Montréal, 3 septembre 2006 • No 191

 

HUMOUR

 

 Serge Rouleau est éditeur du Magazine nagg.

 
 

ENFIN UN RÈGLEMENT
POUR ENCADRER L'ÉTERNUEMENT!

 

par Serge Rouleau

 

          Les élections de l’automne 2006 avaient reporté le Parti Libéral au pouvoir. Malgré la faible popularité de Jean Charest, les Québécois lui avaient donné un deuxième mandat. Ils avaient choisi le moindre mal comme ils le faisaient depuis trente ans…

 

          Le Parti Québécois avait subi la pire défaite de son histoire. Au lendemain des élections, André Boisclair avait démissionné de son poste de chef du parti. Plusieurs prédisaient la disparition du PQ. Toutefois, lors de la course au leadership de l’automne 2008, Gilles Duceppe avait milité en faveur de l’abandon de l’option souverainiste et avait remporté la chefferie haut la main. L’évacuation de l’option souverainiste en faveur de l’interventionnisme de l’État avait permis de faire renaître le PQ.

          Tout le programme du parti tournait maintenant autour du rôle prépondérant de l’État pour garantir une société juste et égalitaire. On promettait de bâtir une société exemplaire où les inégalités et les injustices ne seraient plus tolérées. Le parti Québec solidaire, au bord de la faillite, se saborda au profit du PQ. Les syndicats, les groupes sociaux et les intellos de gauche voyaient dans ce changement de programme une manne qui tomberait bientôt du ciel et l’appuyaient sans réserve.

          À l’élection de 2010, le PQ remportait l’élection avec plus de 50% du vote populaire. Cette majorité absolue n’était pas aussi surprenante qu’on aurait pu le croire à première vue. En fait, la moitié des Québécois profitaient déjà de la redistribution forcée de la richesse créée par l’autre moitié. La promesse d’un interventionnisme encore plus créatif ne pouvait qu’améliorer le sort de la moitié profiteuse.

          En 2020, le PQ était à mi-chemin dans son troisième mandat. Tout ce qui pouvait être étatisé, légiféré et réglementé l’était déjà. Les stratèges du parti étaient à court d’idée et pourtant ils étaient connus pour avoir beaucoup d’imagination. Un jour, le ministre de la Santé leur annonça qu’il avait trouvé la solution. Pour remporter un quatrième mandat, il fallait réglementer l’éternuement: « L’éternuement est la principale cause de la transmission du virus de la grippe. Cela doit être réglementé tout comme nous réglementons les aliments, les médicaments, l’environnement, etc. Lorsque quelqu’un éternue, il éjecte des millions de microbes à plus de 130 Km à l’heure pouvant contaminer ses camarades dans un rayon de 3 à 4 mètres. »
 

« En 2020, le PQ était à mi-chemin dans son troisième mandat. Tout ce qui pouvait être étatisé, légiféré et réglementé l’était déjà. Les stratèges du parti étaient à court d’idée et pourtant ils étaient connus pour avoir beaucoup d’imagination. Un jour, le ministre de la Santé leur annonça qu’il avait trouvé la solution. »


          Le premier ministre ajouta: « Il est urgent d’agir et d’enrayer ce comportement asocial qui nuit à l’économie. Le gouvernement n’a plus de marge de manoeuvre et si rien n’est fait, il devra emprunter pour financer les coûts du système de santé. L’année dernière, 69% des revenus du gouvernement ont été alloués au financement de la santé. Je ne remets pas en doute la générosité légendaire des Québécois, mais ils paient déjà 75% de leurs revenus en impôts et en taxes. Pouvons-nous leur en demander davantage? »

          La CSN émit un communiqué de presse qui déclarait: « Enfin, un gouvernement qui a le courage de mettre fin aux abus des employeurs peu scrupuleux. Ils ne pourront plus exploiter les travailleurs en exigeant leur présence au travail s’il y a un risque, même minime, d’éternuement. Selon nos calculs, le nombre de jours de travail des Québécois diminuera d’au moins quinze par année. Enfin, nous serons les leaders mondiaux avec moins de 200 jours de travail par année. »

          Le Parti Vert s’était immédiatement rangé derrière ce projet innovateur. Il déclarait dans son communiqué de presse: « L’éternuement est non seulement une menace pour la santé publique, c’est une menace pour la démocratie. Plusieurs Québécois ne participent plus à nos marches de protestation par crainte d’être contaminés par les éternuements de nos opposants qui s’immiscent clandestinement dans nos rangs. »

          Le représentant du Conseil du patronat s’était timidement objecté: « L’éternuement est un réflexe naturel toléré et accepté dans tous les pays du monde. » La réponse du ministère de la Santé ne se fit pas attendre: « Manger aussi est un acte naturel. Mais depuis que nous réglementons ce que les Québécois mangent, les études démontrent que leur niveau de stress a considérablement diminué. Ils ne sont plus exposés à devoir choisir entre malbouffe et bouffe-santé. »

          Lors de la période de question un journaliste avait demandé au premier ministre ce qu’il entendait faire pour améliorer le niveau de vie des Québécois. Selon la dernière étude de l’OCDE, le PIB par habitant dépassait à peine 50% de la moyenne des pays de l’OCDE. Le premier ministre avait répondu: « Le PIB n’est pas un indicateur significatif pour le Québec. J’ai demandé à l’Institut de la Statistique du Québec de mesurer le BDQ, le bonheur des Québécois. On verra bien qui a raison. »
 

 

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