Au Québec, notre
principale ressource énergétique n’est certes pas dispendieuse au
compteur pour l’utilisateur. Ceci pose toutefois une sérieuse question
à la logique socialiste: si le maintien de prix artificiellement bas
pour l’énergie au Québec constitue un meilleur choix de société, ne
devient-il pas alors incohérent de prétendre que l’Alberta doit sa
prospérité générale uniquement à la hausse des cours du pétrole? Les
Albertains n’auraient-ils pas dû s’appauvrir dans cette histoire?
État omniprésent vs État plus
minimaliste |
Sans trop vouloir se baser sur les statistiques, auxquelles on peut
faire dire pratiquement n’importe quoi, on peut néanmoins en conclure
que le Québec supporte des dépenses publiques par habitant plus
élevées que la moyenne des provinces canadiennes et, plus
particulièrement, que l’Alberta et l’Ontario. En 2004-2005, les
dépenses budgétaires totales par habitant se seraient élevées à 9 775
$ au Québec, comparativement à 8 939 $ pour la moyenne canadienne.
Aussi, au 31 mars 2005,
la part des recettes totales du gouvernement du Québec dans le PIB se
situait bien au-dessus de la moyenne canadienne (Québec: 26,5%,
Alberta: 17,4%, moyenne: 24,6%) mais surtout, la proportion des
dépenses totales du gouvernement du Québec était aussi l’une des plus
élevées (Québec: 27,6%, Alberta: 15,5%, moyenne: 24,5%). Le Québec se
distingue particulièrement au chapitre de ses dépenses en « services
sociaux », la part de son PIB qu’il y dépense étant supérieure au
double de la moyenne des autres provinces (6,6% vs 2,9%)(2).
Selon une étude récente
produite conjointement par CIRANO (Centre interuniversitaire de
recherche en analyse des organisations) et par les Études économiques
du Mouvement des caisses Desjardins(3),
la mesure à privilégier pour redresser la situation fiscale du Québec
serait de hausser les tarifs d’électricité. On y note entre autres que
Toute proportion gardée, l’électricité est au Québec ce que le
pétrole est à l’Alberta. [...]
Tarifer correctement les services permet d’utiliser efficacement
les ressources. En effet, une tarification qui sous-estime la
valeur réelle d’une ressource conduit souvent à une consommation
excessive. Les exemples en la matière abondent. Citons parmi eux
les secteurs de l’eau, l’électricité, les frais de scolarité et
les soins de santé. Une juste tarification est une solution
efficace dans l’allocation des ressources et réduit au minimum le
gaspillage. (p. 29) |
Et plus loin:
Notons que pour plusieurs économistes, l’appauvrissement relatif
du Québec (dont le revenu par habitant compte parmi les plus
faibles d’Amérique du Nord) s’explique en partie par ce gaspillage
des ressources en eau et en électricité. À titre d’exemple,
l’Alberta ne connaît pas le même problème parce qu’elle adopte une
meilleure tarification de ses ressources pétrolières. (p. 37) |
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Il est rien de moins que farfelu de prétendre que la prospérité peut
être créée à partir d’une seule ressource naturelle sans au préalable
avoir instauré les institutions nécessaires à son existence. La Russie
et la plupart des pays du Moyen-Orient abondent en réserves
pétrolières ou en gaz naturel et pourtant, la richesse y demeure
toujours concentrée entre les mains de petits groupuscules de
privilégiés, proches du pouvoir, laissant la population dans la
misère. On est loin de la richesse générale albertaine.
L’Index
of Economic Freedom, qui classe annuellement les pays du monde
selon leur niveau de liberté économique(4),
montre que les pays les plus libres
économiquement (Hong Kong dominant le classement et la Corée du Nord
le fermant) sont généralement les plus
prospères.
On y remarque également
que, contrairement à la mode intellectuelle de gauche voulant
que les pays scandinaves soient des exemples de réussite socialiste,
la Finlande, la Suède et la Norvège se retrouvent aux 12e, 19e et 30e
rang respectivement, en termes de liberté économique. Ces pays peuvent
bien jouir d’une prospérité relative, mais il semble que cette prospérité
soit difficilement attribuable à un modèle socialiste duquel nous
devrions nous inspirer.
Il ne s'agit pas de prétendre que les ressources pétrolières de
l’Alberta n’ont rien à voir avec la prospérité de la province, au
contraire. Mais il faut cesser de se cacher la tête dans le sable et
accepter que nous ne devons pas blâmer notre prospérité moindre sur
notre seule carence en réserves d’énergie fossile.
On peut bien vouloir
débattre avec les partisans de l’interventionnisme étatique de la
qualité ou de la justesse de telle ou telle ingérence
gouvernementale dans la société civile, encore faut-il que le débat
demeure honnête. Malheureusement, il ne le sera pas tant et aussi
longtemps que les socialistes et les politiciens n’en auront pas la
volonté.
Non seulement est-il
devenu d’usage pour la gauche de modifier le sens des mots ou
d’utiliser ceux-ci à des fins auxquelles ils n’étaient pas destinés
(voir mon article «
Socialism and the Corruption of Words and Language »,
le QL, no 165),
mais il est de plus en plus fréquent de voir des situations factuelles
être présentées sous une apparence très différente de la réalité
lorsque cela sert les intérêts de l’intelligentsia interventionniste.
Lorsque
suffisamment de Québécois se seront posé la question à savoir pourquoi
les socialistes emploient-ils systématiquement de tels subterfuges
pour promouvoir leurs objectifs, alors peut-être une plus grande prospérité nous
sera-t-elle accessible à nous aussi.
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