La suppression des droits de succession pour un conjoint survivant a
d'abord été présentée comme la mesure-phare dans ce domaine, avant
que Bercy ne fasse savoir que rien n'avait été décidé. Cette
proposition est inspirée par un souci de justice, car il apparaît
anormal de taxer deux fois le patrimoine accumulé au cours de leur
vie commune par deux conjoints, à la mort de l'un, puis à la mort de
l'autre. Bien entendu, la gauche, adepte du conservatisme fiscal, a
poussé des cris devant la prétendue injustice que constituerait ce
« cadeau fait aux riches ». Et malheureusement, le président de la
commission des finances de l'Assemblée nationale, Pierre
Méhaignerie, a repris cet argument en déclarant: « Faut-il prendre
le risque de subir jusqu'à l'élection présidentielle le slogan "Tout
pour les riches?" Je ne crois pas. » Ce faisant, il donne un exemple
supplémentaire de la peur panique qui saisit bien des hommes
politiques de droite dès lors qu'une mesure pourrait être contestée
par la gauche.
Comme d'habitude, le
débat sur la fiscalité, fortement marqué par des préoccupations
d'opportunité politique, se focalise sur des mesures de bricolage
fiscal au lieu de reposer sur des principes économiques et éthiques.
On ne peut en effet pas considérer comme légitime l'idée constamment
invoquée selon laquelle il serait juste de prendre relativement plus
à ceux qui ont beaucoup, ce qui implique que les taux des droits de
succession, comme ceux de l'impôt sur le revenu, soient progressifs.
En réalité, ce qui serait
juste serait de respecter les droits de propriété légitimes des
citoyens. Avec une telle volonté, qui correspond à la réalité
humaine et aux enseignements de la science économique, les
prescriptions seraient bien éloignées des affirmations habituelles.
Ainsi, on prétend souvent qu'il n'est pas «juste» que certains
héritent de biens qu'ils ont acquis sans efforts ou mérites
particuliers. Mais ce qui est en cause dans l'héritage, ce sont
d'abord les droits de propriété du défunt. Si quelqu'un a fait
l'effort, toute sa vie, d'accumuler un patrimoine non sans avoir
payé au passage des montants d'impôts impressionnants, au nom de
quel principe peut-on le priver du droit de léguer à ses enfants, à
des amis, à une oeuvre charitable ou culturelle, l'ensemble de ce
qui lui appartenait? En quoi la mort pourrait-elle autoriser l'État
à s'emparer d'une grande partie du patrimoine en question?
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