Réponse de François-René Rideau: |
|
Cher M. Colombier,
Avec votre argument, les médecins ont intérêt à mal soigner
leurs patients, les boulangers à vendre au même prix du pain
inférieur en qualité ou en quantité, les fabricants de
voiture à faire de la camelote qui tombe vite en panne, les
marchands de vêtement à faire des vêtements de mauvaise
qualité, etc., etc. Et dans un sens, oui, c'est vrai: tout producteur aurait intérêt à gruger ses
clients, si cela veut dire qu'il pourra gagner plus en
travaillant moins.
Mais seul un monopole de droit peut lui permettre de
conserver ses clients malgré ses mauvais services. Et seul
un monopole de droit peut le garantir contre des poursuites
s'il trompe ses clients ou rompt ses promesses. Sans
monopole, le mauvais producteur perd ses clients au profit
de ses concurrents. Sans monopole, même une apparente
« position dominante » est fragile face à l'arrivée de
nouveaux entrants qui satisfont mieux les clients. Sans
monopole, impossible de gruger impunément, car les clients
trompés se retournent contre vous. C'est la concurrence
entre producteurs qui seule garantit la qualité de ces
producteurs.
Il en va pour la police comme pour l'épicerie. Dans un
régime de monopole, un producteur de services de police
incompétent voire malveillant conserve indéfiniment ses
clients qui ne peuvent pas s'adresser ailleurs. C'est ce que
l'on voit en France, où la police ne fait pas son métier
(voir le désordre dans les « banlieues »), et où ceux qui
voudraient voir l'ordre rétabli n'ont personne à qui
s'adresser et n'ont pas le droit d'établir d'institution
concurrente. Dans un régime de concurrence, le service de
police indélicat perdrait sa clientèle, et serait passible
de poursuites que les polices concurrentes seront ravies de
faire respecter. En cas de bavure, la police nationale
étouffe l'affaire. Des polices privées poursuivraient le
coupable. Quand la police nationale ne fait pas son travail,
il n'y a aucun recours. Quand une police privée ne fait pas
son travail, elle perd ses clients qui s'adressent au
concurrent... ou qui prennent les choses en main et fondent
un concurrent!
Votre description de fournisseurs indélicats qui cultivent
le « sentiment d'insécurité » pour refourguer davantage de
leurs fausses solutions onéreuses correspond parfaitement à
la situation actuelle dans les États européens: des
fournisseurs de service de sécurité, chacun en situation de
monopole, font monter la pression pour que leurs assujettis
exaspérés demandent davantage de ces services mauvais et
onéreux, n'ayant pas le choix du fournisseur. Quant aux
pauvres incapables de se défendre, c'est bien la situation
dans les banlieues avec cet État clientéliste qui favorise
les proches du pouvoir et laisse les pauvres impuissants
sans défense.
Associations mutuelles, compagnies d'assurances ou
fondations à but non-lucratif, à l'échelle locale ou
nationale voire en fédérations transnationales, les formes
complémentaires que prend l'organisation volontaire des
hommes sont variées, et permettent de satisfaire chacun en
toute circonstance. Dans un régime de concurrence, il n'y a
aucun sens à chercher « la » forme d'organisation qui
prévaudra... toutes les formes d'organisation coexistent
pacifiquement, et c'est la volonté individuelle de chaque
consommateur qui prévaut.
La sécurité ne sera pas « chère », car chacun pourra dépenser
exactement ce qu'il estime que cette sécurité vaut en
échange du service exact qu'il estime valoir en échange –
et s'il ne trouve personne pour lui rendre se service, il
pourra se le rendre à lui-même. S'il sait fournir de la
sécurité de façon plus efficace que l'offre du marché, il
est promis à un beau succès commercial! À partir du moment
où chacun est libre de choisir son budget de sécurité et la
façon de le dépenser, comment pouvez-vous affirmer qu'il
dépense ou trop ou trop peu? Chacun dépensera exactement ce
qu'il estime nécessaire. Sauf à vous prétendre un être
supérieur au-dessus du commun des mortels (et alors je
demanderai à voir les preuves de votre rang), vous n'avez
aucun titre à leur imposer vos choix.
Un pauvre a peu de moyen pour se défendre, mais il a peu à
livrer à ses agresseurs. Des pauvres désarmés et laissés
sans défense par un monopole indélicat sont des proies
faciles et rentablement nombreuses. De nombreux pauvres
libres de s'armer, de s'organiser en milices de protection
mutuelle et de louer les services de spécialistes efficaces
et organisés sont des proies difficiles et dangereusement
nombreuses. Si l'on compare des populations de revenu équivalent, y a-t-il plus d'agressions par habitants dans
la campagne profonde américaine armée ou dans les banlieues
« désarmées » des villes sous la coupe des politiciens
socialistes? Le constat est facile à faire.
L'État, monopole de la production de services de sécurité,
désarme les victimes et leur interdit de s'organiser; les
criminels eux restent armés, et je compte les criminels
légaux tout autant voire plus que les criminels illégaux.
Seule la concurrence, qui n'est qu'un mot pour signifier la
liberté des consommateurs, peut protéger les consommateurs
de sécurité contre l'incompétence et la malveillance des
producteurs.
F.-R.
R.
|