beaucoup d’argent dans le
domaine de la culture. Deux fois plus que les gouvernements. Rien
n’indique qu’ils vont cesser de le faire. Et ils en dépenseraient
encore plus si l’État se retirait du financement, s’il réduisait
les impôts des particuliers, et s'il mettait en place des
mécanismes qui favorisent le mécénat et l'émergence de fondations
privées.
À cet effet, un exemple
nous vient de l’Alberta. Au début de l’année, le gouvernement de
Ralph Klein a fait parvenir un chèque de 400 $ à chacun de ses
citoyens parce qu’il nageait dans les surplus budgétaires. L’Opéra
de Calgary, le Ballet de l’Alberta et l’Orchestre Philharmonique
de Calgary en ont profité pour inviter leurs abonnés à faire un
don. Ils ont reçu plus de 20 000 $ en quelques semaines.
On pourrait s’inspirer
d’eux. Pas besoin d’avoir du pétrole. On pourrait commencer par ne
plus avoir un gouvernement dépensier qui subventionne tout ce qui
bouge, et pas seulement la culture. Et par ne plus être les
citoyens les plus taxés et les plus endettés en Amérique du Nord.
Les artistes, et leurs
porte-parole, devraient célébrer l’entrepreneurship au lieu de se
morfondre dans le misérabilisme. Ils devraient
s’ouvrir aux nouvelles réalités du marché. Qui sait, ils
arriveraient peut-être ainsi à faire plus que 12 000 $ par année.
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