Montréal, 29 octobre 2006 • No 199

 

OPINION

 

 Serge Rouleau est éditeur du Magazine nagg.

 
 

LES ENTREPRENEURS SONT DES HÉROS

 

par Serge Rouleau

 

          Les entrepreneurs sont des héros peu appréciés dans la société québécoise. Pourtant, les Québécois bénéficient grandement du fait que les entrepreneurs créent la richesse essentielle à l’amélioration de la qualité de vie de l’ensemble de la population. Leur besoin de liberté les pousse à défier les limites du possible. Leur perspicacité à poursuivre leur rêve quoi qu’il advienne en fait des personnes exemplaires. Leur vision les transporte au-delà du visible. Lorsque leurs rêves se matérialisent, l’ensemble de la société en bénéficie grandement.

 

Qui sont les héros?

          Pour certains, un héros est une personne qui possède des valeurs classiques: honnêteté, courage, bravoure. Pour d’autres, c’est quelqu’un d’exemplaire dans tout ce qu’il fait. Pour plusieurs, un héros est quelqu’un qui accepte de se sacrifier pour les autres. Beaucoup de Québécois classifient les artistes et les athlètes qui ont réussi dans la catégorie de héros. Dans tous les cas, ce sont des individus pour qui la liberté est l’élément essentiel de la réussite.

          Selon Joseph Campbell, expert en mythologie, le héros doit obligatoirement traverser trois étapes: la première étape est le passage du familier et confortable vers l’inconnu. Le héros risque l’échec pour atteindre un objectif perçu comme illusoire, irréalisable. La deuxième étape consiste à vaincre les nombreux obstacles qui s’opposent à la réalisation du rêve du héros. Finalement, à la troisième étape, le succès du héros rayonne sur l’ensemble de sa communauté.

L’entrepreneur, un héros moderne

          Dans le monde moderne, les entrepreneurs traversent les trois étapes du voyage classique des héros pour réaliser leurs rêves. Ils sont tout aussi courageux et intrépides que les héros mythiques qui doivent affronter les dragons et vaincre les forces du mal. Tout comme ceux-ci, ils devraient être reconnus comme des modèles à suivre.

          À la première étape de son voyage héroïque, l’entrepreneur remet en question le statu quo. Il ne se laisse pas intimider par les obstacles et les défis. Il est naturellement optimiste. Il visualise une meilleure façon d’accomplir une tâche, de satisfaire une demande ou un besoin. Il refuse les idées préconçues traçant les limites entre le possible et l’impossible. Bref, il jouit d’une grande liberté et il en assume les conséquences.

          Au cours de cette première étape, plusieurs facteurs motivent l’entrepreneur. Certains désirent devenir riches et être reconnus socialement. D’autres cherchent simplement à s’investir pour améliorer le sort de leur famille ou de leur communauté. Plusieurs recherchent l’aventure et les défis. Ils ont tous en commun un surplus d’énergie, une vision et une détermination à toute épreuve.

          À la deuxième étape, l’entrepreneur se retrouve en territoire inconnu. Il est prêt à tout sacrifier pour réaliser son rêve qu’il perçoit plus important que lui-même. Tout le reste devient secondaire. L’entrepreneur est sans cesse confronté à l’inconnu et aux embûches. Au cours de cette deuxième étape il est continuellement mis en échec par les tenants du statu quo. Ses anciens collègues qui comptaient sur lui pour sauver le système, au mieux, le jalouseront, au pire, le considéreront comme un traître qui abandonne le navire. Ses parents et amis lui reprocheront de tout sacrifier à la poursuite de son rêve. Il doit persister malgré les désaveux, les erreurs et les échecs.

          À la troisième étape l’entrepreneur offre finalement son produit ou service à la communauté. En achetant ses produits ou services, les clients consacrent sa réussite. La profitabilité de l’entreprise mesure le degré de création de richesse de son projet. Les profits sont sa récompense pour avoir amélioré le sort de ses concitoyens. Ainsi, en créant de la richesse, l’entrepreneur devient bienfaiteur. Il offre à ses concitoyens des produits et services qui ne seraient pas disponibles autrement, du moins pas aux mêmes conditions.

          Le vrai entrepreneur est différent de l’homme d’affaire qui cherche seulement à maintenir une longueur d’avance sur ses compétiteurs. Surtout, il ne compte pas sur les subventions du gouvernement ou sur une règlementation favorable pour assurer son succès. Ce qui le motive vraiment, c’est le sentiment de liberté et d’accomplissement que procure la réalisation d’un rêve.

L’entrepreneur, un individu hors du commun

          Le succès est souvent fugitif et jamais assuré. Quatre-vingt pour cent des nouvelles entreprises ne termineront pas leur quatrième année d’existence. La plupart des produits révolutionnaires voient le jour dans le garage d’un entrepreneur dans des conditions que peu de gens seraient prêts à accepter. Même dans ces conditions extrêmes, les entrepreneurs créent 80% des nouveaux emplois. Ils sont toujours les premiers à offrir les services d’avant-garde tant attendus par une société en constante évolution.
 

