Montréal, 10 septembre 2006 • No 192

 

OPINION

 

Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.

 
 

LES HAUTS FONCTIONNAIRES
SE VOTENT UNE HAUSSE!

 

par Michel de Poncins

 

          Un des « principes » de la « République Fromagère » veut que les personnes qui sont le plus proches du centre du pouvoir soient les plus favorisées. L'incroyable histoire de la faveur que viennent de s'octroyer, par décret interposé, les hauts fonctionnaires, met en lumière à nouveau le jeu de ce principe.

 

          Un décret paru au Journal officiel le 12 août, date habilement choisie, prévoit une prime de performance pour les directeurs d'administration centrale et les personnes exerçant des fonctions équivalentes, qui sera attribuée en fonction des résultats obtenus. Cette indemnité ne pourra pas dépasser 20% des éléments de la rémunération brute annuelle du bénéficiaire et son montant sera fixé au vu des résultats d'une évaluation annuelle et individuelle.

          C'est bien à une véritable augmentation de 20% que nous assistons et voici pourquoi.

          Parler de performance, c’est viser un bon fonctionnement du système ou une amélioration de ce système. Or l'État français est bouffi, obèse et contradictoire au-delà du possible et nous avons souvent montré qu'il est irréformable – il ne faut pas perdre un temps précieux à tenter de le réformer. Depuis des décennies, on parle de réforme de l'État et ceci jusqu'à consacrer un ministère à cette tâche impossible: rien ne s’est produit.

          Jean-François Cope, ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'État, vient d’avouer lui-même l’inutilité de ses efforts. Il lance tous les deux mois une vingtaine d'audits sur les procédures de l'État pour, paraît-il, essayer d'économiser de l'argent. Il a reconnu publiquement cependant l’inefficacité de cette méthode lorsqu'il a dit « l'année dernière, les conférences étaient mondaines, elles seront beaucoup plus concrètes cette année ». Il n’est pas possible d’être plus franc dans la description des « parlottes et fêtes » qu’il a organisées sous prétexte de réforme.

          Quatre-vingt-seize pages, c'est la longueur du document budgétaire qui dresse chaque année la liste des commissions et instances délibératrices placées auprès du premier ministre et des autres ministres. La situation est si grave et ridicule qu'un rapport, un de plus, remis au premier ministre indique: « qu'il est urgent de conduire un inventaire exhaustif de ses instances ».
 

« Quatre-vingt-seize pages, c'est la longueur du document budgétaire qui dresse chaque année la liste des commissions et instances délibératrices placées auprès du premier ministre et des autres ministres. »


          Il faut, au lieu de s'attacher à une tâche impossible, faire maigrir l'État à grande vitesse. Un pouvoir libérateur supprimerait d'un seul coup un très grand nombre de tâches étatiques tout en commençant par les plus idiotes et les plus inutiles.

          En outre, vouloir donner une prime de performance supposerait que les ministres aient une autorité réelle sur les directeurs de ministère. Ce n'est pas le cas.

          Pourrait-on voir un ministre convoquant chaque année un directeur de ministère pour déterminer avec lui les critères de son succès éventuel? C'est évidemment impossible et le directeur rirait bien dans son for très intérieur de ce ministre qui, demain, ne sera plus là...

          Pour que cet indice de performance ait réellement de la valeur, il faudrait des critères précis. Dans le privé, il existe de tels critères comme le profit ou le chiffre d'affaires. Dans le public, il n’en n’est pas question – quels critères donner au directeur d'un service qui s’occupe de la parité hommes-femmes?

          Une prime pour être gérée doit supposer une notation; la tradition dans les services publics est que lorsqu'il y a notation elle tende toujours au maximum, c'est-à-dire près de 90%.

          Enfin, l’extension aux assimilés va ouvrir la porte à de multiples dérives.

          C'est bien à une augmentation du salaire des hauts fonctionnaires que nous allons assister alors que la France croule sous un nombre intolérable de fonctionnaires de tous niveaux.
 

 

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