Les
passagers doivent de plus revêtir un costume spécial, une
sorte de pyjama aux couleurs de la compagnie, dans les
poches duquel on retrouve une paire d’écouteurs, une
bouteille d’eau, une petite trousse comprenant des
aspirines, de la gomme à mâcher et d’autres produits
promotionnels. Arrivés à leur destination, les passagers
passent au vestiaire où on leur remet leurs vêtements –
qui ont été fraîchement nettoyés et pressés pendant le
vol.
Ma mère, qui n’aime pas les fouilles à nue, mais qui veut tout de même
un minimum de sécurité, préfère voler sur Air-Cist. Cette compagnie a
bien mauvaise presse puisqu’elle fait ouvertement de la
discrimination. Sa publicité dit: « Comme vous, nous choisissons ceux
avec qui nous voyageons. » Ses administrateurs se sont dits que si
tous les islamistes ne sont pas des terroristes, tous les terroristes
par contre sont des islamistes; ils ne fouilleraient donc que les
passagers qui correspondent à certains critères.
Toute personne ayant
voyagé au Pakistan, en Iran ou dans un pays où l’on écrit de droite à
gauche au cours des dix dernières années, toute personne ayant un nom
à consonance arabe, toute personne ayant l’air suspecte est fouillée.
Si vous êtes un homme au teint basané et que votre compagne porte un
voile, vous pouvez être sûr de passer de longs moments au contrôle de
sécurité.
Résultat: ils n’ont
presque pas de fouille à mener. Les islamistes, les arabes et les
arabophiles sont tellement furieux contre la compagnie qu’ils la
boycottent systématiquement. Il faut dire qu’au Texas, le franchisé
avait été un peu loin, il obligeait chaque passager à manger un petit
tapas au porc et à se faire photographier au côté d’une peinture
représentant le prophète…
Les voyageurs ayant bonne
conscience peuvent toujours choisir Moyen-Air. En plus d'un clin
d’oeil publicitaire visant les voyageurs qui abhorrent Air-Cist,
Moyen-Air a choisi une voie mitoyenne concernant la sécurité. Leurs
passagers ont un choix entre une attestation de sécurité ou une
procédure normale d’embarquement.
Pour obtenir une
attestation de sécurité, le passager doit se présenter en personne au
bureau de la compagnie aérienne. Cette procédure ne se déroule qu’à
une occasion. On y prend les empreintes digitales et une photo de
l’iris du client, on lui fait signer diverses autorisations et on
procède à une enquête exhaustive. Si la personne satisfait aux
critères de sécurité, elle sera acceptée comme client sécurisé et
l’embarquement sera extrêmement rapide.
Les critères pour être
acceptés sont confidentiels, mais les analystes croient que le fait
d’avoir un emploi stable et un historique de voyages réguliers aide à
obtenir le certificat. Les voyageurs qui optent pour cette compagnie
sans être munis du certificat de sécurité doivent s'attendre à une
fouille de leurs bagages à main et un passage au détecteur de métal,
un peu comme c'est le cas actuellement dans nos aéroports.
Dans un monde libertarien, il n’y aurait probablement pas de
compagnies aériennes aussi caricaturales que les Flying Cow-Boys, les
Securit-Air ou les Air-Cist. Mais on peut raisonnablement croire qu’il
se développerait des marchés spécifiques convenant plus précisément
aux besoins de chaque clientèle. Actuellement, les États proposent des
solutions qui, si elles sont efficaces, seront extraordinairement
coûteuses. Si on fouille tout le monde à poil, on va possiblement
décourager quelques terroristes de voyager. Mais, on va devoir
fouiller pas mal de personnes comme ma mère.
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