« Une société qui compte peu d’entrepreneurs est une société vouée à stagner ou pire encore, à régresser. L’entrepreneur est garant de la liberté, de la créativité et du dynamisme d’une communauté. »


          Une société qui compte peu d’entrepreneurs est une société vouée à stagner ou pire encore, à régresser. L’entrepreneur est garant de la liberté, de la créativité et du dynamisme d’une communauté. La région de Chaudière-Appalaches compte plus d’entrepreneurs par 1000 de population que les autres régions du Québec et le taux d’assistance-emploi y est systématiquement le plus bas. À la fin du premier trimestre 2006, ce dernier y était de 5,2% alors qu’il dépassait 11% à Montréal.

          Pourtant, le rôle de l’entrepreneur est peu valorisé, particulièrement dans les sociétés socialisantes. La liberté dont jouit l’entrepreneur est perçue comme un danger. Il est étouffé par une règlementation sclérosante et coûteuse conçue pour satisfaire les éléments les plus frileux et les plus dépendants de la société.

          Pourquoi les entrepreneurs sont-ils perçus comme des exploiteurs et non comme les héros qu’ils sont ? Le poids politique des entrepreneurs est faible par rapport à celui des grandes corporations et des groupes de pression. Aussi, dans un système politique socialisant comme celui que nous connaissons au Québec, l’entrepreneur est systématiquement désavantagé.

          Il est rarement valorisé par les politiciens qu’il perçoit comme autant d’obstacles à la liberté qu’il chérit plus que tout. Les qualités véhiculées par l’entrepreneur font ressortir les faiblesses de ceux qui dépendent de l’État. Ils le perçoivent comme le dénonciateur de leurs faiblesses et ils se méfient de ses intentions.

          Sa nature résolument individualiste et une confiance inébranlable en ses capacités le motivent à affronter et à surmonter les nombreux obstacles placés sur son chemin par les gouvernements. Ce faisant, il froisse nécessairement les susceptibilités des bureaucrates.

          Les tenants du « modèle québécois » – qu’il serait plus juste de qualifier de modèle de société socialisante – dénigrent systématiquement l’entreprise privée. Pour eux, les entrepreneurs ne sont que des empêcheurs de tourner en rond qu’il faut contrôler de près, faute de pouvoir les éliminer. Leur tâche est grandement simplifiée par le fait que le lien entre les réalisations d’un entrepreneur et le bien-être des Québécois est souvent loin d’être évident.

          De plus, trop peu de Québécois connaissent les règles de fonctionnement d’une économie de marché. Les médias dénoncent, avec raison, les abus inévitables. Par contre, ils parlent peu ou pas des bénéfices qui en découlent. Ainsi, les Québécois ont développé une vision biaisée et négative de l’économie de marché et par association, des entrepreneurs.

Les artistes, les athlètes et les entrepreneurs

          Tous s’accordent pour dire qu’il faut investir dans la culture et le sport. Des centaines de millions sont accordés en subventions, commandites et bourses pour permettre aux meilleurs de percer. Les médias réservent les plages horaires de grande écoute aux artistes à succès. Les athlètes côtoient les artistes et les politiciens dans les talk shows. Ceux qui se hissent au-dessus de la mêlée sont respectés et adulés par la population. On leur pardonne facilement une erreur, un échec. Ce sont des héros, nos héros. On semble savoir intuitivement que c’est en les valorisant que nous permettrons aux meilleurs et au plus grand nombre de réussir.

          Peu s’offusquent du fait qu’un artiste ou un athlète gagne des revenus annuels dans les 7 ou 8 chiffres. On admet facilement que c’est normal puisqu’ils ont tout sacrifié à leur passion et réussi là où tant d’autres ont échoué. Pourquoi alors ne traite-t-on pas les entrepreneurs sur le même pied? Malheureusement, au Québec c’est trop souvent le contraire qui se produit.

          On se méfie de l’entreprise privée et souvent on la dénigre bien injustement. Une réglementation coûteuse et souvent inutile réduit les chances de succès des entrepreneurs (exemple: les garderies privées). On privilégie le monopole d’État inefficace au détriment de l’entreprise privée qui pourrait offrir des services de meilleure qualité à moindre coût (exemple: la SAQ). On enseigne que la solidarité passe obligatoirement par l’État (exemple: école publique vs école privée). Les médias et les journalistes penchent trop souvent en faveur des options socialisantes (exemple: Bias de Bernard Goldberg).

          Dans un tel contexte il est plutôt surprenant qu’il y ait encore des Québécois qui osent s’aventurer comme entrepreneurs. Comme pour les artistes et les athlètes, c’est seulement en valorisant l’entrepreneuriat que nous permettrons aux meilleurs et au plus grand nombre de percer et de réussir.

Conclusion

          Une société est façonnée par les valeurs qu’elle véhicule. Les Québécois sont fiers de leurs artistes et de leurs athlètes. Ils voient en eux un échantillon représentatif de l’ensemble de la société. Aussi, le Québec produit plus d’artistes et d’athlètes de calibre international que ne le justifie sa modeste population.

          Le même succès est à notre portée dans le domaine économique. Toutefois, cela requiert un changement important dans le système de valeurs des Québécois: le profit est la mesure du succès, non du vol; l’entreprise privée est plus efficace que la bureaucratie d’État; enfin, l’entrepreneur est un héros qui fait rayonner les valeurs québécoises au-delà de nos frontières tout comme l’artiste ou l’athlète.

          Verrons-nous un jour la Soirée des entrepreneurs où les artistes québécois rendront hommage aux entrepreneurs?
 

 

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